En dépit de sa différence, le récit de Rania Amdouni n’est pas si différent de ce que peut vivre un jeune Tunisien en milieu urbain. Agressée par un policier, Rania décide de porter plainte dans un poste de police. Evidemment, les choses ne se déroulent pas comme dans une série policière. Au poste, elle est interpellée et placée en détention. Motif : la sempiternelle atteinte à la pudeur.
N’ayons pas peur des mots, elle est queer, c’est-à-dire qu’elle n’a pas encore pu définir son identité sexuelle. C’est vous dire à quel point la problématique est intime et pourtant, Rania Amdouni est maltraitée, agressée, harcelée tous les jours que Dieu fait. Tout ce qu’elle a fait, c’est revendiquer sa différence.
Mais dans un pays rongé par les contradictions, conservateur sans forcément être pieu, irrespectueux de ses propres droits constitutionnels, crier sa différence peut être périlleux. La militante, et par ailleurs artiste, Rania Amdouni en fait les frais quotidiennement.
Dans les manifestations, il est vrai qu’il est impossible de la rater. Actrice de théâtre, elle aime jouer, et de manière délibérée, exagère son look, se déguise. Si elle sort dans les manifestations, c’est justement pour être visible, pour revendiquer sa différence, et provoquer une société qui refuse de se regarder en face.
Au fond, en dépit de sa différence, le récit de Rania Amdouni n’est pas si différent de ce que peut vivre un jeune Tunisien en milieu urbain. Agressée par un policier, Rania décide de porter plainte dans un poste de police. Evidemment, les choses ne se déroulent pas comme dans une série policière. Au poste, elle est interpellée et placée en détention. Motif : la sempiternelle atteinte à la pudeur.
Samedi, elle a été arrêtée par la police et a comparu avant-hier devant le tribunal cantonal de Monfleury
Sur place, des dizaines de ses soutiens sont présents. Tous ne comprennent pas cet acharnement contre la militante. Pendant des semaines, sur les réseaux sociaux notamment, elle a été lynchée, traitée des pires qualificatifs, insultée et menacée. A tel point que l’Association tunisienne des femmes démocrates est montée au créneau pour condamner la violence dont elle fait l’objet.
«C’est dur d’être différent en Tunisie», se désolent les militants. Aux alentours de 13h30, l’information parvient, selon laquelle Rania Amdouni est finalement relâchée. A vrai dire, elle n’avait rien à se reprocher et la justice n’avait absolument rien contre elle. «Rania est libre, mais le système reste le même», nous confie Slim, l’un de ses soutiens.
Mais peu de temps après, ses soutiens comprennent qu’il n’en est rien. Rania Amdouni est condamnée à six mois de prison. Ses avocats feront directement appel de la décision.
Faut-il rappeler que l’article 21 de la Constitution de 2014 dispose que « les citoyens et les citoyennes sont égaux en droits et en devoirs. Ils sont égaux devant la loi sans discrimination. L’État garantit aux citoyens et aux citoyennes les libertés et les droits individuels et collectifs. Il leur assure les conditions d’une vie digne ».
En l’absence d’une Cour constitutionnelle, les citoyens peuvent continuer à être malmenés par la justice, sans aucune possibilité de recours.