Lutte contre le coronavirus: Tenir le ministère de la Santé à l’écart des tiraillements politiques

En cette période de crise et en ces temps difficiles, il est impératif, il s’agit même d’un devoir national, d’appuyer les efforts des autorités en vue de mettre la main dans la main pour lutter contre le coronavirus dont les répercussions sanitaires, économiques et sociales seront malheureusement très lourdes. Ainsi, face à la détérioration de la situation sanitaire avec la découverte de foyers de contamination et de nouveaux cas d’infection par ce virus, l’unité nationale devient alors la clé du salut face à d’énormes risques qui mettent en péril la sécurité nationale.

Entre appels répétés à l’unité nationale, promesses de transparence et remerciements tous azimuts aux Tunisiens, travailleurs comme confinés, l’exécutif s’emploie pourtant à colmater les brèches d’une société en proie à la peur mais aussi à la divergence même en ce qui concerne des questions purement scientifiques.

Car, en effet, il semble que certains n’ont pas encore saisi la délicatesse et même la dangerosité de la situation et de l’actuel contexte sanitaire et économique et continuent de faire prévaloir leurs propres intérêts, les plus restreints, au détriment de ceux de la communauté nationale.

En ce temps de crise, aucune étincelle n’est admise, à l’image des grands dérapages survenus sur le plateau télévisé de l’émission «Kolna Tounes» diffusée en direct dans la soirée du vendredi dernier sur la chaîne Attessia. Règlement de comptes politiques, désinformation, manque de professionnalisme, mauvaise gestion de la parole, le tout couronné par un mauvais choix d’invités, qui n’ont pu apporter aucun intérêt, ni explication scientifique, aux téléspectateurs assoiffés d’informations fiables dans ce contexte sensible, c’est ce que nous pouvons retenir de ce passage télévisé.

En effet, animée par Alaa Chebbi, pourtant animateur d’émission de télévision sociale, le plateau diffusé en direct a invité Dr Hatem Achache, psychiatre, Dr. Borhane Belkhiria, chirurgien plasticien, Dr. Rim Abdelmalek, médecin au service des maladies transmissibles, et enfin le chroniqueur de la chaîne, Borhane Besaies. Sur quels critères s’est fait le choix des invités ? Ont-ils un lien direct avec la situation qui prévaut actuellement en Tunisie ? Etaient-ils capables d’expliquer d’une manière scientifique l’avancement de la situation épidémiologique en Tunisie ? Toutes ces questions sont, malheureusement, restées sans réponse. Si le choix d’inviter Dr. Rim Abdelmalek, qui est également membre de l’Observatoire des maladies nouvelles et émergentes, s’explique, le fait de donner la parole à un psychiatre et à un chirurgien plasticien pour discuter des questions purement épidémiologiques reste incompréhensible d’un point de vue éditorial.

Acharnement politique

Pourtant, au début de l’émission, l’animateur s’est forcé de souligner que le débat «ne devait pas prendre en aucun cas la forme d’un bavardage médiatique, mais plutôt viser à éclairer l’opinion publique et dire la vérités aux gens». Rien de cela n’a été confirmé, le débat a rapidement et dès les début pris une tournure politique; pire encore, il s’est transformé en une arène de fausses accusations et d’un acharnement politique contre le ministère de la Santé et le ministre de la Santé, Abdelatif Mekki. En effet, la question de la fermeture de services de certains hôpitaux et notamment de cliniques a soulevé l’interrogation des deux médecins Hatem Achache et Borhane Belkhiria qui ont, à maintes reprises, accusé le ministère de la Santé de vouloir politiser cette lutte contre le coronavirus. En effet, ces deux médecins n’ont raté aucune occasion, dès le début, pour accuser notamment le ministre de la Santé, Abdelatif Mekki, d’avoir politisé certaines décisions dont notamment la fermeture de services hospitaliers contaminés, mais aussi la question de l’acquisition des kits de dépistage rapide. C’est dans ce sens que Borhane Belkhiria a accusé «le ministère de la Santé de vouloir monopoliser ce marché en mettant des barrières aux initiatives privées qui veulent acquérir ces tests». Pourtant, le département de la Santé avait plusieurs fois expliqué cette décision affirmant que l’Etat doit gérer ce genre d’analyses pour éviter tout risque de manipulation ou de corruption et surtout pour vérifier la fiabilité de ces kits, d’autant plus qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale.

Grave dérapage

Sur le même plateau, un grave dérapage a également eu lieu, lorsque une journaliste, envoyée de l’émission dans un centre d’isolement médical à Chott Mariem à Sousse, est entrée en accrochage avec une personne admise dans ce centre. En effet, suite à une provocation, la journaliste en question a insulté une personne placée en quarantaine dans cet hôtel transformé en un centre d’isolement.

Même si la chaîne Attessia a publié, hier, des excuses officielles de sa part et de la part de la boite de production Cactus prod, ces actes ne font qu’entraver le processus de lutte contre le coronavirus, d’autant plus que le fait de vouloir à tout pris avoir le témoignage d’une personne dans une situation pareille est en contradiction avec la déontologie du métier.

Réagissant à cette émission et aux dérapages qui ont eu lieu, le ministre de la Santé, Abdelatif Mekki, a publié un post Facebook pour dénoncer la culture de «buzz médiatique» qu’ont « certains » en ces temps où la sécurité nationale est menacée par la pandémie du Covid-19. « Avez-vous vu un doyen d’une faculté de médecine, le président d’un conseil de l’Ordre ou un chef de service en médecine préventive ou en maladies infectieuses, ou encore un expert international ? Non absolument pas. Celui qui cherche la vérité doit inviter les spécialistes, les connaisseurs, les scientifiques et l’élite», a-t-il posté, soulignant le fait que la lutte contre le coronavirus est une question de sécurité nationale. «Ils sont en train de défendre des corrompus qui ont trompé le marché tunisien avec des médicaments, grâce à des données erronées dans leurs dossiers. Ils défendent des corrompus qui prétendent avoir découvert des traitements mais quand le ministère a mené sa propre enquête rien de ce qu’ils ont prétendu ne s’est avéré vrai», a-t-il poursuivi.

En tout cas, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (Haica) a décidé, hier, de convoquer le représentant légal de ladite chaine pour le tenir informé d’une grave infraction commise sur le plateau de l’émission précitée, en attendant des décisions qui ne devront plus tarder en vue de mettre fin à ce genre de dépassements professionnels qui entravent la lutte contre ce virus.

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