
Alors que le monde, dans presque tous les domaines, fait intervenir l’intelligence artificielle pour repousser les limites du savoir, on continue quelque part à insulter l’intelligence du consommateur, par des effets d’annonce qui finissent par devenir ridicules.
La Presse — En effet, à quoi sert-il de mettre en place un point de vente directe entre agriculteurs et consommateurs ?
Cette tente, ce stand ouvert pour présenter une certaine quantité de produits, censés être écoulés directement entre les producteurs et les consommateurs agira t-elle à faire baisser les prix ?
Nous avons eu l’occasion de visiter ces points de vente. Et nous n’avons été impressionnés par aucun d’eux. En effet, les prix sont abordables durant les quelques heures de l’inauguration. Une fois les reporters envoyés pour la couverture partis, les photos prises, les séquences tournées, le communiqué mis sur le web effectué, les affiches changent et le consommateur, venu dans l’espoir de « faire une affaire » se retrouve le bec dans l’eau.
Il a perdu son temps et le prix du carburant dont il s’est servi pour le déplacement.
Pour la bonne raison que les prix à partir desquels les agriculteurs ont cédé leurs produits sont sans commune mesure avec ceux qui sont affichés sur les marchés. Nous sommes loin, très loin des prix équitables. Nous avons vu des abricots affichés à sept dinars huit cents millimes !
A combien cet intermédiaire a-t-il acheté le kilo auprès du producteur ? Quel cheminement a suivi ce produit pour finir à ce prix, sans vergogne, sur les étalages ?
Il ne s’agit donc pas de procéder par des interventions d’urgence à coup de bouteilles d’oxygène pour sauver un noyé, mais bien de mesures autrement plus incisives.
Des mesures appelées à devenir une règle de conduite, un moyen incontournable pour protéger le consommateur. Les règles du marché équitable, un système visant à établir «des relations d’échange plus justes entre producteurs et consommateurs, reposant sur des principes comme le paiement d’un prix étudié aux producteurs, le respect des droits humains et la protection de l’environnement». C’est un partenariat basé sur le dialogue, la transparence et le respect.
Où en sommes-nous de tout cela ?
Pour le moment, les spéculateurs ont la main haute sur ces produits agricoles. Ils raflent tout, dirigent les quantités qu’ils jugent suffisantes pour bloquer les échanges et attiser les demandes pour décider des prix de vente.
Le contraire de ce raisonnement est à prouver sur le terrain.
Des producteurs interrogés sur les réseaux sociaux (ces déclarations sont à prendre avec mille et une précautions), ont avoué avoir vendu sur pied leurs abricots au prix de deux cents millimes le kilo. Le dernier prix vu sur le marché était de deux dinars. Où est passée la différence ?
Le cas des fraises qui se sont maintenues durant le mois de ramadan à plus de dix dinars le kilo, pour déferler sur le marché à la moitié quelques semaines après, dans un état déplorable. La lutte contre la spéculation, nous l’avons régulièrement rappelé, se fait au moyen de la traçabilité de la marchandise, de son transport et de sa mise en dépôt pour réguler son écoulement.
Dans l’état actuel des choses, on s’acharne à mettre toutes ces responsabilités sur les services de contrôle. Ce qu’ils font est surhumain. Ils ne peuvent être partout pour débusquer les dépôts et les chambres froides illicites, suivre à la trace les produits, surveiller les échanges sur les marchés de gros, s’inquiéter des affichettes des marchés municipaux, vérifier les factures, etc.
C’est à ce dernier niveau que tout se trame. Ces norias de camionnettes qui déposent des produits qui ne sont jamais passés par le marché de gros, détiennent le secret de toutes les manipulations.
Une fois à l’intérieur, on peut apposer n’importe quelle étiquette sur des produits introduits indûment et à la qualité disparate.
La facture à présenter sera celle du seul cageot acheté au marché de gros.
C’est la raison pour laquelle nous avons toujours soutenu que l’organisation des marchés municipaux est à revoir de fond en comble. Il faut responsabiliser. Pourquoi ne l’a-t-on pas fait ou pourquoi rien n’a changé ? Les prix des fruits, abondants cette année et de bonne qualité, sont inconcevables. Ils baissent pour un certain nombre par obligation, étant arrivés à la limite de la conservation.
Ces points de vente occasionnels sont assurément salutaires, les programmes d’animation, de dégustation, les plats préparés sur place et les actions de sensibilisation ( ?!) le sont aussi. Les journées éducatives pour les enfants sont à louer, mais en quoi profitent-ils aux consommateurs et aux agriculteurs ? Toujours est-il qu’il faudrait s’assurer que ceux qui y viennent et ouvrent un stand sont de vrais agriculteurs. Les prix qu’ils affichent n’ont pas l’air de le confirmer.
Quelles répercussions ont-ils au lendemain de ce genre de manifestations ?
En principe, les réponses se trouvent dans les bilans établis. Mais…