L’étude portant sur l’évaluation du plan de développement pour la période de 2016-2020 a révélé des dysfonctionnements tant sur le plan méthodologique que sur le plan prévisionnel et déploiement.

Retenir des leçons à partir des défaillances du plan quinquennal précédent pour ne plus tomber dans les mêmes erreurs est une tâche primordiale et une étape qui devrait être indispensable et préliminaire lors de l’élaboration du plan suivant. Même si les avis divergent sur les véritables causes du non aboutissement du plan de développement 2016-2020, l’écart entre les chiffres réalisés et ceux qui ont été préalablement fixés est bel et bien réel.

Arrêt sur les objectifs du plan quinquennal 2016-2020

Evidemment, la période du déploiement de l’intégralité du plan n’est pas encore achevée étant donné qu’elle prend fin en 2021, mais plusieurs écarts qui peuvent être parfois très importants ont été déjà détectés durant les deux premières années de sa mise en œuvre. L’étude d’évaluation du plan de développement 2016-2020, qui a été réalisée par Solidar Tunisie dans le cadre de l’élaboration du socle commun, vise, en effet, à cerner les lieux de dysfonctionnement qui ont engendré de tels résultats. Pour y arriver, il faut tout d’abord rappeler les objectifs du plan quinquennal. Ainsi, l’étude souligne que « le plan de développement 2016-2020 vise à transformer l’économie tunisienne d’une économie à faible coût à un hub économique ». Pour atteindre cet objectif, trois défis majeurs ont été fixés, à savoir : premièrement, la diversification du tissu économique par l’accroissement de 10% de la part des secteurs à contenu technologique élevé qui devrait passer de 20% du PIB en 2015 à un taux de 30% assigné pour l’année 2020 ; deuxièmement la promotion de l’investissement et l’amélioration du climat des affaires en augmentant le volume des investissements directs étrangers de 80% et celui des investissements publics de 50 % vers la fin de 2020; finalement, la promotion de l’effort à l’exportation et une meilleure intégration économique, l’objectif étant d’atteindre un ratio de 42% d’exportations/PIB à l’horizon 2020.

Importants écarts entre le réalisé et l’assigné

Partant, l’étude a démontré que le plan a été réalisé d’une manière optimiste sans tenir compte de la conjoncture nationale. En matière de croissance, la moyenne des taux de croissance enregistrés sur la période 2016-2018 est seulement de 1,8%, soit un écart de 2,2% par rapport aux prévisions du plan (4%). Quant au taux d’accroissement de l’investissement, il n’a pas dépassé les 18,8% contre un taux prévisionnel de 25%. Pis encore, pour le taux d’épargne réalisé qui est de 9,6%, soit presque la moitié du taux à atteindre (18%). Ce ralentissement de l’investissement a engendré un manque à gagner en termes de création d’emplois. Ces derniers devraient avoisiner les 400 mille emplois en fin de 2020, alors qu’on est seulement à 109 mille emplois créés. En d’autres termes, le plan quinquennal n’a pu assurer que la moitié des chiffres fixés.

L’étude s’est également intéressée à une évaluation sectorielle, c’est-à-dire à un diagnostic des projets à réaliser par département, et ce, en balayant tous les secteurs d’activités économiques. Une approche assez intéressante dans la mesure où elle responsabilise chaque tête de département qui devrait rendre des comptes quant à ses performances. De surcroît, elle permet de démontrer les dysfonctionnements des outils de déclinaison du plan, s’il en y a. Grosso modo, l’étude a révélé à la fois l’infaisabilité, la complexité et l’imprécision d’une grande part des projets conçus dans le cadre du plan de développement 2016-2020. Sans omettre de noter la forte incohérence et non-coordination observée entre les lois de finances et les politiques d’investissement qui se sont répercutées sur la capacité d’adaptation du plan à l’évolution de la conjoncture économique. « Les objectifs du plan sont à peine évoqués dans la loi de finances », révèle l’étude. Par ailleurs, il a été noté que la majorité des projets déclarés dans le plan sont toujours en stade d’étude ou de recherche de financement. « Les grands projets publics sont ambitieux sans se soucier du réalisme et de la cohérence entre les objectifs de chaque projet et les moyens disponibles », souligne le rapport de l’étude.

Synthèse de recommandations

Des recommandations visant à améliorer l’efficacité et l’efficience des prochains plans quinquennaux ont été synthétisées dans le cadre de cette même étude. L’expert économique Ghazi Boulila en a étalé une panoplie dans une brève présentation. L’objectif est de faire sortir les points défaillants du présent plan afin de les éviter lors de l’élaboration du prochain plan de développement. On cite, principalement, la non-convergence entre les diverses politiques monétaires et financières qui est due à l’absence d’un mécanisme institutionnel qui coordonne les diverses parties prenantes. Il a appelé, à cet effet, les protagonistes en la matière à trancher sur la question de la politique monétaire et à concentrer les efforts, notamment de la BCT, sur la croissance et l’emploi. « Un débat sur le rôle de la BCT doit avoir lieu, pour trancher sur sa mission principale», a souligné le professeur universitaire à l’Ihec. Il a également proposé de se lancer dans davantage d’activités nationales et même régionales. Il a précisé, à cet effet, que la Tunisie peut mieux exploiter les accords du libre-échange conclus avec ses partenaires. Réfléchir sur des moyens de développement de l’agriculture, encourager la consommation privée et publique et libéraliser le secteur des services, dans l’objectif d’améliorer sa compétitivité, sont également les points qui ont été soulevés par l’expert.

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