Le poisson-lion, considéré par certains chercheurs comme «l’espèce envahissante la plus nuisible connue par la science», a été repéré au Liban, à Chypre, en Turquie, en Grèce, en Italie, en Syrie, en Libye et en Tunisie.
Le Fonds mondial pour la nature est l’une des toutes premières organisations indépendantes de protection de l’environnement dans le monde, avec un réseau actif dans plus de 100 pays et près de 6 millions membres. Acteur fiable et sûr en la matière, les rapports qu’il publie sont méticuleusement scrutés par la communauté internationale. A fortiori dans un contexte de conditions climatiques extrêmes. Cette fois-ci, l’ONG scrute la Méditerranée et lance un cri d’alarme. Le «Centre du monde» est en danger !
L’Organisation spécialisée dans la protection de l’environnement, plus connue sous le sigle WWF, a présenté dans un récent rapport, publié le 8 juin, les conséquences du réchauffement climatique dans le bassin méditerranéen. Le changement climatique étant la plus grande menace, dans la Méditerranée, les températures augmentent 20% plus vite que la moyenne mondiale. Ce qui entraîne des conséquences graves qui ne cesseront de s’intensifier au cours des prochaines décennies. «L’élévation du niveau de la mer devant dépasser un mètre d’ici 2100, affectant ainsi un tiers de la population de la région», prévient d’emblée le WWF dans son rapport.
L’étude poursuit que la Méditerranée a atteint des niveaux records en termes de réchauffement. Cette mer est aussi la plus salée de toutes et dans l’ensemble, «la résilience écologique de la région a considérablement diminué en raison d’un développement non durable», souligne l’organisation.
Espèces au bord de l’extinction
Dans son rapport, le WWF explique encore les effets du changement climatique sur l’écosystème marin méditerranéen. A commencer par les 1.000 espèces non indigènes désormais présentes en Méditerranée. Par espèce non indigène, on désigne «toute espèce animale ou végétale dont la présence hors de son aire de répartition naturelle est avérée». Celles-ci constituent une menace directe sur les espèces dites «indigènes» chassées de leur milieu naturel et contraintes de se déplacer de leurs aires de répartition vers le nord, «à la recherche d’eaux plus froides, tandis que certaines espèces endémiques (présentes naturellement dans un territoire, Ndlr) sont quasiment au bord de l’extinction».
L’ONG évoque un «processus de tropicalisation bien entamé dans la partie la plus chaude du bassin. La Méditerranée orientale qui s’étend aux abords de ces pays : (Grèce, Turquie, Chypre, Syrie, Liban, Israël, Égypte et Libye, ndlr)». Cela donne un avant-goût de ce qui devra se développer sur l’ensemble de la région. «En termes écologiques, analyse l’étude publiée par l’ONG et largement relayée, la tropicalisation est une catastrophe en cours pour la Méditerranée». Au fur et à mesure que les espèces d’herbivores tropicaux se sont déplacées dans des eaux auparavant plus fraîches, des zones de récifs, autrefois dominées par une biodiversité riche et complexe, sont donc bouleversées.
La mer la plus envahie du monde !
Le «Pterois miles», plus communément connu sous le nom de poisson-lion, est une espèce de rascasse équipé de 18 épines venimeuses sur sa nageoire dorsale, dangereux pour l’homme également. Cet hôte indésirable arrive en Méditerranée à grand renfort. Le réchauffement climatique entraîne sa prolifération avec d’autres espèces destructrices, le poisson-lapin, entre autres. «La Méditerranée détient une distinction particulièrement fâcheuse : c’est la mer la plus envahie au monde». Au cours des dernières décennies, il y a eu une explosion du nombre d’espèces exotiques s’établissant à travers le bassin, avec des conséquences catastrophiques pour la biodiversité, alerte encore l’Ong.
Le poisson-lion, considéré par certains chercheurs comme «l’espèce envahissante la plus nuisible connue par la science», a été repéré au Liban, à Chypre, en Turquie, en Grèce, en Italie, en Syrie, en Libye et en Tunisie. Aujourd’hui, cet envahisseur très agressif bien établi dans les régions méridionales et orientales de la Méditerranée se dirige vers l’ouest et le nord, les mers Égée et Ionienne. Vorace, ce poisson-lion avale de grandes quantités de petits poissons et de crustacés. «Son estomac peut se dilater jusqu’à 30 fois son volume», indique l’ONG. Face à cette nouvelle espèce dans l’écosystème méditerranéen, ses proies ne peuvent l’éviter.
La plupart de ces espèces dangereuses viennent de la mer Rouge ou de l’océan Indien et sont portées jusqu’à la Méditerranée, via le canal de Suez. Ainsi, 986 espèces exotiques, dont 126 espèces de poissons, sont devenues des «migrants lessepsiens», en référence à cette migration lessepsienne, indiquant un type spécifique de migration animale, émanant de la mer Rouge vers la mer Méditerranée par le biais du canal de Suez.
Recommandations de l’Ong
Malgré ce tableau sombre, la situation n’est pas toutefois irréversible. Pour favoriser la régénération des écosystèmes marins et réduire les effets du changement climatique, l’ONG préconise qu’au moins 30% de la Méditerranée doit être protégée efficacement. Selon l’étude, l’interdépendance du climat, de la biodiversité et de l’océan est d’une importance capitale. Les autorités des pays du bassin méditerranéen devraient établir des solutions fondées sur la nature, en vue d’atténuer les impacts du changement climatique, notamment en développant les réseaux des aires marines protégées, recommande le WWF.
Parmi les autres recommandations formulées dans le rapport: améliorer la résilience des écosystèmes marins, restaurer leur biodiversité naturelle, restaurer également les écosystèmes de «carbone bleu» et protéger les habitats vitaux des grands animaux marins, y compris les poissons et les mammifères.
L’heure presse, car pendant ce temps, comme nous l’avons constaté tout au long de cette semaine caniculaire, l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes fait des ravages, y compris dans des habitats marins extrêmement fragilisés. L’élévation du niveau de la mer menace les villes et les littoraux. La Tunisie se trouve être directement concernée.