C’est un regard différent, accablant et dénonciateur que les Tunisiens réservent aujourd’hui à la plupart de ceux qu’ils avaient choisis pour les représenter au Parlement. Ils voient d’un mauvais œil tout ce qui se passe à l’hémicycle. L’appréhension et le scepticisme ont atteint leur comble. Mais les critiques, aussi virulentes soient-elles ne suffisent plus. Elles n’ont rien donné comme résultat dans la mesure où les dérapages sous le dôme ont pris tout au long de l’année 2020 une ampleur telle qu’il devient urgent de s’y pencher sérieusement. Il s’agit d’un phénomène très grave, qui porte préjudice à tout le paysage politique. A l’image du pays, aussi et surtout. Il s’agit encore de «manipulations et de complots qui sont allés si loin que le sang a coulé au Palais du Bardo», comme l’a bien confirmé le Président de la République, Kaïs Saïed, dans ses vœux à l’occasion du nouvel an.
La liste des incidents au Palais du Bardo s’étend et risque même de s’éterniser. Dans un environnement encore amateur dans ses pratiques, occasionnant au passage plusieurs défaillances et dérives, il importe de rappeler l’impératif de remettre à leur place tous ceux qui gangrènent le paysage politique. Il ne s’agit nullement d’une politique du “tout répressif”, mais simplement et urgemment de réhabiliter le Parlement. Il va bien falloir arrêter tout cela, avant qu’il ne soit trop tard.
Le fait est là : on assiste, aujourd’hui, à un genre d’extrémisme exclusivement orienté vers les polémiques, les altercations et les querelles entre députés. Presque à chaque plénière, à enjeux ou non, on a droit à des actes qui dépassent l’imaginaire. Beaucoup confondent effectivement liberté de parole et violence verbale, parfois même physique, et en font un prétexte, voire souvent une raison. Oui, le profil du député d’aujourd’hui est très complexe. Il a une vision assez spéciale de ce que doivent représenter son statut et l’immunité dont il bénéficie. Et lorsque cette vision devient ambiguë, les dérapages et les excès se transforment en une raison assumée. Une confusion qui trahit une méconnaissance du rôle et de la vocation des élus du peuple. Tout cela renvoie à un rejet de la règle. Un rejet qui constitue une défiance envers l’ensemble des institutions de l’Etat.
Débordements, insultes, dégradations font partie du quotidien du Parlement et lui enlèvent toute crédibilité. Cela est d’autant plus regrettable et désolant que tout ce qui s’accomplit est marqué par les dépassements en tous genres et que le cadre dans lequel cela se déroule renvoie nécessairement à une règle «institutionnelle» dont la légitimité n’est plus aujourd’hui acceptée.
La persistance des dérapages à l’hémicycle s’explique, de ce fait, par un déficit de régulation. L’incapacité de la présidence du Parlement à faire respecter le règlement interne qui régit l’ARP n’est-elle pas justement liée à une inhabileté d’incarner une autorité associée à un ordre bien défini ? En tout cas, elle a intérêt, pendant qu’il est encore temps, à faire le «ménage» en s’opposant aux trublions indésirables, dont le comportement ternit l’image du pouvoir législatif qui a plus que jamais besoin de recouvrer sa crédibilité.