C’est au Parc Boujaâfar, nouvellement réaménagé, qu’a eu lieu l’après-midi du jeudi 31 mars une conférence de presse organisée par la municipalité de Sousse pour présenter une expérience de coopération inédite. Un partenariat autour du Programme de développement urbain intégré de la ville qui réunit la municipalité de la Perle du Sahel et la Confédération suisse.
Des ficus centenaires et luxuriants, une pergola immaculée de blancheur comme une dentelle de béton, un large bassin où trône une statue de style Art-déco représentant deux jeunes filles aux mains enchevêtrées, des allées ombragées…Ainsi se présente aux flâneurs heureux le Parc Boujaâfar, qui vient de rouvrir ses portes après six mois de travaux non-stop menés par le plus talentueux des architectes de Sousse, Adel Hidar. C’est dans cet endroit emblématique surplombant la corniche qu’a eu lieu jeudi une conférence de presse pour présenter les résultats et recommandations de la première phase du Programme de développement urbain intégré (Pdui) de la ville de Sousse et pour annoncer le démarrage de la deuxième phase de ce projet.
Les flâneurs semblaient heureux en ce doux après-midi du mois de mars dominés qu’ils étaient par le sentiment de se réapproprier ce jardin public après son abandon pendant des décennies. De style composite, à la fois d’inspiration anglaise et française inauguré vers les années 1920, ce lieu situé au point de rencontre de la ville européenne et de la médina est une tranche majeure du patrimoine de la cité. Son réaménagement récent (mise en place d’un éclairage public, plantation de nouveaux arbres, restauration du mobilier urbain, ouverture de la façade principale pour retrouver la continuité avec la corniche…) incarne le point de départ d’une stratégie visant entre autres à faire de Sousse une « ville du quart d’heure ». Ce concept coïncide avec une cité à la mobilité douce, qui donnerait une place de choix aux piétons et aux cyclistes. Une ville qui sortirait de la dépendance vis-à-vis de la voiture comme le veut la tendance écologique actuelle et où l’accès aux services se fait en moins d’une demi-heure.
Réconcilier les citoyens avec leur ville
Le Programme de développement urbain intégré de la ville de Sousse (Pdui), qui a pour devise « Ija Chouf Soussa ! » (Venez voir Sousse) a démarré en 2018, voilà quatre ans. Et si le secrétariat d’Etat à l’Economie suisse (Seco) a décidé de travailler sur « la perle du Sahel », cette ville du littoral de près de 500 000 habitants, « c’est que nous détenions déjà une stratégie de développement urbain. Une vision prospective, mais où manquait la dimension intégrée et durable », témoigne lors de la conférence de presse Sarra Karoui, maire-adjointe de la ville et présidente du Pdui. Etaient présents à l’évènement Josef Renggli, ambassadeur de Suisse en Tunisie, Dr Mohamed Ikbel Khaled, maire de Sousse, Samia Loussaief, directrice générale des programmes communaux au ministère de l’Intérieur, des élus locaux, des représentants de la société civile et plusieurs experts tunisiens et suisses engagés sur ce projet.
Comme évoqué le matin même à la réunion du Comité de pilotage du Pdui organisée à Dar Echaraâ dans la médina, développer le cadre de vie de la population, faire bénéficier les habitants de l’agglomération de Sousse de meilleures conditions économiques, environnementales et sociales, permettre à la municipalité de développer des bonnes pratiques de gouvernance, une meilleure gestion de la ville et améliorer la qualité des services municipaux font partie des principaux objectifs du programme. Autres finalités : réconcilier la ville du quotidien et la ville touristique, assurer la continuité entre espaces publics à travers un tissu urbain diversifié et anticiper les mutations prévisibles.
Les « quiqwins », des actions à impact rapide
La phase 1 du Programme, qui vient de s’achever, bénéficie d’un financement de 7 millions de dinars tunisiens de la part du gouvernement suisse. Son innovation par rapport à la pratique de l’urbanisme en Tunisie consiste dans le lancement simultané d’études d’envergure portant sur des enjeux stratégiques de l’agglomération de Sousse et ce qu’on appelle les « quiqwins » (traduction : gains rapides). A savoir des actions concrètes, à fort impact et visibilité. Des projets susceptibles d’impulser un nouveau contrat de confiance — parfois perdu à force de promesses politiques non tenues — entre les contribuables et leur pouvoir local.
