Après une première vague, peut-on sensibiliser de nouveau les citoyens sur la gravité de la situation et l’extrême importance de se conformer aux dispositions sanitaires ? Dr Ben Khelil pense qu’on n’a pas d’autre choix que de parvenir à le faire au vu de la détérioration de la situation épidémiologique
Pour les autorités, comme pour les citoyens, le constat était assez prévisible. La Tunisie, pays qui a décidé de rouvrir, le 27 juin dernier, ses frontières en vue de sauver son économie et son secteur touristique, fait face à d’énormes risques épidémiologiques : multiplication des cas locaux de coronavirus, réapparition de chaînes de transmission du virus et découverte d’un foyer de contamination au principal aéroport du pays, le tout face à une réticence criarde et dangereuse à l’application des mesures barrières et des protocoles sanitaires.
Face à cette situation qui se dégrade jour après jour, si on analyse les bilans épidémiologiques actualisés quotidiennement par les autorités sanitaires, et qui nous fait rappeler les débuts de la première vague de contamination en Tunisie, les autorités ne pouvaient pas rester les bras croisés. Mais encore faut-il réussir à resensibiliser la population de la dangerosité de la situation tant que la stratégie basée sur la peur ne semble plus fonctionner. Ainsi, seule l’application rigoureuse de la loi pourrait éviter le pire scénario d’une généralisation de la contamination sur le sol tunisien et d’un débordement du système hospitalier.
En conséquence, réuni, jeudi dernier, le Conseil des ministres a approuvé la décision de rendre le port du masque obligatoire vu la détérioration de la situation épidémiologique. On prévoit même des amendes contre les contrevenants refusant de porter le masque de protection qui diminuerait considérablement les risques de contamination. En effet, dans un communiqué rendu public, la Présidence du gouvernement expliquait que le ministère de la Santé devra fixer, ultérieurement, les espaces où le port du masque sera obligatoire.
De plus, dans des mesures qui pourraient atténuer les risques sanitaires, le ministère de la Santé a annoncé que le masque sera désormais obligatoire dans tous les aéroports tunisiens, mais aussi que l’accès à ces postes frontaliers a été interdit aux accompagnateurs des voyageurs.
Contactée par La Presse, Dr Jalila Ben Khelil, membre de la commission permanente de lutte contre le coronavirus, a expliqué que ladite commission se réunira au plus tard aujourd’hui (samedi) pour décider des lieux où le port du masque sera obligatoire. «La décision ne sera pas appliquée partout, il s’agira notamment des transports en commun et des grandes surfaces, en premier lieu», a-t-elle expliqué.
Après une première vague, peut-on sensibiliser de nouveau les citoyens sur la gravité de la situation et l’extrême importance de se conformer aux dispositions sanitaires ? Dr Ben Khelil pense qu’on n’a pas d’autre choix que de parvenir à le faire au vu de la détérioration de la situation épidémiologique. «La situation est assez critique, mais reste pour le moment sous contrôle, après l’apparition de nouveaux cas, nous avons constaté que les Tunisiens portent de plus en plus le masque de protection», a-t-elle déclaré, soulignant l’extrême importance de suivre les mesures barrières, dont notamment le port du masque, le lavage régulier des mains et la désinfection des surfaces solides.
Une deuxième vague en vue ?
Evoquant la possibilité de voir une deuxième vague de contamination frapper la Tunisie, le membre de la commission de lutte contre le coronavirus n’a pas écarté un tel scénario, affirmant que tout reste tributaire du respect des mesures barrières, de l’auto-isolement et des protocoles sanitaires élaborés par le ministère de la Santé.
En effet, l’éventualité de voir survenir une deuxième vague en Tunisie, probablement encore plus puissante que la première, a été évoquée depuis plusieurs semaines. L’ancien ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, ne cessait de mettre en garde contre un tel scénario. Le 29 juin dernier, il avait même déclaré que son département se préparait déjà à cette deuxième vague tellement redoutée. « Après la réouverture des frontières tunisiennes aux expatriés, il y a de fortes à chances que le coronavirus soit de retour. Nous nous préparons déjà à une deuxième vague qui serait malheureusement encore plus forte que la première», avait-il déclaré.
Plus récemment, c’est la directrice de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes, Nissaf Ben Alaya qui le confirme. Elle a annoncé que cette vague s’approche à grands pas et est prévue pour la saison de l’automne. Selon les différents membres de la commission de lutte contre le coronavirus, ce qui rend la situation encore plus difficile à gérer, c’est que cette nouvelle vague coïnciderait avec la grippe saisonnière et les différents états grippaux qui se manifestent notamment pendant l’automne.
Mais pour l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la propagation du virus n’est pas saisonnière, elle ne prend en aucun cas une courbe saisonnière. Evoquant la possibilité d’une deuxième vague, l’OMS pense qu’il s’agirait d’une «unique grosse vague» qui «monte et descend relativement selon les circonstances». «Il semble qu’il y aurait une idée persistante selon laquelle le virus est saisonnier, mais nous devons tous avoir en tête que c’est un nouveau virus, et même s’il s’agit d’un virus respiratoire, qui est historiquement saisonnier, celui-ci se comporte de façon différente», a expliqué, dans ce sens, une porte-parole de l’organisation.
Après l’ouverture de ses frontières, la Tunisie fait face à un rebond de la contamination sur son territoire. Certaines personnes infectées n’ayant pas respecté les mesures de confinement à leur retour en Tunisie ont provoqué de nouvelles chaînes de contamination notamment à Kairouan et à Sousse. 346 cas importés et 66 cas locaux du coronavirus ont été enregistrés en Tunisie, depuis la réouverture des frontières, le 27 juin dernier. Jusqu’au 5 août dernier, le bilan est porté à 1642 contaminations, dont 51 décès, 1241 guérisons et 350 cas toujours porteurs du virus.