La question de la gestion des déchets de différentes natures pose toujours problème. Alors que plusieurs pays ont trouvé des solutions à l’enfouissement des déchets, la Tunisie est toujours à la traîne et opte pour cette solution hautement néfaste pour l’écosystème.
C’est dans ce contexte que le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Mustapha Laroui, a dressé la stratégie et les orientations futures de son département, notamment en matière de gestion des déchets, un des axes principaux de ce ministère. Ainsi, a-t-il détaillé lors de l’examen du projet de budget de l’Etat pour 2021 à l’Assemblée des représentants du peuple, la future stratégie en matière de gestion des déchets s’étend jusqu’à 2030 et vise à réduire les déchets ménagers et similaires de 10% et à diminuer de 60% l’acheminement des ordures vers les décharges pour en finir avec l’enfouissement des déchets. «Nous visons à augmenter de 20% les produits recyclables et à développer de 40% la valorisation énergétique et organique des déchets», a-t-il soutenu.
Evoquant aussi la question des déchets dangereux et médicaux, il a annoncé que son département a accordé plus de 100 autorisations à des sociétés opérant dans le traitement des différents déchets dangereux, confirmant l’octroi d’autorisations à des sociétés spécialisées dans l’exportation des déchets dangereux, conformément aux réglementations nationales et aux conventions internationales, ce qui a permis de liquider une grande partie de ces déchets.
Un défi ambitieux lancé par le ministère des Affaires locales et de l’Environnement, sauf qu’il est actuellement difficile de réaliser les résultats escomptés dans la mesure où la Tunisie opte en premier lieu et depuis plusieurs décennies à la solution de l’enfouissement des déchets. En effet, l’évolution vers une gestion durable des déchets et leur valorisation reste tributaire de l’implication et de la participation de toutes les parties dans les différentes étapes de gestion des déchets, depuis la production jusqu’à la mise en décharge en passant par la valorisation et le recyclage, dont notamment les municipalités, lesquelles sont confrontées aux difficultés de la mise en places des mécanismes du pouvoir décentralisé.
En tout cas, comme l’explique Walim Mardassi, expert en gestion des déchets, la Tunisie s’est lancée bel et bien dans cette stratégie de revalorisation des déchets face à la saturation des dépotoirs d’enfouissement des déchets. Ceci sera extrêmement coûteux pour l’Etat tunisien, notamment dans ces circonstances économiques, mais on ne peut pas y échapper, a-t-il noté, dans une déclaration à «La Presse». «Le traitement et la valorisation des déchets est une solution extrêmement coûteuse, mais obligatoire, car on ne peut plus continuer dans la stratégie d’enfouissement des déchets compte tenu de la saturation des dépotoirs et leur nombre réduit», a-t-il expliqué. Et de rappeler que l’Agence nationale de gestion des déchets a déjà lancé des appels d’offres pour mettre en place des projets de valorisation des déchets dans plusieurs gouvernorats.
Qu’est-ce qui entrave la mise en place de tels projets? Pour notre interlocuteur, il s’agit notamment de leur acceptabilité sociale. «Dès que les gens voient des usines en train de traiter des déchets, ils pensent qu’il s’agit de dépotoir et que cela impactera leur environnement», a-t-il expliqué. Et d’ajouter que l’interférence des rôles entre les communes et l’agence précitée entrave également ce genre de projet portant sur le traitement et la valorisation des déchets. L’expert pointe également le manque de terrains municipaux pour mettre en place ce genre de sites indispensables à la valorisation des déchets, notamment de nature domestique.
En effet, si selon la stratégie du département précité, il est nécessaire que la gestion intégrée des déchets s’appuie sur des mécanismes nouveaux tels la taxe sur la gestion des déchets, la Bourse des déchets, le système d’information, les plans spécifiques de gestion, la comptabilité analytique, cette gestion doit reposer sur un soutien aux efforts de communication, de sensibilisation et d’éducation environnementale considérées comme éléments de base de toute stratégie visant le changement des comportements.
Situation préoccupante
Selon un rapport publié par la coopération allemande GIZ en 2014 sur la gestion des déchets en Tunisie, la quantité générée de déchets solides municipaux est estimée à 2,423 millions de tonnes par an avec un taux de croissance estimé à 2,5 % annuellement. Ces déchets sont notamment caractérisés par une forte présence de matières organiques biodégradables, soit 68 % alors que les emballages représentent un taux de 24 %. On affirme également que la gestion de ces déchets accuse de grandes pertes pour l’Etat tunisien dans la mesure où une seule tonne de déchets de cette nature engendre des frais de 60 à 80 TND en phase de collecte et transport et 20 TND en phase de transfert et enfouissement dans la décharge.
Le rapport pointe une dégradation préoccupante en matière de gestion des déchets solides tant en milieu urbain qu’en milieu rural, qui se manifeste par la prolifération des déchets solides, des dépotoirs et des points noirs. En effet, l’environnement actuel offre un spectacle désolant avec l’accumulation sauvage et l’envahissement des déchets de toutes natures le long des chaussées, des trottoirs, dans les caniveaux, dans les cours d’eau, dans les parcs urbains et des espaces verts, bref partout. Ce constat s’explique notamment par l’incapacité des municipalités à gérer ces déchets, mais aussi par l’absence de solution alternative à l’enfouissement des déchets.