Portrait | Asma Ben Aissa, artiste visuelle : Aux fils des temps

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L’artiste s’intéressera, ainsi, au textile avec toujours cet intérêt accordé au paysage et à sa représentation : un paysage nuancé, pluriel, où le langage plastique est en perpétuel mouvement.   

Elle s’intéresse aux travaux de Jean Dubuffet, de Jérôme Bosch, à l’œuvre de Andreï Tarkosvky, de Stanley Kurbick. Le monde de la psychanalyse la fascine et elle a un grand appétit pour les livres d’art, Asma Aissa est une jeune artiste visuelle qui attrape ses rêves et le temps pour les inscrire par et dans le tissu ou sur des toiles huilées. Elle a exposé, à différentes occasions, en groupe, entre autres, à la galerie de la Bibliothèque nationale de Tunis, à Yosr Ben Ammar Gallery à Gammarth, à Elbirou à Sousse et une seule fois en solo.Portrait.

«Enfant, j’aimais bien bricoler…Je transformais des objets en poupées», nous confie la jeune femme native de 1992 et originaire de la ville de Bizerte. Il allait, donc, de soi pour elle, une fois le baccalauréat en poche, de s’orienter vers des études artistiques. D’abord à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Nabeul (Isban) où elle en sort avec une maîtrise en arts plastiques, spécialité peinture, pour ensuite entamer un mastère dans celui de Tunis (Isban) et enchaîner avec une thèse, qu’elle poursuit actuellement en sciences et pratiques des arts.

C’est lors de ces recherches académiques que Asma a commencé à s’intéresser à la matière, au matiérisme, et à l’art informel, ce qui la conduira plus tard à explorer le textile qui deviendra son médium et support de prédilection. Ses recherches l’ont, d’abord, amenée à explorer le papier de soie à travers différentes manipulations : elle le plie, le superpose en couches pour y accrocher lumière et reliefs et donner lieu à des paysages abstraits ou semi-abstraits. Une manière d’interroger la notion du temps, le temps de l’œuvre et l’œuvre du temps et une sorte d’impressionnisme matérialiste…

Entre-temps, elle continuera à s’exercer à la peinture et à peaufiner sa technique. Un exercice auquel elle consacra du temps, un an précisément, nous dit-elle où, chez elle à Bizerte, elle puisera dans son environnement proche ou dans ses réminiscences oniriques, dans son espace intérieur qu’elle amènera vers l’extérieur. Y découlera une peinture figurative, très photographique avec des prises serrées et autres zooms sur détails comme les mains tricoteuses de sa mère ; et avec ce souci de la lumière et de ses reliefs (dans une de ses peintures elle s’éclairera à la bougie, opérant sans le savoir un clin d’œil au travail de Stanley Kubrick dans son film «Barry Lyndon»). Ou encore des paysages oniriques, de flashs en provenance de ce qu’elle retiendra de ses rêves la nuit, elle, la passionnée de psychanalyse. Des mains tricoteuses de sa mère, cette photographie familière et affective se détachera un fil conducteur qui la suivra par la suite, la menant, au fil du temps, vers d’autres fils provenant de différents types de tissus (toiles de jute, lin, velours, satin…) ou de cordes, qu’elle choisira comme l’on choisit, précieusement, ses couleurs et ses pinceaux, en fonction de leur texture, consistance et nuances de couleurs, et qu’elle manipulera, comme le ferait une laborieuse araignée, pour les plier, les étirer, les filer, les inciser (pour y ouvrir des fenêtres sur le monde), y retenir la lumière, les teinter parfois pour apporter sa propre chromatique, les coller…

Asma s’intéressera, ainsi, au textile avec toujours cet intérêt accordé à ce mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, à ces ouvertures dans le temps pour aller d’un temps subjectif vers des temps autres, pluriels, et au paysage et à sa représentation: un paysage nuancé et multiple où le langage plastique est en perpétuel mouvement. Des plis, des fibres et des interstices de ce tissu sans ou avec support, se révèlent à nous, comme dans une chambre noire sous l’effet d’un révélateur, ses tableaux-tissus aux jeux de nuances, de reliefs et de lumières. Elle fait sien le temps, le met à son service, se soumettant des fois à ses exigences pour sculpter sa matière et le dompte des fois encore, le filant pour ne pas le laisser filer…

Bon vent Asma.

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