Si cette dernière augmentation des prix des carburants vient accentuer la crise sociale que connaît le pays, l’effet d’entraînement pourrait amplifier ses conséquences. Le secteur du transport semble être le plus touché par une telle décision, ce qui pourrait conduire à moyen terme à de nouvelles augmentations des produits de consommation et constituer, par conséquent, un coup dur pour le pouvoir d’achat des Tunisiens déjà fragilisé.
Il s’agit de la énième augmentation consécutive des prix des carburants en Tunisie. Pour les autorités, ce n’est qu’une conséquence directe du conflit ukrainien et de la flambée des prix des énergies à l’échelle internationale, mais, à vrai dire, l’Etat tunisien s’est lancé depuis plusieurs mois dans une stratégie de levée progressive de la subvention des énergies, dont notamment les carburants conformément à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Mais, actuellement, la situation sociale est très délicate et des décisions de ce genre pourraient faire exploser la rue à tout moment, le gouvernement semble entre le marteau et l’enclume.
Le ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie et le ministère du Commerce et du Développement des exportations ont annoncé un nouvel ajustement partiel des prix de vente au public de certains produits pétroliers, entré en vigueur à partir du 14 avril 2022. La hausse concerne notamment l’essence sans plomb, avec un nouveau prix fixé à 2.330 millimes/litre (+110 millimes), le gasoil ordinaire 1.790 millimes (+85 millimes), le gasoil sans souffre 2.010 millimes (+95 millime), le super sans plomb pour une augmentation de 240 millimes, soit un nouveau prix de 2.600 millimes et une augmentation de 210 millimes pour le gasoil sans souffre (super), le nouveau prix s’élevant donc à 2.310 millime/litre. Quant aux prix des autres produits pétroliers comme le gaz de pétrole liquéfié (GPL), ils demeurent inchangés.
Une fois officialisée, cette décision a provoqué une vague de colère dans les réseaux sociaux, surtout si on rappelle que la dernière augmentation des prix des carburants a eu lieu il y a seulement 45 jours. Cette nouvelle augmentation a également provoqué le désarroi des chauffeurs de taxi, ces derniers ont d’ailleurs observé une manifestation jeudi au soir devant le siège du ministère du Transport.
En effet, un nombre de chauffeurs de taxi ont exprimé leur désapprobation par rapport aux prix élevés du carburant et des voitures et de leur incapacité à obtenir des licences de taxi, ce qui les a mis dans des situations sociales difficiles. Ils revendiquent dans ce sens une révision de la tarification des taxis pour retrouver leur équilibre budgétaire, sauf qu’une telle mesure aura des répercussions sur le pouvoir d’achat des citoyens.
Les autorités réagissent
Réagissant à cette polémique, la ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Neïla Nouira Gongi, a expliqué la dernière hausse des prix des carburants par la flambée des cours mondiaux des produits énergétiques.
«La guerre entre la Russie et l’Ukraine a été à l’origine de nombreuses perturbations ayant touché plusieurs produits, y compris les hydrocarbures dont les cours ont augmenté d’une manière démentielle», a-t-elle dit, lors de son intervention au journal télévisé.
La ministre rappelle dans ce sens que le budget de l’Etat a été calculé sur l’hypothèse d’un prix du baril à 75 dollars, alors qu’il est, actuellement, en moyenne de 101 dollars, soit des besoins de financement des hydrocarbures atteignant les 8,164 millions de dollars. Elle a affirmé que l’augmentation décidée récemment était de 5 % pour certains produits, contre 3% inscrits dans la Loi des finances sur la base d’un prix du baril à 75 dollars. Sauf que le l’Etat tunisien s’est inscrit à un programme de révision continue du prix des carburants de manière à lever ou limiter au maximum la subvention du pétrole, et ce, conformément aux accords avec le Fonds monétaire international (FMI).
Notons que l’ajustement automatique des prix des hydrocarbures (à la hausse ou à la baisse) est fixé à 3% au lieu de 5% sur toute l’année 2022, dans la mesure où l’Etat a mis en place des politiques visant à atténuer le déficit énergétique.
Si cette augmentation vient accentuer en effet la crise sociale que connaît le pays, l’effet, entraînement pourrait amplifier ses conséquences. Le secteur du transport semble être le plus touché par une telle décision, ce qui pourrait conduire à moyen terme à de nouvelles augmentations des produits de consommation et constituer un coup dur pour le pouvoir d’achat des Tunisiens déjà fragilisé.
Une grève de plus !
Dans ce contexte de crise sociale accentuée par ces récentes augmentations, quelques sociétés de transport de carburants ont entamé, à partir d’hier vendredi et jusqu’à aujourd’hui, une grève de deux jours pour revendiquer des augmentations salariales. Une décision qui a, comme toujours, provoqué une ruée vers les stations-services. Sauf que le ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Mines a annoncé que tous les stocks de carburants ont été renforcés et que les stations-services Agil sont opérationnelles. Le département appelle dans ce sens les citoyens à éviter la ruée vers les stations-services.