Quatre grandes thématiques structurent la première phase du Pdui. Elles concernent l’urbanisme, la mobilité, l’énergie et l’installation de systèmes d’information intégrés (SIG).
« Les études lancées sur ces quatre grands éléments du programmes ont représenté pour notre équipe une étape incontournable. Elles nous ont permis de tracer les projets concrets, de les prioriser et de définir leur montage financier », explique Sarra Karoui.
Les experts tunisiens et étrangers, qui se relaieront sur le podium pendant la conférence de presse, affirmeront également : « Nous avons construit une idée de la ville en concertation avec les acteurs économiques et sociaux, l’université, les élus, la société civile et les citoyens à partir de données très précises élaborées quartier par quartier ».
L’inauguration prochainement du Jardin du poète
Chaque volet offre ses « quiqwins ». L’élaboration d’une vision prospective du Grand Sousse, l’étude préparatoire à la révision du Plan d’aménagement urbain et l’élaboration d’un plan directeur des espaces publics forment l’arsenal des études sur l’urbanisme. Elles sont accompagnées par leurs quiqwins, dont la piétonisation graduelle de la corniche, l’ouverture du Parc Boujaâfar et l’inauguration prochainement du Jardin du poète, comme annoncé au cours de la conférence de presse par le maire, Dr Mohamed Ikbel Khaled.
Ainsi, parmi les actions à impact immédiat du volet mobilité, dont les études se rapportent à l’élaboration d’un Plan de déplacements urbains du Grand Sousse et d’un Plan de circulation et de stationnement, nous citerons l’identification d’aires de stationnement pour réduire les flux en centre-ville, l’aménagement de passages piétons sécurisés au cœur de Sousse, le transfert du stationnement des bus touristiques sur le parking du musée et l’organisation d’une journée sans voiture, « Sousse Tetnafess »(Sousse respire).
Le chapitre énergie, dont les études ont focalisé sur le plan lumière de la ville de Sousse, la gestion énergétique communale, l’audit énergétique des bâtiments communaux et du parc véhicule présente aussi ses actions à retombées rapides. Il s’agit de l’établissement d’un tableau de bord pour la gestion énergétique communale, l’optimisation de la gestion du réseau d’éclairage public, l’aménagement lumière d’une zone prioritaire, l’écoconception du nouvel Hôtel de Ville, le recours à l’énergie solaire au niveau des bâtiments municipaux, la maîtrise de l’énergie dans le quartier résidentiel de Bohcina et la formation à l’autoconstruction de chauffe-eau solaires.
L’étude en lien avec l’installation de systèmes d’information intégrés a traité de la création d’une cellule SIG et à l’appui à son fonctionnement. Ses quiqwins se rapportent à l’optimisation des circuits de collecte des déchets solides de la ville, l’amélioration du recouvrement de certaines taxes municipales, la mise en place d’un géoportail de Sousse accessible au public, l’établissement d’un cadastre des points de collecte des déchets et l’établissement d’un cadastre de l’éclairage public.
Une seconde phase s’ouvre devant le Pdui
« Nous venons de signer la seconde phase du Pdui. C’est le cadre qui va permettre à la mise en œuvre des études et préconisations de la première étape de cet ambitieux programme urbain », a annoncé Josef Renggli, ambassadeur de Suisse en Tunisie.
Parmi les objectifs de cette seconde partie du Pdui, qui se poursuivra jusqu’à 2026, l’élargissement des bénéfices et atouts du programme au profit des populations du Grand Sousse, à savoir les 11 communes environnantes.
« L’intercommunalité est une nécessité. Elle est notre destin », affirmera le maire au moment de la conférence de presse.
Une nouvelle composante y verra le jour : la résilience urbaine. Cette thématique veut traiter des changements climatiques et des catastrophes et urgences urbaines, comme les problèmes d’inondation auxquels fait face la ville de Sousse en hiver.
« Comme une chrysalide, la ville se libérera de ses chaînes, tel le destin de ce parc pour s’épanouir et prendre son essor », rêve à voix haute la présidente du Pdui à la clôture de la conférence de presse.
La lumière du jour commence à baisser en cette fin d’après-midi, la mer continue à scintiller et les arbres s’habillent des rumeurs de la nuit. L’éclairage du parc donne encore plus de magie à ce lieu et rend le rêve et l’image d’une nouvelle Sousse où il fait bon vivre dans les années à venir encore plus vivaces…