
La Presse — Nous avions soutenu, à la veille de l’Aïd, lorsque les prix du mouton atteignaient des sommets, que ce sont les bouchers, qui sont partout, presque côte à côte, qui fixaient le prix du kilo de viande de mouton.
Ces « officines » qui débitent de la viande rouge, il n’est pas difficile de deviner qui est derrière elles. Ceux qui détiennent des capitaux et sont capables de mettre dans un enclos, plus d’une douzaine de moutons devant leurs boutiques. Si le prix de l’unité dépasse largement le million, faites le compte et tirez les conclusions.
Le consommateur a fait son deuil de cette viande rouge et se rabat automatiquement sur ce qui est beaucoup plus à sa portée. Illustration de cette situation, un gamin et son père fixant des gigots de mouton et le père qui explique à sa progéniture que c’est là un produit que l’on appelait viande et qui existait au siècle dernier.
L’étau se resserre
Mais il ne s’agit nullement de prendre à la légère cette situation qui donne l’impression d’échapper des mains des responsables. En apparence.
En effet, l’étau se resserre sur les spéculateurs. Les tonnes de viandes rouges et blanches saisies ces derniers temps démontrent que cette « organisation » qui a déréglé le marché, entretenue par ces spéculateurs, souffre des conséquences d’un grain de sable qui a commencé à tout remettre en cause.
Ces quantités saisies et c’est malheureusement une perte sèche pour l’économie nationale, est le produit de cette politique rigoureuse, appliquée depuis quelques mois. Dépassés par le harcèlement dont ils sont l’objet, ils ne trouvent plus preneurs et ne possédant pas où stoker, tout est emmagasiné n’importe où.
Au pire des cas, si ces viandes ne sont pas écoulées ou si elles ne sont pas saisies, elles finiront par être transformées dans une étable, comme cela a été le cas dernièrement à Bizerte, dans un sous-sol ou n’importe où en salami ou en jambon.
Il y a assez de colorants et de condiments qui faussent tout, imposent le goût et masquent l’odeur.
34 dinars au kilo
La sortie du président de l’Otic qui a assuré dernièrement « qu’un boucher gagne 34 dinars au kilo » ne nous a pas surpris. En vérité à moitié surpris, étant donné que l’un des principaux opérateurs du secteur n’a pas donné son avis. La société Ellouhoum qui gère directement ce secteur des viandes rouges. Si nous considérons que les Départements de l’Agriculture et du Commerce sont aussi intéressé par cette apostrophe, les chiffres avancés ont dès lors un son bien particulier.
Le président de l’Otic a bien précisé que « le coût de revient d’un kilogramme de viande est d’environ 26 dinars, alors qu’il est vendu au détail à un prix variant entre 55 et 60 dinars ».
Où est la vérité ?
En effet, si le calcul du président de l’Otic est correct, il n’a pas cité de sources mais nous supposons qu’il en ait une sérieuse sous la main, nous nous trouvons au-devant d’un énorme point d’interrogation.
Et ce n’est pas l’ouverture d’un point de vente du producteur au consommateur à El Ouardia où la viande ovine sera vendue à 49d et celle bovine à 32d, (on annonce aussi la prochaine ouverture d’autres points de vente dans d’autres villes) qui résoudra le problème.
Une stratégie à mettre en place
Considérant que cette question est d’intérêt national, que les problèmes qui se posent seront régulièrement ravivés de manière chronique, surtout à l’occasion de l’Aïd, il faudrait mettre en place une stratégie basée sur la pleine reprise en main pleine et entière du secteur.
Il n’est donc pas question de marchandage dans une échoppe de tapis, mais bien de plan d’action sérieux, basé sur des études menées par des spécialistes directement impliqués et par ceux de la société civile. La confrontation des idées est toujours positive lorsqu’il s’agit de l’intérêt national.
Néanmoins, il nous semble que l’ouverture des boucheries devrait être soumise à une autorisation préalable et que leur nombre devrait obéir à des conditions d’implantation géographiques bien précises. D’ailleurs, l’interdiction de l’abattage au bord des routes nous semble encore en vigueur.
Quelle différence y a-t-il entre un abattoir en ruine et un pied de porte d’une boucherie pleine de résidus de sang et de terre ?
Ces points de vente, ces importations ponctuelles et autres actions occasionnelles c’est positif, mais ne résolvent rien. Il est temps de faire de cette question un dossier à étudier et non des circonstances exceptionnelles, du joug desquelles il faudrait simplement sortir.
Cela ne rend service qu’à ceux qui spéculent et tiennent en main le secteur.