Il est toujours bon de le rappeler : il y a dans le paysage politique, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres activités, un turnover chez les principaux acteurs qui ne se lassent jamais et qui — au lieu d’apaiser un climat de plus en plus tendu du fait des enjeux et des pressions et, par conséquent, revenir à un environnement plus serein, assainir l’ambiance et ramener la sérénité entre les différentes parties prenantes —, font tout pour rendre impossible un éventuel retour à la normale. Dans l’armoire aux mauvais souvenirs, les dérapages occupent, à coup sûr, une place de choix.
Selon Rached Ghannouchi, le Parlement sera de retour « qu’on le veuille ou non ». Il continue à penser et à rappeler à tous ceux qui veulent encore l’entendre que « l’institution parlementaire avait été victime de dénigrement en dépit de ses réalisations », appuyant sa thèse par l’adoption de la loi 38 pour l’intégration des chômeurs dans la fonction publique.
L’histoire de l’ARP révèle, cependant, un cheminement bien plus périlleux que ne le laissent croire aujourd’hui les déclarations du président de l’ARP suspendu. Les données, les constats et les résultats le prouvent. Ils ont quelque chose de vertigineux. Un regard rétrospectif ne manque pas, à coup sûr, de raviver un mal-être, une rancœur, voire un traumatisme.
On ne saurait suffisamment l’exprimer, mais l’ambiance au sein de l’ARP était entrée dans une phase de décomposition à laquelle il était impossible de trouver un remède. Le constat était déconcertant, mais le Parlement devenait un risque majeur pour tout le processus démocratique. Les acteurs, dont la plupart étaient rejetés par la majorité écrasante des Tunisiens, s’amusaient à se renvoyer l’ascenseur. Pire que le désaccord et la guerre médiatique, il était question de fuite en avant et d’inconscience de la part de ceux qui n’arrivaient pas vraiment à se rendre utiles, ou encore à faire l’unanimité. La confiance, la sérénité et les rapports paisibles étaient abandonnés dans les tiroirs. Les députés, et derrière eux les partis, ont laissé passer une chance, peut-être pas unique, mais une grande chance, pour la consécration d’une nouvelle ère. Les positions se durcissaient, et d’une épreuve à l’autre, l’institution parlementaire en accusait le coup. Explicitement, l’image d’une Assemblée défaillante, n’ayant que les polémiques et les altercations comme raison d’être, est souvent attribuée. L’exemple révélateur de députés sans scrupule et dépassant toutes les lignes rouges avait permis aux Tunisiens de réaliser que les élus qu’ils avaient choisis portaient systématiquement préjudice aux perspectives démocratiques de leur pays. Résultat : un abaissement et une déchéance plus que jamais inquiétants.
Oui, et comme le confirme Ghannouchi, le Parlement sera certainement de retour. Mais sous une autre forme et avec de nouveaux acteurs. Des élections législatives anticipées sont de nature à remettre les choses à leur place. La question de fond tourne aujourd’hui autour du bien-fondé d’une loi électorale et d’un système politique souvent inadaptés. Il n’est plus difficile de comprendre que cela a mis à nu ceux qui n’ont jamais été à la hauteur de la responsabilité et pour qui les valeurs démocratiques et toutes les significations qui s’y rattachent n’ont pas visiblement de sens, encore moins de raison d’être.
On ne saura oublier que le modèle parlementaire, tel qu’il est encore revendiqué par certains, est fortement affecté par des considérations et des arguments qui n’ont aucun rapport avec la réalité des Tunisiens et de la Tunisie.
KHEMIRI Mourad
30 novembre 2021 à 21:11
Monsieur le Rédacteur en Chef principal.
J’adhère totalement à votre analyse que de nombreux citoyens doivent comprendre et partager. Mais posons – nous la question : qui a la clé pour résoudre le problème et mettre fin à cette période de flottement, d’excès verbaux et de mesures hâtives, une période qui court depuis le 25 juillet ? Sans conteste, le Chef de l’État qui persiste à laisser pourrir la situation et à nourrir les ressentiments alors que la situation économique et financière est « dramatique ». Je me permets de dire que non seulement monsieur Kaïs Saïed a montré les limites de sa compétence politique mais continue à se satisfaire de l’euphorie populaire qui finira par retomber. J’en parle par expérience de la vie politique de mon pays depuis plus de 60 ans !