Accueil Actualités Chawki Tabib, président de l’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption : «Le processus électoral est menacé»

Chawki Tabib, président de l’Instance Nationale de Lutte contre la Corruption : «Le processus électoral est menacé»

«Des centres d’appels ont été mobilisés par certains candidats à la présidentielle pour influencer le choix des électeurs lors du jour du silence électoral».

Lors d’un colloque organisé par l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) portant sur le rôle des instances indépendantes, de la société civile, des médias et de la justice dans la protection du processus électoral, Chawki Tabib, président, a reconnu l’existence de certains dépassements et même de délits électoraux lors du premier tour de la présidentielle.

Chawki Tabib a affirmé que son instance a pu soulever et documenter des infractions électorales portant notamment sur la distribution de l’argent aux électeurs, sur le transport des électeurs par des voitures administratives et sur l’implication de certains délégués et maires dans l’influence des choix des électeurs dans les bureaux de vote. «Il est inadmissible qu’en 2019, des électeurs soient exposés à ce genre de dépassements et de délits électoraux, il y a comme une sorte de culture de l’impunité qui est généralisée lorsqu’on évoque ces délits», a-t-il estimé, affirmant que l’Inlucc a pu également soulever des dépassements et des infractions le jour du silence électoral. «Des centres d’appels ont été mobilisés par certains candidats à la présidentielle pour influencer le choix des électeurs lors du jour du silence électoral», a-t-il encore précisé.

Chawki Tabib a affirmé, dans ce sens, que l’actuel processus électoral est menacé par l’argent sale, les médias corrompus, l’ingérence de certaines parties étrangères, mais également par l’abstention des électeurs tunisiens.

Tabib a d’autre part souligné le rôle de son instance dans la contribution au contrôle du processus électoral, affirmant qu’il est au cœur de ses prérogatives portant notamment sur la lutte contre la corruption. «J’ai été surpris par les réactions qui ont critiqué l’instance pour avoir annoncé ses intentions de contrôler les élections. Or il relève de son rôle de soulever les dépassements et délits électoraux», a-t-il expliqué, appelant l’instance électorale à plus de coopération pour, notamment, expliquer aux citoyens tout le contexte électoral.

Présent également lors de ce colloque, le président de la Haute autorité indépendante de la communication (Haica), Nouri Lajmi, a exposé la stratégie de son instance portant sur le contrôle de la campagne électorale, affirmant que toute une unité de monitoring, composée de 30 agents, veille sur le contrôle des dépassements dans les médias audiovisuels. Il a, par ailleurs, reconnu l’existence d’un grand nombre de dépassements soulevés lors de la campagne électorale.

L’influence des lobbies politico-médiatiques

Pour sa part, le président du Syndicat national des journalistes tunisiens, Néji Bghouri, a sévèrement critiqué l’influence de ce qu’il a appelé les lobbies politico-médiatiques sur le processus électoral, affirmant que trois télévisions ont mené, ouvertement, la campagne électorale de trois candidats différents. Il a d’autre part appelé à protéger les journalistes professionnels, car selon ses dires, «le domaine médiatique a tout rassemblé», ce qui pose des problèmes au niveau de la catégorisation des profils qui travaillent dans ce domaine.

Evoquant les dépassements dans le domaine médiatique, Neji Bghouri a épinglé le manque de transparence dans ce secteur, affirmant que seulement 20% des propriétaires de médias ont déclaré leurs biens auprès de l’Instance de lutte contre la corruption.

Une question de culture

Optant pour une approche plus large pour combattre les dépassements et les délits relatifs au processus électoral, Mahdi Mabrouk, président du Centre arabe des recherches et des études stratégiques, a appelé à la mise en place de toute une culture propice à l’installation des mécanismes démocratiques, se désolant du fait qu’en Tunisie, l’actuel climat politique marqué par une tension et une dégradation des valeurs et de la moralité a fait que ces dépassements et ces délits électoraux soient commis. «L’approche devra être plus large car elle doit prendre en considération la question de la purification du climat politique et la mise en place de toute une culture politique propice aux principes démocratiques», a-t-il expliqué.

La rencontre d’hier était l’occasion pour différents intervenants d’exposer leur vision et conception concernant le rôle des médias et des instances nationales pour protéger le processus électoral des différentes menaces issues notamment de l’argent politique et des lobbies médiatiques.

Ces intervenants ont également appelé l’appareil de la justice à saisir les affaires portant sur les délits électoraux en vue de protéger ce processus et de finir avec la culture de l’impunité.

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