Portrait | Reem Saâd, artiste visuelle : Celle qui dissèque l’affect

«La vie ne jaillit dans toute sa richesse que lorsqu’elle incorpore en son sein sa propre fin, non pas comme un drame, non pas comme une guerre à mener, mais comme une issue à accueillir, à respecter».

Point par point, son œuvre se révèle à la lumière du jour où, dans l’obscurité, elle se révèle d’abord à elle balbutiante, frémissante, pour nous parvenir, au gré des connexions énergétiques, lumineuses tendant vers la précision, telle une chrysalide en perpétuel dévoilement. Concrètement, cela donne lieu à des fragments de mosaïques colorées ou «Aquarelles introspectives» comme elle les nomme crées à partir d’une infinité de points de couleurs aqueuses juxtaposés minutieusement et rigoureusement dans un travail cathartique. Point par point, patiemment et passionnément, ces couleurs se révèlent, renaissent et se rencontrent, après s’être perdues, au rythme des spéculations affectives de leur génitrice Reem Saâd. Portrait. «Native de la planète Terre, plus précisément de la mer», c’est ainsi que Reem, originaire de la ville de Nabeul, commence à se présenter.

Elle a effectué ses études supérieures à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Nabeul (Isban) où elle a choisi comme spécialité l’audiovisuel. Passionnée, elle se plaisait à assister, aussi, aux différents ateliers d’arts plastiques. Décrochant avec mention une maîtrise en arts et communication, Reem poursuit ses recherches avec un mastère en sciences et techniques des arts (spécialité théorie de l’art) qu’elle décroche en 2011 avec la mention très bien.  En parallèle, elle se lance dans l’enseignement supérieur, d’abord à l’Isban avant d’enseigner cinq ans à l’École nationale d’architecture et d’urbanisme de Tunis. Elle explore aussi le monde de l’édition et de la production (View Design International).

En 2016, elle se consacre entièrement à ses Aquarelles introspectives et à son projet Chamaâdèn, un atelier mobile consacré à la confection de calepins 100% faits main.

À la fois laboratoire, école initiatrice et atelier d’exécution, elle en fait un lieu de création artisanale qui prône l’interdisciplinarité, le savoir-faire et l’évolution éclairée à l’image d’une multitude de bougies aux lueurs uniques qui renvoient au nom Chamaâdèn.  Dans ces créations, on peut, d’ailleurs, rencontrer ses «Aquarelles introspectives»,  qu’elle a commencé à élaborer en 2011. Elles sont nées dans la douleur, dans un besoin de tout reconstruire, de muter, d’entamer sa propre mitose à travers son travail sur et autour de la «cellule»…

Et la lumière fut

«La Vie est dévoilement perpétuel, manifestation d’elle-même; elle est souffle qui anime toute chose, qui vivifie les corps et les oriente vers une lumière immatérielle peut-être celle de l’esprit, du cœur ou de l’âme… Cette lumière fonde l’unité de l’être, le point d’où convergent toutes les identités, d’où jaillit le flot démesuré de toutes les expressions et les formes de l’infini», écrit l’artiste.

Son œuvre raconte la vie en revêtant des formes animales ou figure des bouts d’anatomies humaines est sa cartographie affective, la trajectoire de l’émotion que sa main accouche sur le papier.

Cette connexion de points-cellules fait écho aux flux d’énergies qu’elle met en lumière. «Dans ce travail minutieux, je dilate le temps et fais durer le plaisir», nous dit-elle et de poursuivre : «La création, c’est de la respiration. J’inspire ce qui est abstrait et j’expire sa concrétisation.»

Ses constellations colorées sont à l’image de ces infinis éléments qui forment la matière, un cantique des affects qu’elle invente et fait sienne, pour construire et se reconstruire en disséquant ses ressentis. «Ce projet, que je porte depuis quelques années, s’inscrit dans les lignes d’une renaissance. C’est au fond d’un gouffre qu’il a vu le jour et c’est ensemble que nous nous sommes élevés à nouveau vers la vie. Jour après jour, je travaille mes cellules, je tente de donner corps, de donner vie. «La cicatrice n’est pas la plaie. Elle est la nouvelle ligne de vie qui s’est créée par-dessus. Elle est le champ des possibles les plus insoupçonnés ». Ces mots de Léonora Miano éclairent les plaines de ma recherche », note Reem. Ces aquarelles explorent le champ des possibles tant au niveau de la forme qu’au celui du fond. Elles racontent la renaissance et la résilience, elles intègrent obscurité et lumière car de l’ombre jaillit cette dernière. Ainsi ses œuvres se révèlent, équitablement, dans la lumière blanche et dans la lumière noire dans un jeu de positif/négatif.

Reem expose en tant qu’artiste indépendante depuis 2006.

En juin 2018, elle a présenté «In Cellula» comme introduction à «ses Aquarelles Introspectives» à Carthage. La même année, ses œuvres ont voyagé à Barcelone et à Paris.  En avril-mai 2019, l’aventure s’est poursuivie avec l’exposition «La preuve par huit» au Quai des Lunes à Paris puis à Saint-Tropez pour ouvrir le champ à un nouveau chapitre « À corps ouvert». Bon vent!

Laisser un commentaire