Bruit de bottes à nos frontières : La Tunisie se prépare au pire scénario 

Depuis 2011, la situation sécuritaire en Libye a toujours eu des répercussions en Tunisie, qui évolue déjà dans un contexte politique, social et économique mouvant,  avec la résonance incontrôlée de l’effet papillon. Et alors que le bruit de bottes s’amplifie sur nos frontières sud, la Tunisie se trouve placée de nouveau au-devant de la scène diplomatique, mais surtout face à une situation sécuritaire extrêmement délicate.

Dans une conjoncture sécuritaire régionale assez particulière, notamment après le déploiement de soldats et d’unités militaires turcs en Libye et alors que la guerre civile bat son plein entre les forces libyennes opposées, tous les regards sont braqués sur la situation à nos frontières sud. Sécurité, éventuels flux de réfugiés et risques d’infiltration de terroristes, la Tunisie se prépare au pire scénario : éclatement d’une grande guerre dans le pays voisin et éventuelle intervention militaire étrangère.

Dans ce contexte régional assez tendu, il était indispensable de tenir une réunion du Conseil de sécurité nationale, ce qui a, effectivement, eu lieu mardi dernier. Présidée par  le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, la réunion a examiné profondément la situation à nos frontières sud, et notamment l’éventuelle dégradation de la situation sécuritaire en Libye. « Tout indique que la situation en Libye est susceptible de se compliquer davantage », a averti le président de la République, soulignant la nécessité que les préparatifs nationaux pour ces développements possibles soient « à la hauteur de l’étape ». Saïed a émis l’espoir lors de la réunion du conseil consacrée à l’étude de plusieurs questions, dont la situation dans le sud de la Tunisie et à la frontière orientale, que la crise ne dégénérerait pas en combats à l’intérieur de la Libye, mais a souligné que tout indique que « la situation risque de se compliquer, en particulier à la suite de l’ingérence étrangère ».

Le chef de l’Etat a souligné à cet égard la nécessité de « bien se préparer à tous ces développements, qui sont non seulement liés à la sécurité et à la possibilité qu’un certain nombre de terroristes infiltrent la population réfugiée en Tunisie, mais aussi au rapatriement d’un certain nombre d’étrangers, qui pourraient se réfugier sur le sol tunisien, comme cela s’est produit en 2011 ».

Risque d’infiltration de terroristes

En effet, si le président de la République a mis en garde contre cette question, c’est que le risque de voir des terroristes libyens, voire tunisiens, s’infiltrer parmi les réfugiés pour pénétrer dans le territoire national reste élevé. Il faut rappeler qu’un grand nombre de terroristes tunisiens de retour de Syrie se trouvent actuellement dans des camps en Libye.

Même si durant ces derniers mois les forces sécuritaires et armées tunisiennes ont  réalisé des exploits et sont  parvenues à assurer des évènements majeurs, comme les récentes élections, leur vigilance face à la situation en Libye devra être accrue davantage. D’autant plus que récemment, une grande quantité d’armes a été saisie dans le gouvernorat de Médenine, dans une opération sécuritaire préventive.

En tout cas, le chef du gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes, Youssef Chahed, a assuré que malgré la délicatesse de la situation en Libye, les forces sécuritaires et militaires sont prêtes et vigilantes.  Chahed a ajouté que la situation à la frontière est sous contrôle et fait toujours l’objet d’un suivi continu au niveau sécuritaire.

Force est de constater que des renforts sécuritaires et militaires ont été déployés, depuis quelques jours à Tataouine, notamment au niveau de la frontière avec la Libye. Une source sécuritaire a assuré à l’agence TAP que la situation est normale dans la région, et que le nombre d’entrées de citoyens libyens n’a pas augmenté. « En cas d’afflux, nos différentes troupes sont prêtes à tous les scénarios », a-t-il ajouté.

Flux de réfugiés

Jusqu’à présent, le rythme des entrées de citoyens libyens n’a pas augmenté et enregistre des taux habituels, en dépit de cette conjoncture sécuritaire délicate. Mais selon des organisations non gouvernementales, si la guerre s’intensifie en Libye et si elle touche encore la capitale Tripoli, la Tunisie doit s’attendre à un flux important de migrants libyens. En mai dernier, le coordinateur du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), Naoufel Tounsi, avait alors confirmé le renouvellement du plan d’urgence dans le sud tunisien, dans la perspective d’une éventuelle escalade en Libye et de la possibilité que 25 mille personnes viennent se réfugier en Tunisie. Un chiffre contextuel, bien qu’aujourd’hui les prévisions tablent sur un nombre de réfugiés beaucoup plus imposant.

En réponse aux questions autour des préparatifs à ces éventuels mouvements migratoires, le président du Comité régional du Croissant-Rouge du gouvernorat de Médenine, Mongi Slim, a déclaré que les autorités tunisiennes ont élaboré, en coordination avec les organisations internationales actives dans le domaine de l’aide aux migrants et aux réfugiés, un plan d’urgence pour recevoir les flux migratoires en Tunisie. Soulignant que « la situation actuelle reste normale »,  il a noté que « dans le cas d’affluence d’un nombre important de réfugiés, il existe un plan d’urgence qui a été dernièrement élaboré en coordination entre les autorités tunisiennes représentées par différents ministères, le Croissant-Rouge tunisien et les organisations internationales actives dans le domaine, dont, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations », a-t-il précisé.

Ce plan a été dévoilé hier et porte notamment sur la mise en place d’éventuels camps en cas d’arrivée d’un grand nombre de réfugiés en provenance de Libye. Selon Mongi Slim, la région de Remada a été choisie pour installer ces camps par l’armée nationale et les différentes unités sécuritaires.

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