Grève, tension et crise sociale à Tataouine: El-Kamour ou le mauvais exemple de gestion des crises !  

Il s’agit certainement de la crise sociale la plus compliquée qu’a connue la Tunisie depuis la révolution. Prenant en otage la production nationale de pétrole et de gaz, le sit-in El-Kamour à Tataouine, aux ramifications politiques et économiques, est à l’origine d’une crise chronique qui aura trop duré et que les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2017 ne parviennent pas à résoudre.


En novembre dernier, tout le monde pensait au dénouement suite à un accord entre la coordination du sit-in El-Kamour et les parties gouvernementales, mais quelques mois plus tard, la crise a repris de plus belle, et les esprits se sont encore échauffés. Les sit-inneurs accusent le gouvernement de détournement de position quant à l’application des différents points de l’accord signé, alors que la partie gouvernementale assure qu’elle respecte ses engagements. Néanmoins, pour le moment, le pays est en crise et les caisses de l’Etat sont quasiment vides, le gouvernement ne pourra pas honorer ses engagements, seulement s’il accède à des fonds supplémentaires dans le cadre des conventions et des aides internationales.

Car dès le début, cet accord posait problème. Nombreux sont les députés qui ont mis en garde contre les dispositions de cet accord, d’autant plus qu’aucun budget exceptionnel n’a été alloué pour répondre aux différents points de l’accord.

En tout cas, la tension était palpable hier à Tataouine, où le sit-in El-Kamour a décrété une grève générale dans la ville en signe de protestation contre la non-application des différents points de l’accord signé en novembre dernier avec le gouvernement. La grève, qui vient, en effet, en réponse au retard de la mise œuvre de l’accord d’El-Kamour, devait durer trois jours, sauf que les sit-inneurs ont décidé de la contracter en une seule journée, comme l’annonce Tarek Haddad, principale figure du sit-in El-Kamour. Dans une vidéo publiée sur Facebook, Tarek Haddad a salué les habitants de Tataouine qui, selon ses dires, «ont massivement répondu à cet appel à la grève». Mais pour Tarek Hadded, c’était également l’occasion de se déchaîner contre l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) qu’il a qualifiée d’«union de la ruine».

«Les organisations nationales n’ont aucun rôle ni aucune valeur dans la région et ne contribueront pas à résoudre la situation. Les habitants de Tataouine dépendent et comptent uniquement sur la coordination d’El-Kamour», a-t-il déclaré, affirmant que ceux-ci sont livrés à eux-mêmes.

Un mouvement spontané ?

Cette crise sociale, qui ne cesse d’affaiblir l’économie et la production nationales, dure depuis 2017 sans qu’aucun gouvernement ne parvienne à en trouver les solutions. S’agit-il d’un simple mouvement social spontané ? Est-il appuyé par des parties politiques ou autres ? Qui tire profit de la détérioration de la situation sécuritaire dans ce gouvernorat hautement sensible ?

Les questions sont nombreuses alors que les réponses sont si rares. Le dossier El-Kamour se présente comme un mouvement de revendications sociales interminables, alors qu’il met à mal toute la stabilité sociale du pays au vu de son effet d’entraînement. Rappelons qu’à l’issue de l’accord d’El-Kamour, plusieurs autres régions se sont soulevées et ont, elles aussi, revendiqué leurs «parts des richesses nationales».

Sauf que plusieurs observateurs de la scène nationale accusent les sit-inneurs d’El-Kamour d’œuvrer sous les instructions de partis politiques, ce que ne cessent de démentir les différents activistes et manifestants concernés.

Hors des capacités de l’Etat ?

Le chef du bloc démocratique, Mohamed Ammar, explique à La Presse que l’accord signé entre le gouvernement et les représentants du sit-in El-Kamour est hors des capacités de l’Etat, notamment en cette période de crise. «Nous avons dès le début mis en garde contre cet accord car il ne visait qu’à calmer la situation», a-t-il expliqué, mettant en garde contre l’incapacité du gouvernement à gérer les crises sociales de ce genre.

L’accord qui a été trouvé en novembre dernier entre le gouvernement et la coordination d’El Kamour avait permis de mettre fin à des mois de blocage, de protestations et d’arrêt de production. Il stipule notamment le versement de 80 millions de dinars annuels dans le fonds du développement. Il promet également mille projets sous forme de crédits avant la fin de l’année 2020. Il est aussi question de recrutement immédiat de 215 agents par les compagnies pétrolières en 2020 et de 70 autres en 2021, et de recrutement de mille agents et cadres par les sociétés de l’environnement. Toujours dans le cadre de cet accord, cent crédits d’une valeur totale de 2.2 millions de dinars seront destinés pour le financement des projets ainsi que 1,2 million de dinars au profit des associations du développement et 2,6 millions de dinars au profit des municipalités de la région.

Sauf que selon les représentants du sit-in El-Kamour, il n’en est rien. Aucun point relevant de cet accord n’a été concrétisé, et c’est ce qui explique la tension et la dégradation de la situation sécuritaire à Tataouine.

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