Le sélectionneur national n’a pas cédé d’un iota sur ses convictions et a campé sur ses idées et sa position. Les plus pressentis pour faire le voyage au Cameroun ont été retenus.
…On s’attendait à un Mondher Kebaïer avec un petit sourire, même de façade, moins stressé, moins agressif, avec des paroles positives et réconciliantes pour tourner la page de son fâcheux incident avec les médias. On a eu droit à une conférence de presse morose, sans couleur, tenue presque à contre-cœur. Il s’en est acquitté comme on se débarrasse d’un lourd fardeau. Les traits encore tirés, le ton toujours agacé ont donné l’expression d’un homme avec un amour-propre blessé, d’un sélectionneur qui n’a pas encore digéré qu’on a mis plus de temps qu’il ne fallait, à ses yeux, pour l’analyse de la finale manquée en Coupe arabe. Il a, encore une fois, oublié que le métier et le destin d’un entraîneur, sa panoplie de manager lui imposent de maîtriser sa communication externe avec l’entourage et les médias autant que celle interne avec ses joueurs.
Priorité au bloc défensif
Il a attendu la date limite du 30 décembre pour rien puisque les 28 annoncés étaient tous sur son carnet de notes depuis quelque temps et aucun nom n’a été appelé ou écarté sur le fil. Même pas la mise au repos de Ferjani Sassi qui couvait depuis le retour du Qatar et qui était donc tout sauf une grosse surprise. La preuve que personne ne lui en a fait grief même si le prétexte avancé était le covid-19 et ses éventuelles conséquences néfastes sur la forme et de la plénitude physique du joueur comme c’est le cas également de Wajdi Kechrida. Le premier constat qui saute aux yeux, après que la fameuse liste a été dévoilée, est la priorité excessive donnée au compartiment défensif avec 4 gardiens et 10 défenseurs qui se répartissent entre 2 latéraux droits (Mohamed Drager et Hamza Mathlouthi), 4 excentrés gauches (Ali Maâloul, Mohamed Amine Ben Hmida, Oussama Haddadi et Ali Abdi ) et 4 arrières centraux (Dylan Bronn, Omar Rekik, Bilel Ifa et Montasser Talbi). Il était évident que le classement de Haddadi comme joueur de charnière centrale et de Abdi comme latéral polyvalent n’était qu’une opération de saupoudrage et qu’un jeu de mots qui n’ont trompé personne. Au Cameroun, Mondher Kebaïer pense avant tout à assurer les bases arrières et le bloc défensif de l’équipe en sélectionnant le maximum de titulaires et en s’offrant plusieurs alternatives pour ne pas être pris de court ou être à court de solutions, le syndrome du forfait inopiné pour blessure de Mathlouthi en Coupe arabe et l’absence de remplaçant valable dès le départ avant la venue en urgence de Drager lui étant resté en tête comme une bévue à ne plus recommencer. Le seul souci qui continuera de le chiffonner dans ce secteur, c’est le poste de gardien de but. Et — il faut le dire — les choses sont loin d’être claires et résolues pour lui sur ce point très important, voire clé. Les arguments donnés pour avoir maintenu Farouk Ben Mustapha comme élément cadre et inamovible du groupe, toujours utile, tout en persistant à éloigner Moez Hassen, montre bien que, pour lui et dans son subconscient, Farouk demeure le numéro un. Il lui faudra donc beaucoup de courage et plus qu’un brin d’audace pour infuser ce sang nouveau dont il parle et faire monter en grade un Béchir Ben Said, Ali Jmal et même Aymen Dahmen pour titulariser l’un de ces trois postulants à prendre le relais dans le match d’ouverture contre le Mali le 12 janvier.
Le travail de récupération au détriment de la transition
Le même souci de penser à mieux sécuriser et à bien verrouiller le dispositif se lit dans la liste des joueurs du deuxième rideau défensif, avec un entrejeu bourré plus de récupérateurs que de joueurs de relance, de transition et de construction… Ça ne va pas être facile de trancher entre des éléments à vocation défensive comme Ilyès Skhiri, Issa Laidouni, Ghaylêne Chaâlali et Mohamed Amine Ben Romdhane et de se limiter à un duo d’entre eux comme paire de demis axiaux avec l’option fortement pressentie d’un schéma de jeu avec trois défenseurs axiaux derrière. Seul Hannibal Mejbri a la vocation et le profil de milieu constructeur qui se projette constamment vers l’avant et qui peut être le moteur de l’animation offensive. C’est insuffisant quand on sait que les équipes qui réussissent sont celles qui excellent dans la transition rapide défense-attaque. Même si Youssef Msakni peut être un atout de poids au poste de régisseur et dans le rôle d’un 10 plus que d’un 9,5 derrière les attaquants de pointe. Si bien entendu, il retrouve ses déclics de joueur collectif qui adresse la dernière ou l’avant-dernière passe décisive et de joueur d’exploit individuel, de percussion en profondeur et ses qualités de finisseur aussi. Car à quoi bon servirait d’avoir sous la main trois pointes et numéro 9 ( Wahbi Khazri, Yoann Touzghar et Seïfeddine Jaziri) s’il n’y a pas un jeu porté vers la créativité, l’audace et l’imagination pour créer un nombre suffisant d’opportunités de scorer et d’occasions nettes de buts. On nous dira que, dans cette liste, il y a une belle pléiade de joueurs de couloir, animateurs sur les deux flancs droit et gauche de l’attaque (Naïm Sliti, Hamza Rafiaa, Seïfeddine El Khaoui, Anis Ben Sliman et Firas Ben Arbi) mais ce qu’il nous faut, ce qui manque le plus à cette équipe de Tunisie, c’est le jeu dans les intervalles, dans le dos des défenses adverses. C’est de la profondeur plus qu’un jeu sur la largeur, trop étiré sur les côtés, trop stéréotypé et sans impact réel, sans danger palpable et constant pour des arrières-gardes trop musclées, assez compactes dans leur charnière centrale même si elles sont vulnérables et perméables sur les flancs. La vérité — la Coupe arabe l’a bien montré — c’est qu’on n’a pas de joueurs capables de tirer profit des demi-occasions de but pour faire la différence mais qu’il nous faut une multitude, une série, voire une avalanche d’opportunités pour mettre la balle au fond surtout que nous ne sommes pas très forts, efficaces et tranchants sur les balles arrêtées, l’une des armes principales pour forcer le destin et le sort d’un match.
Quels objectifs ?
Maintenant que les choix sont faits et assumés, Mondher Kebaïer doit savoir composer avec ce groupe, mettre les ingrédients nécessaires pour un bon amalgame complémentaire et équilibré, montrer qu’il n’a pas fait une simple association de joueurs, de talents et de stars mais qui a construit et qu’il a une équipe. Il doit avoir bien en tête, lui qui connaît la complexité de cet exercice, que c’est la seule manière, le seul chemin d’avoir un projet et un objectif clairs pour cette CAN et pas flous et dans le vague quand il affirme que lui et ses Aigles iront jusqu’au bout où ils pourront arriver, sans prendre le risque d’être très explicite, évoquer le carré d’as, une éventuelle finale et pourquoi pas le titre de champion d’Afrique. La réussite ne sourit qu’aux ambitieux et qu’aux audacieux. Il suffit de mettre les gros moyens à sa disposition et de savoir mener la barque à bon port.