
Crédit photo: Abdelfateh Belaïd
La Tunisie a entamé hier sa stratégie de déconfinement partiel, appelé également plan de confinement ciblé, pour libérer certains secteurs économiques à l’arrêt. En effet, comme l’exige la situation économique, on ne pouvait rester longtemps en confinement total, d’autant plus que certains secteurs, métiers et entreprises commençaient à s’étouffer. Comment ce premier jour s’est-il passé ? A-t-on réussi ce premier exercice qui déterminera la poursuite de la mise en oeuvre de cette stratégie ?
A l’instar de plusieurs autres pays, la Tunisie a entamé hier sa stratégie de déconfinement partiel. Plus de trois millions de Tunisiens étaient alors appelés à reprendre du service, en majorité des fonctionnaires et des artisans. Asphyxiés par les mesures de confinement, certaines entreprises commençaient même à mettre la clé sous la porte. L’Etat était alors obligé de prévoir une stratégie de confinement ciblé pour déverrouiller certains secteurs.
Mais cela n’est pas sans conséquences sur la situation sanitaire et épidémiologique. Le ministre de la Santé, Abdellatif El Mekki, l’avait lui-même reconnu : il s’agit d’une expérience à haut risque, un retour au confinement total n’est pas exclu. Hier, on pouvait mieux faire lors de ce premier exercice et au vu des scènes d’encombrement, notamment dans les moyens de transport public du Grand Tunis.
On peut même dire qu’il s’agit d’un démarrage entravé. Effet, dans certains cas, on se demande si les citoyens étaient conscients de la dangerosité d’une rechute de la situation épidémiologique. Dans des métros et autres moyens de transport bondés, certains n’ont même pas pris la peine de porter un masque pour se protéger. La vie était normale, on se bousculait même pour monter le premier ! Manque de conscience ou absence de contrôle ?
En tout cas, les contrôleurs et le personnel des sociétés de transport ont, de bonne volonté, essayé de rappeler à l’ordre ces clients mais ils étaient débordés par le flux de personnes, notamment pendant les heures de pointe.
Pas que dans le Grand Tunis
Pour certaines personnes, il fallait de bonnes campagnes de sensibilisation et une communication efficace pour éviter ce genre de situation risquée, pour d’autres il fallait impérativement plus de contrôle et plus de fermeté pour faire appliquer les dispositions sanitaires. Mais dans tous les cas de figure, hier, l’exercice du premier jour de déconfinement ciblé n’était pas réussi. Car d’ores et déjà, on le savait pertinemment, le déconfinement allait être une expérience très risquée et compliquée. D’ailleurs, le confinement lui-même n’est pas totalement respecté et dans certains quartiers, c’est comme s’il n’y avait aucune menace sanitaire et le rythme de vie était habituel.
Revenant sur ces débordements, le directeur de la réglementation du transport terrestre du ministère du Transport a assuré que suite à une inspection effectuée dans certaines stations, le pourcentage de remplissage de certains bus ne dépassait pas 10%. Il a souligné que la flotte a été renforcée pendant les heures de pointe, notant que la présence d’agents sur place dans les stations était destinée pour sensibiliser le citoyen à l’importance de la distanciation. Ces images ne concernaient pas seulement la grande agglomération du Grand Tunis, mais portaient aussi sur de nombreuses autres régions intérieures du pays. A Kairouan par exemple, les citoyens ont afflué en masse vers la station de louages et ont fustigé le manque de moyens de transport.
Pourtant, les déplacements entre les grandes villes et les gouvernorats étaient interdits et soumis à des autorisations. A Jendouba, la situation n’était pas meilleure. On pouvait observer des scènes d’encombrement dans le centre-ville et notamment devant les bureaux de poste où des citoyens sont allés chercher la deuxième tranche des aides sociales. Durant ce premier jour, l’octroi des autorisations de circulation et de travail posait également problème. D’ailleurs, Slim Ghorbel, membre du bureau exécutif de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), a appelé le gouvernement à simplifier les procédures d’octroi de ces autorisations.
Il a fait savoir dans ce sens que les chefs d’entreprise et les employés sont confrontés à des difficultés d’ordre technique lors de l’obtention des autorisations de circulation à travers le site mis en place. « Plusieurs employés n’ont pas pu savoir s’ils peuvent aller travailler ou non », a-t-il noté dans des déclarations médiatiques. Avant de reprendre le travail, ces travailleurs des petits métiers et les artisans étaient appelés, rappelons-le, à remplir un formulaire aux sièges des municipalités et dans les postes de police et de la garde nationale pour obtenir l’autorisation de reprise d’activité. Les entreprises étaient quant à elles invitées à faire des demandes sur une plateforme électronique.