Par souci de justesse, la plupart des observateurs accordent une certaine particularité, voire une originalité, à la composition du nouveau gouvernement annoncé par Najla Bouden. Beaucoup plus de femmes que d’habitude, des universitaires, autour desquels il n’y a point de soupçons de corruption et, cerise sur le gâteau, rupture totale avec tout ce qui avait constitué pendant plus de dix ans une atteinte et un préjudice à l’intelligence tunisienne. Le quota partisan dans la formation des différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 était une fausse note sur laquelle reposaient des choix et des option, le moins que l’on puisse dire, inadéquats et inappropriés. Une longue période durant laquelle on était loin de prendre en considération l’intérêt du pays, encore moins les exigences du moment et du contexte. On a fait comme si les compétences et les mérites étaient tout simplement liés aux intérêts particuliers de partis politiques, défendus à contre-courant par les dirigeants de l’époque. Dans tout ce qu’ils entreprenaient, ils n’étaient au fait rien que des lobbyistes des intérêts privés, des intérêts de clans et des intérêts de partis.
A cause de ces multiples interférences aux desseins inavoués ou déclarés, la situation a empiré et la continuité de l’Etat a été plus que jamais compromise. Engagés dans un favoritisme qui n’était pas difficile à deviner, les responsables de cette époque avaient piétiné l’administration au point de lui avoir enlevé ses fondamentaux. Il faut dire que l’ampleur des manquements et des dérapages typiquement tunisiens était plus qu’une incompréhension. C’était la conséquence d’une gestion et d’une gouvernance dénaturées sur fond de confusion et d’imbroglio. En tout cas, le spectacle n’a que trop duré.
Le pouvoir n’étant plus dans les calculs politiques, la nouvelle équipe gouvernementale est accueillie favorablement par une grande partie de l’opinion publique. Ce n’est pas une surprise, dans la mesure où les Tunisiens ont toujours pensé que leur pays aurait fait un grand pas si les postes et les responsabilités étaient destinés à ceux qui les méritent et si l’égalité des chances prévalait.
Le programme d’action du nouveau gouvernement est clair. Il s’agit de s’attaquer aux questions brûlantes qui, à force de perdurer, ont pris au fil du temps une nouvelle ampleur. Loin des calculs politiques, il est temps de dépoussiérer les dossiers vitaux jusque-là enterrés et rompre avec un système qui n’a plus aujourd’hui aucune raison d’être.