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L’autonomie des médias et ses limites

La plainte déposée contre la Haica par le député Said Jaziri, propriétaire de la radio «Quran Karim» qui diffuse, du reste sans licence, ajoutée au refus d’accorder aux accusés (le président et deux observateurs de l’unité de monitoring relevant de l’Instance) le droit d’être représentés en leur absence par des avocats, a suscité un tollé général de la part de plus de trente associations et organisations. Indignées, ces associations et organisations mettent en garde le gouvernement et les partis qui le soutiennent contre «tout passage en force dans le dossier relatif à cette affaire» et assurant «qu’elles feront face à tout plan dictatorial de mainmise sur les médias». Elles dénoncent aussi le recours aux mécanismes de l’autorité exécutive pour limiter les compétences de la Haica  et son rôle de régulation de la scène audiovisuelle.

Au fait, il y a dans le paysage médiatique un décalage entre ce qui est présenté et ce qui est souhaité. Valeurs prioritaires et moteurs essentiels de développement, la presse écrite et la presse audiovisuelle et numérique doivent préserver leur autonomie politique, notamment dans le traitement des sujets sensibles.

Nous sommes conscients du fait que les médias ont besoin d’une levée de mainmise susceptible de les dégager des contraintes et des obligations qui ne cessent de handicaper leur travail et qui les empêchent encore de prospérer vers un meilleur traitement et une meilleure couverture de l’information. Nous sommes tout autant conscients de l’importance de la pluralité de l’information et des opinions, mais tout cela ne peut en aucun cas constituer une excuse aux dérapages. Autant il est permis au secteur de grandir, autant il est nécessaire à certains de ses acteurs de ne pas ignorer les règles élémentaires du métier.

On ne doit pas l’oublier : les dérapages successifs de certains médias ont quelque part désavoué  les valeurs et les principes de la liberté d’expression. Principal acquis de la révolution le paysage médiatique regorge d’acteurs qui incarnent réellement le modèle de dévouement et d’attachement à l’intérêt national et aux valeurs et aux principes qui en découlent. Il n’en demeure pas moins qu’il existe encore des intervenants dont la seule préoccupation n’est autre que l’intérêt personnel et les considérations partisanes, voire électorales. Ceux qui n’ont pas visiblement des liens de cœur avec la profession. Aux défaillances et aux manquements professionnels, s’ajoutent des transgressions et des piétinements qui choquent autant qu’ils déçoivent.

L’on se demande comment certains débats télévisés et radiophoniques sont tombés si bas sans que les mesures nécessaires ne soient prises pour y faire face. Pour avoir subi sans relâche les mauvaises manières, pour avoir à composer avec des intrus, à peine si on leur reconnaît la vocation, le paysage médiatique risque de se heurter à un déficit de reconnaissance. Ce qui constitue une menace majeure pour le présent et pour l’avenir et participe au développement d’un certain malaise. Et finalement, c’est tout le système qui  risque un jour ou l’autre d’être mis en cause.

Dans la mesure où beaucoup de Tunisiens  ne semblent plus s’intéresser à ce que prétendent les intrus et les parachutés des médias, ou même à ce qu’ils préconisent, ou bien leur accorder la moindre attention, on ne s’étonne pas des arguments et des justifications lancés ici et là au moment où leur présence et même leur «compétence», ne sont plus souhaitées… Au vu de leurs limites relatives aux  débats constructifs, on s’interroge si certains sont vraiment capables, après tous les dépassements qu’ils se sont permis, de s’acheter réellement une nouvelle conduite.

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