Le ministère public a ordonné l’ouverture d’une enquête après que sept personnes originaires de Hajeb El Ayoun, dans le gouvernorat de Kairouan, ont trouvé la mort et 56 autres intoxiquées en buvant une eau de Cologne contenant une grande quantité de méthanol. Deux individus ont été arrêtés et des quantités d’eau de Cologne ont été saisies dans deux locaux de vente de produits alimentaires à Hajeb El Ayoun gérés par des commerçants.

Marginalisation, exclusion sociale, pauvreté et désocialisation, mais aussi délinquance, violences et problèmes judiciaires, les jeunes de Kairouan, à la recherche d’identité et d’une place dans la société, payent de plus en plus un lourd tribut à l’alcool dont l’usage quotidien, mais surtout illicite, est en hausse. Différentes études montrent que la désocialisation des jeunes de cette région est prédictive d’autres dangers comme le suicide dont le gouvernorat de Kairouan détient le record.

Il serait illusoire de croire que ces pratiques disparaîtront du jour ou lendemain, ou encore que l’on parviendra à limiter les dégâts. Il s’agit d’un phénomène répandu chez les jeunes désireux d’échapper aux aléas de la vie, au chômage et à la marginalisation, mais également brisés par la dépendance. La consommation d’alcool est en substance le principal refuge des adolescents qui sombrent dans l’addiction. Le vide se comble par la vie. Mais tout porte à croire que ces jeunes n’ont plus beaucoup à espérer de la vie qu’ils mènent. Kairouan, comme beaucoup d’autres villes, n’a rien « gagné », sinon très peu, des réformes de développement régional entamées depuis 2011. Les promesses n’ont jamais dépassé le stade des paroles et les travers sont toujours les mêmes. La dépendance s’installe et beaucoup d’adolescents désespèrent de leur vie sociale. De la vie tout court.

C’est dire à quel point on aurait besoin aujourd’hui d’éveiller la conscience de ceux qui croient toujours au travail qui doit s’accomplir dans cette région. De tout temps, l’on ne cesse de parler de reconstruction, de réédification, de réhabilitation…

En l’absence de communication et d’encadrement légal, les pratiques excessives induisent des risques. Risques physiques, risques psychologiques, risques sociaux. La société a lâché ses fondamentaux. Les contraintes surgissent de toutes parts dans un environnement dans lequel il faudrait certainement être plus qu’un responsable, plus qu’un accompagnateur d’une jeunesse qui se plie à toutes sortes de pratiques étrangères aux champs habituels et réglementaires, aux valeurs sûres.

Il en résulte des effets conjugués d’encadrement insuffisant, de modalités et de stratégies mal pensées. L’on remarquera en passant qu’on ne fait pas disparaître magiquement les réalités auxquelles correspondent certaines habitudes.

Prévenir les conduites à risques et protéger les jeunes, l’enjeu est crucial. Les actions particulières ne peuvent porter leurs fruits que dans le cadre d’une prise de conscience collective et la nécessité de réglementer et débanaliser la consommation d’alcool.

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