Encombrement, risques sanitaires et alternatives à l’incarcération : Il est temps de passer à l’action !

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Selon la société civile, la moyenne générale du surpeuplement carcéral en Tunisie atteint les 150% et peut atteindre les 300% dans certaines prisons, à l’instar de celles de «Sidi Hmed» à Kairouan et de «Harboub» à Médenine.

L’encombrement des prisons tunisiennes a toujours posé problème même avant la crise du coronavirus. L’un des plus élevés à l’échelle mondiale, selon des rapports de la société civile, le taux d’encombrement dans nos prisons et centres de détention est essentiellement lié à une lenteur au niveau du traitement des dossiers judiciaires des détenus. Même si la situation reste maîtrisable, selon les autorités, des craintes, notamment compte tenu d’une large propagation de la contamination par le coronavirus dans le milieu carcéral, sont toujours de mise. Une stratégie de vaccination dans les prisons s’impose, alors que dans certains établissements pénitentiaires, les détenus sont doublement sanctionnés.

Le ministère de la Justice ne cesse de rassurer sur la situation épidémiologique dans le milieu carcéral tunisien. Cependant, la société civile reste toujours sur ses gardes quant aux risques de contamination dans les prisons surchargées. Force est de constater que, selon les dernières statistiques publiées par le ministère de la Justice, le taux d’encombrement est estimé à 114% et avait atteint par le passé 180%. Censées abriter 19.382 détenus, les prisons tunisiennes en contiennent 22.964, environ 13 mille prévenus et 9 mille condamnés.

Ces chiffres sont si alarmants qu’ils doivent faire l’objet d’un débat national, soutient dans ce sens Bechir Abidi, membre de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, pour faire part d’une vive inquiétude quant à la situation des prisons tunisiennes, notamment en cette période de crise. Il explique que même si actuellement la situation reste maîtrisable dans le milieu carcéral, l’Etat est appelé à trouver une solution radicale pour le dilemme de la surpopulation carcérale. Ceci passera, selon ses dires, par l’adoption de sanctions et peines alternatives, dont notamment le contrôle administratif, et en misant sur la technologie.

Stratégie de vaccination

Conscient de cette situation d’encombrement dans les prisons, le ministère de la Justice est en train de mettre en place une stratégie de vaccination dans le milieu carcéral, en coopération avec le ministère de la Santé. C’est en tout cas ce qu’a expliqué la ministre de la Justice par intérim, Hasna Ben Slimane, qui ajoute que la Direction générale des prisons et de la rééducation se chargera de l’exécution de ce programme de vaccination.

Le porte-parole de la Direction des prisons et de la rééducation, Sofiène Mezghiche, a indiqué que plus de 2.000 détenus se sont rétablis après avoir contracté le virus de la Covid-19. Actuellement, seuls deux cas de Covid-19 parmi les détenus et cinq parmi le personnel pénitentiaire sont observés.

L’application stricte du protocole sanitaire au sein des établissements pénitentiaires a largement contribué à réduire le risque d’infection par le nouveau coronavirus, a-t-il indiqué, relevant que les nouveaux détenus sont systématiquement placés en quarantaine à leur admission. Le responsable a, par ailleurs, relevé que l’encombrement des prisons tunisiennes constitue un vrai problème, notamment face à la propagation de la Covid-19. Il a, dans ce sens, rappelé que le ministère de la Justice, la Direction générale des prisons et toutes les parties intervenantes en la matière œuvrent sérieusement à mettre en place des politiques visant à réduire le taux d’encombrement des prisons.

Quelle alternative ?  

Si la question de la surpopulation carcérale inquiète tous les intervenants, c’est que le problème est bien réel en Tunisie. Parmi les solutions envisagées, les peines alternatives qui peinent à se faire une place dans notre système carcéral. Adoptées par plusieurs pays, elles visent essentiellement à éviter ce problème d’encombrement mais aussi à rendre utile l’emprisonnement des condamnés et des détenus. En effet, la crise sanitaire liée à la propagation du coronavirus ne fait que traduire l’importance de ce défi qui met en péril la sécurité des détenus comme celle des fonctionnaires et cadres des établissements pénitentiaires. Si ces espaces connaissent un encombrement significatif, le principal défi étant aujourd’hui de faire alléger les prisons en accélérant surtout les délais de jugement, jugés trop longs. Il est nécessaire également de revoir le système de sanction et la prise en compte des sanctions alternatives et du travail social et environnemental pour les détenus dans le but de désengorger les prisons. Selon l’Instance nationale pour la prévention de la torture (Inpt), la seule prison en Tunisie à ne pas présenter d’encombrement est la prison civile des femmes à La Manouba. La moyenne générale du surpeuplement carcéral en Tunisie atteint, selon la société civile, les 150% et peut atteindre les 300% dans certaines prisons, à l’instar de celles de «Sidi Hmed» à Kairouan et celle de «Harboub» à Medenine.

Parmi les peines alternatives suggérées, figure notamment l’usage du bracelet électronique pour contrôler les détenus en dehors de l’espace carcéral. En effet, un Conseil ministériel avait adopté, en juin 2020, un projet de décret gouvernemental stipulant l’application du port du bracelet électronique comme alternative à la prison ou à la détention. Une mesure technologique destinée à faire face à la surpopulation carcérale de plus en plus importante et à réduire la pression sur les prisons. La mise en place de cette nouvelle mesure devra se faire progressivement par le ministère de la Justice, seulement sur décision d’un tribunal.

Adopter l’option du bracelet électronique comme alternative à la prison devra en effet obéir à plusieurs conditions puisque cette alternative ne concernerait que les personnes dont les peines ne dépassent pas un an de prison et ne représentent pas un réel danger pour la société.

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