
Aujourd’hui, les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle (IA) et la blockchain s’imposent comme des leviers puissants de transformation. En facilitant l’inclusion financière et en renforçant la transparence des flux, ces outils numériques redéfinissent en profondeur les pratiques de la finance durable.
La Presse — Comment les technologies émergentes comme l’intelligence artificielle et la blockchain transforment-elles les pratiques de la finance durable ?
L’intelligence artificielle (IA) et la blockchain redéfinissent déjà les pratiques de la finance durable en Tunisie. Ces technologies ouvrent la voie à une meilleure inclusion financière, en facilitant l’accès aux services bancaires pour les populations non bancarisées. Elles assurent également une transparence accrue des flux financiers, élément clé pour renforcer la confiance des investisseurs et lutter contre la corruption. En outre, elles offrent une capacité renforcée d’évaluation et de gestion des risques climatiques et sociaux, notamment à travers des outils d’analyse prédictive et des mécanismes de traçabilité des investissements verts.
Lorsqu’elles sont encadrées par des institutions, telles que la Banque centrale de Tunisie (BCT), et intégrées dans des programmes de formation académiques et professionnels, ces technologies peuvent jouer un rôle déterminant dans la structuration d’un écosystème d’investissement responsable, innovant et résilient.
A travers la Bourse, les banques commerciales et la BCT, la Tunisie explore activement des solutions technologiques de pointe pour moderniser son système financier et accélérer la transition vers une économie plus durable et inclusive.
Face aux défis environnementaux croissants auxquels la Tunisie est confrontée, quels outils numériques vous semblent les plus pertinents pour évaluer, orienter et sécuriser les investissements?
Les exemples d’application de l’intelligence artificielle (IA) et de la blockchain dans le domaine de la finance durable en Tunisie se multiplient, illustrant leur potentiel à transformer en profondeur les pratiques financières. Ces technologies innovantes interviennent principalement dans trois domaines clés.
Tout d’abord, l’évaluation des risques climatiques : des outils d’IA avancés, comme GraphCast développé par Google DeepMind, permettent de prédire avec précision des événements climatiques extrêmes, tels que les cyclones ou les inondations. Ces capacités prédictives sont particulièrement précieuses pour les assureurs, les réassureurs et les investisseurs engagés dans la finance verte, qui peuvent ainsi mieux anticiper et intégrer ces risques dans leurs décisions. Ensuite, l’IA contribue à l’automatisation des processus financiers et à la réduction des coûts opérationnels. Elle est utilisée pour gérer intelligemment des portefeuilles d’investissement, réaliser des analyses ESG (environnementales, sociales et de gouvernance), détecter les pratiques de greenwashing et mesurer avec plus de précision la performance extra-financière des entreprises. Cela renforce la crédibilité des projets à impact et facilite l’allocation efficace des ressources.
Enfin, la traçabilité et la transparence des flux financiers représentent un autre domaine d’application majeur, rendu possible grâce à la blockchain. Cette technologie permet de certifier l’origine des fonds verts et de garantir leur affectation conforme aux objectifs de durabilité. En Tunisie, plusieurs projets pilotes explorent l’usage de la blockchain pour assurer une traçabilité en temps réel des investissements responsables, renforçant ainsi la confiance des parties prenantes.
Ces avancées ouvrent la voie à une finance plus responsable, plus transparente et mieux alignée avec les objectifs du développement durable.
En tant que spécialiste de la formation en finance durable et en FinTech, quelle est votre perception sur l’évolution des compétences requises pour accompagner la transition vers une finance plus verte ?
L’évolution des compétences en finance durable et en FinTech dans des pays comme la Tunisie repose sur une logique de convergence : convergence entre la finance et la technologie, entre les normes globales et les réalités locales, entre le savoir académique et l’action professionnelle.
Dans cette dynamique, il devient essentiel de promouvoir une hybridation des compétences, combinant maîtrise des outils financiers, compréhension des enjeux de durabilité, et aptitude à utiliser les technologies émergentes.
Pour répondre à ces nouveaux besoins, des programmes diplômants en finance durable et FinTech doivent émerger, structurés autour de contenus pédagogiques à la fois techniques, conceptuels et éthiques. Ces formations devraient intégrer des modules technologiques (Python, intelligence artificielle, blockchain, modélisation financière), des fondamentaux ESG (green bonds, trajectoire Net Zero, reporting intégré), ainsi que des compétences transversales en éthique, gouvernance et stratégie de transition.
Cette hybridation répond à une double exigence : comprendre en profondeur les enjeux climatiques et sociaux pour les intégrer dans les décisions financières, tout en maîtrisant les outils numériques permettant d’automatiser, d’analyser et de piloter la performance durable. Elle constitue ainsi un levier clé pour bâtir une finance plus responsable, plus innovante, et mieux ancrée dans les défis des économies émergentes comme celle de la Tunisie.
Propos recueillis par
Sabrine AHMED