
S’agit-il d’un enjeu politique ? Est-il question d’une tentative de récupération politique sur fond de crise inédite qui sévit en Tunisie ? Au fait, dès la divulgation des informations faisant état de la réception des vaccins, on a commencé à s’échanger les accusations dans cette affaire.
Présentée comme un scandale d’Etat, l’affaire des vaccins introduits discrètement en Tunisie à travers la présidence de la République fait toujours couler beaucoup d’encre. Entre éclairages et démenti de la présidence, accusations et contre-accusations et enquête de La Kasbah, l’affaire est toujours entourée de flou.
Les Emirats arabes unis ont fait don de 500 vaccins à la présidence de la République, introduits en novembre ou octobre derniers en toute discrétion, ce qui a provoqué une polémique d’une grande ampleur. Des voix crient même à un scandale d’autant plus qu’on évoque que certains hauts responsables auraient été vaccinés à partir de don émirati.
Lundi, le Président de la République Kaïs Saïed a donné sa version des faits, affirmant que ces vaccins ont été stockés dans les services de la direction de la santé militaire pour subir les tests de contrôle nécessaires. Répondant à sa manière à la polémique, Kaïs Saïed estime qu’en Tunisie il nous faut un vaccin contre le «mensonge sauf qu’il ne sera pas efficace».
Ces éclairages de la part du Président de la République et avant lui de la part des services de la présidence de la République n’ont pas calmé la polémique. Au fait, l’affaire prend de plus en plus une tournure politique, on commence même à s’accuser mutuellement d’avoir été vacciné à l’aide de ces vaccins introduits discrètement en Tunisie. Or, selon Carthage, aucun responsable relevant de n’importe quelle administration n’a été vacciné.
Cette affaire a fait également l’objet de tiraillements politiques entre Carthage et La Kasbah. Alors que la relation entre les deux palais est extrêmement tendue — c’est un secret de Polichinelle —, la présidence du gouvernement a fustigé, dans un communiqué rendu public, de telles informations, rappelant que l’introduction des vaccins en Tunisie relève uniquement des prérogatives de la commission nationale de lutte contre la pandémie et annonçant que le Chef du gouvernement a ordonné l’ouverture d’une enquête. Un nouveau rebondissement qui en dit long sur la nature des relations entre les deux têtes de l’exécutif et qui témoigne de l’absence de communication entre le président de la République et le Chef du gouvernement.
Yassine Ayari évoque un piège !
Le député Yassine Ayari, qui avait alerté contre l’introduction de ces lots de vaccins en Tunisie, évoque aussi un piège tendu au Président de la République Kaïs Saïed de la part des Emirats arabes unis. Pour lui, ces vaccins ne sont qu’un cadeau empoisonné destiné à nuire à l’image du Président de la République au profit de celle d’Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre.
«Kaïs Saïed a commis une grave erreur en acceptant ces vaccins sans alerter les institutions de l’Etat. Il s’agit d’un cadeau empoisonné destiné à nuire à son image», a-t-il posté sur son compte Facebook.
S’agit-il vraiment d’un enjeu politique ? Est-il question d’une tentative de récupération politique sur fond de crise inédite qui sévit en Tunisie ? Au fait, dès la divulgation de ces informations, on a commencé à s’échanger les accusations dans cette affaire. «C’est un scandale d’Etat», insiste Ayachi Zammel, président de la Commission de la santé à l’Assemblée des représentants du peuple. Pour lui, de hauts responsables, dont notamment le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, ont été vaccinés à l’aide de ces vaccins. «Lorsque Rached Ghannouchi s’expose aux dangers et aux risques de contamination durant sa présence à la manifestation d’Ennahdha, j’ai le droit de m’interroger», a-t-il affirmé.
Or, la présidence du Parlement ainsi que des députés d’Ennahdha démentent ces informations. «Rached Ghannouchi n’a reçu aucun vaccin contre le coronavirus, il attend son tour comme tous les Tunisiens», a-t-on expliqué.
Ayachi Zammel a également tiré à boulets rouges sur l’institution de la présidence de la République affirmant qu’elle est appelée à adopter une approche de transparence et qu’elle aurait dû annoncer l’acquisition de ces vaccins aux Tunisiens. «Il s’agit d’un scandale d’Etat et nous avons toutes les preuves qu’il en soit un. Les appareils de l’Etat tunisien sont en train de se décomposer et nous ne faisons plus confiance aux institutions de l’Etat», a-t-il ajouté.
Pour sa part, le président du bloc parlementaire de Qalb Tounes, Oussama Khelifi, a affirmé que la Direction de la santé militaire n’avait pas pris connaissance de l’entrée des vaccins en question.
La Douane donne sa version des faits
Dans cette image brouillée, la Douane tunisienne a livré sa version des faits. Son porte-parole, le colonel-major Haythem Zanned, affirme que l’introduction de ces lots de vaccin s’est faite dans les règles de l’art et a respecté toutes les procédures. «Ces lots sont passés par la douane tunisienne, leur introduction sur le territoire tunisien s’est faite en coordination avec l’ambassade des Emirats arabes unis», a-t-il expliqué.
Il a ajouté que ces vaccins sont entrés en Tunisie en octobre dernier par «des voies ordinaires». «Au début, il ne s’agissait pas d’un don de la part de ce pays à la présidence de la République, mais ces vaccins étaient destinés à l’ambassade émiratie en Tunisie», a-t-il noté.