Evoquant la situation dans les prisons, Jamel Msallem confirme que «les conditions d’emprisonnement sont contraires à la loi et aux normes internationales», mettant en garde contre le fait que «l’encombrement est générateur de violence dans les prisons tunisiennes».
La question des conditions de détention dans les prisons et centres d’arrestation a toujours posé problème en Tunisie. Entre surpopulation carcérale, cas de torture et de violence, risques de contamination par le coronavirus et autres, dans certaines prisons tunisiennes, les détenus font face à tous les risques.
Le président de l’Instance nationale pour la prévention de la torture (Inpr), Fathi Jarray, a reconnu le constat. Lors d’une séance d’audition à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), il a affirmé que «les conditions de détention en Tunisie ne sont pas conformes aux normes internationales et vont à l’encontre des droits des détenus, prévus par les lois en Tunisie».
Jarray pointe du doigt la question de l’encombrement dans les prisons, ajoutant que la plupart des établissements pénitentiaires, à l’exception de la prison des femmes de La Manouba, souffrent de surpopulation carcérale. «L’instance a effectué des visites inopinées dans les lieux de privation de liberté dont les prisons, les centres de détention, les centres sociaux et les centres pour les migrants», a-t-il souligné, assurant que l’Instance a observé elle-même des dépassements commis à l’encontre des détenus.
Au fait, la question de surpopulation carcérale est le principal dilemme auquel font face les établissements pénitentiaires en Tunisie. Selon les dernières statistiques publiées par le ministère de la Justice, le taux d’encombrement est estimé à 114% et avait atteint par le passé 180%. Censées abriter 19.382 détenus, les prisons tunisiennes en contiennent 22.964, environ 13.000 prévenus et 9.000 condamnés. Sauf que des rapports élaborés par plusieurs associations font observer que dans certains établissements le taux d’encombrement est estimé à 300%. Une situation inimaginable.
Contacté par La Presse, le président de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (Ltdh), Jamel Msallem, confirme les déclarations de Fathi Jarray. Pour lui, non seulement ces conditions ne sont pas conformes aux normes nationales, mais aussi à la loi tunisienne. «On a remarqué, notamment à l’issue des arrestations sur fond des protestations de janvier et février, qu’en Tunisie, les conditions de détention font fi de l’article 5 de la loi portant organisation des prisons et des centres de détention».
Il affirme dans ce sens que ces derniers mois, la Ligue a reçu 777 plaintes pour violation des droits des détenus et des prisonniers, appelant le gouvernement et les ministères de l’Intérieur et de la Justice à prendre les mesures nécessaires à même de mettre fin à ces dépassements.
Evoquant la situation des prisons, Jamel Msallem confirme que les conditions d’emprisonnement sont contraires à la loi et aux normes internationales, mettant en garde contre le fait que l’encombrement est générateur de violence dans nos prisons».
L’encombrement dans les prisons tunisiennes est encore plus alarmant, compte tenu de la crise sanitaire que traverse le pays. Pour éviter la dégradation de la situation épidémiologique dans les prisons, l’administration pénitentiaire a mis en place une batterie de mesures préventives, à l’instar de la distribution de moyens de protection, l’isolation des détenus les plus fragiles, la suspension des visites et des activités au sein des prisons. Récemment, la campagne de vaccination dans les prisons tunisiennes a démarré pour appuyer davantage ces efforts visant à limiter la propagation du coronavirus dans les établissements pénitentiaires. Cette campagne a démarré avec la vaccination de 500 détenus à la prison de Mornaguia faisant partie de la tranche d’âge 60 – 75 ans et ceux souffrant de maladies chroniques.
Cas de torture et décès suspects
Outre le problème de la surpopulation carcérale, les rapports de la société civile pointent également des actes de torture, de violence et de viol commis sous silence radio dans les prisons. En effet, ces pratiques, même si elles sont, selon les autorités, isolées font toujours régner la peur dans les prisons.
Récemment, un jeune détenu à Monastir a été sauvagement torturé, ce qui a conduit à l’ablation de l’un de ses testicules. Le parquet avait décidé d’ouvrir une enquête pour «torture entraînant l’ablation d’un organe humain», mais ces cas de torture et de violence extrême à l’égard des détenus sont pratiqués sous le couvert de l’impunité.
Il y a quelques semaines, un jeune diabétique ayant transgressé les dispositions du couvre-feu à Sfax a été arrêté et emprisonné, sauf qu’après avoir passé une nuit en détention, il est décédé dans des circonstances suspectes. Selon sa famille et son avocat, le jeune a été privé de ses doses d’insuline, il est décédé d’une hyperglycémie. Un autre cas de décès dans nos prisons qui avait suscité un grand débat autour des conditions de détention, mais qui est malheureusement resté sans réponses.