
Le temps passe inexorablement et la Tunisie, dont la transition démocratique était en panne et la transition économique, laissée pour compte, est devenue un dossier ouvert, qui inquiète et préoccupe aussi bien ses enfants que les étrangers. Inquiétude qui touche à la fois au volet sécuritaire et au volet économique.
Les mesures prises le 25 juillet dernier par le chef de l’Etat ont en effet ouvert un formidable chantier, pour ne pas dire autre chose, qui risque de rester ouvert, et ont hélas accentué le flou qui régnait dans le pays avant cette date-là. Le pays est au bord de la faillite totale, mais risque de perdre, à jamais, ses intérêts stratégiques y compris ceux avec ses frères voisins.
Aucun délai pour le retour à la normale ni une feuille de route n’ont été, en effet, annoncés et le Président se contente depuis la date déjà citée de lancer des mises en garde et des descentes du style inopinées bien documentées et bien médiatisées, ou encore de prendre des décisions controversées à l’encontre de certaines personnes.
Même l’instance chargée de gérer les élections est devenue non opérationnelle. Comment faire si un quelconque recours à la volonté populaire se présente ? Ne parlons pas de l’inexistence de la Cour constitutionnelle, dont l’absence a permis tant de dérives. Le pays sera-t-il inondé par les décrets-lois?
Le temps passe et le chef de l’Etat, qui s’est arrogé tous les pouvoirs, joue la technique du suspense et le rôle d’un Robin des bois traquant les brigands, lui qui est plutôt un fervent admirateur du Khalife Omar Ibn Al Khattab (VIIe siècle), alors que notre pays a besoin d’un vrai président du XXIe siècle.
Il nous gratifie, en effet et chaque jour, d’un nouvel exploit, en prenant à chaque fois le soin de prononcer un sermon plein de menaces devant un groupe de personnes ou de hauts responsables qui se contentent d’écouter comme le feraient de sages écoliers devant un instituteur sévère.
Le temps passe rapidement et le pays est appelé à sortir d’urgence du bourbier économique et financier dans lequel il s’est empêtré. Il a besoin de décisions rapides, ciblées et prises sur la base d’une maîtrise parfaite des dossiers et du terrain, avec un minimum de consensus. Cela sans parler du pétrin politique dans lequel nous sommes et qui est aussi le fruit de certaines décisions présidentielles prises depuis le début du présent mandat.
Or, le pays n’a même pas de gouvernement et tout doit passer par le chef de l’Etat qui, lui, semble totalement inconscient des dossiers brûlants et se focalise sur une guerre contre la corruption qui, elle, relève du long terme. Pire, il semble agir en étant seul maître à bord, ce qui va le rendre totalement responsable de ce qui va arriver au pays.
Là il joue gros, car il ne tient pas toutes les ficelles, surtout dans un pays infesté par les réseaux obscurs et les mafias. Un pays qui est aussi une pièce maîtresse pour ceux qui projettent de piller la Libye et ceux qui projettent d’affaiblir l’Algérie, puis de la démembrer.
Il s’agit de faire appel à de hautes compétences doublées de personnes intègres et franches. Le Président pourrait-il le faire et ne pas succomber à la tentation du choix des personnes dociles ou aux directives des puissances étrangères ?
Notre pays a, en effet, besoin d’un président citoyen, lucide, expérimenté, qui aime le dialogue, sait rassembler et se tenir au-dessus de la mêlée et dont le programme se résume en un seul point, celui de respecter la Constitution quel que soit son degré d’imperfection et qui ne tenterait pas de se croire choisi par la Providence ou qui sera déclaré plus tard héros national par l’Histoire.
Un président pour la IIe République ne doit pas venir avec dans son cartable un programme autre que celui de respecter la Constitution et il doit s’abstenir de vouloir changer les fondamentaux coûte que coûte et sans un travail préalable d’étude et de concertation. S’il a un autre projet, il n’a qu’à le proposer après la fin de son mandat.
Notre pays, il faut le reconnaître, a été encore une fois victime du complexe de l’autorité qui se résume en cette phrase, ce cri, qui a causé et cause encore des dégâts : «C’est moi qui commande !».