Tous les yeux sont rivés sur Zarzis, cette ville côtière du sud tunisien secouée récemment par le naufrage d’une embarcation qui avait à son bord des migrants clandestins. En pleine ébullition, les citoyens accusent les autorités d’avoir manqué de respect aux familles des morts, certains ayant été enterrés dans le cimetière des «anonymes» sans aucune identification.
La ville de Zarzis connaît depuis quelques jours de vives tensions provoquées par la découverte de corps de migrants sans vie repêchés dans les eaux de la région. Ce qui a fait tache d’huile, des informations laissant croire que les autorités ont procédé à l’enterrement de certains cadavres repêchés sans prendre contact avec leurs familles.
Le président de l’Observatoire des droits de l’Homme, Mustapha Abdelkebir a confirmé ces informations et il a assuré que des «cadavres récupérés en mer ont été enterrés sans informer les familles des personnes décédées. Ils ont été enterrés dans le cimetière “le Jardin d’Afrique”. Il s’agit d’un cimetière où sont enterrés les migrants inconnus morts durant la traversée de la Méditerranée. Il a été créé pour accueillir des dépouilles selon des conditions bien précises. Or des corps ont été récemment enterrés sans procéder à la collecte des échantillons d’ADN».
Ces informations sont en effet à l’origine de protestations qui ont tourné, mercredi, au blocage du centre-ville. Plusieurs jeunes se sont d’ailleurs rassemblés pour dénoncer ce qu’ils appellent l’inaction du gouvernement et des autorités locales.
C’est dans ce contexte de colère que le directeur régional de la protection civile à Médenine et le porte-parole de la cellule de crise, Atef Haouij, ont annoncé que 11 corps sont dans l’attente d’une identification, après le naufrage d’une embarcation avec à son bord 18 personnes originaires de Zarzis. Les échantillons des 11 corps transférés pour analyse ont été prélevés sur respectivement sept corps transférés à l’hôpital régional de Gabès et quatre corps exhumés au cimetière des inconnus de Zarzis.
Il faut rappeler qu’un bateau de migrants clandestins a quitté les côtes de Zarzis dans la nuit du 21 au 22 septembre 2022 avec à son bord 18 personnes, pour la plupart âgés entre 16 et 18 ans, un bébé et deux femmes, avec qui tout contact avait été perdu une demi-heure seulement après leur départ. Hier, jeudi, une importante opération de ratissage a été menée au large de Zarzis. Les unités de la marine nationale, de la protection civile et des équipements municipaux ont été déployés pour suivre les traces des survivants.
Une crise mal gérée
Si la migration clandestine constitue un phénomène inquiétant et auquel les autorités n’ont jamais trouvé de solution, les habitants de Zarzis réclament simplement une meilleure gestion de la crise et une manière «plus humaine» pour traiter les victimes de ce fléau.
Au fait, les déclarations du gouverneur de Médenine ne sont pas passées inaperçues. Saïd Ben Zayed est intervenu dans des déclarations médiatiques pour revenir sur le drame qui secoue la ville de Zarzis où des migrants noyés ont été, selon les habitants et l’Observatoire des droits de l’Homme, enterrés dans “le Jardin d’Afrique” sans que leurs familles ne soient informées. Ben Zayed a affirmé que les inhumations ont été effectuées dans les règles et selon les lois en vigueur, soulignant que les corps ont été transportés à l’hôpital avant d’être enterrés.
En tout cas, suite à la protestation sociale, les autorités ont enfin réagi, hier, aux appels des citoyens de Zarzis. Ceux-ci ont observé hier un jour de colère pour protester contre l’inaction du gouvernement dans la gestion de cette. Elles ont procédé, en effet, à d’importantes recherches au large de Zarzis afin de retrouver des survivants ou du moins repêcher des corps.
Les drames se succèdent
En Tunisie, les drames relatifs au naufrage des embarcations de migration clandestine n’en finissent pas. Elle est l’un des pays les plus touchés par ce phénomène à l’échelle mondiale, d’autant plus que le fléau prend de nouvelles ampleurs si on rappelle que désormais ce sont des familles entières qui risquent leur vie en quête du rêve européen, transformé la plupart du temps en cauchemar.
On se rappelle tous le naufrage d’une embarcation à Kerkennah lorsqu’une cinquantaine de Tunisiens ont perdu la vie en 2018, noyés. Alors, la crise avait pris une tournure politique et on s’apercevait que l’enjeu devenait géopolitique et diplomatique.
Le nombre de Tunisiens arrivés sur les côtes italiennes dans le cadre de l’émigration irrégulière s’est élevé à 3.730, et ce en moins d’un mois (du 15 août au 8 septembre 2022).
En deux mois — juillet et août —, ce nombre a été multiplié par deux. En effet, ce sont 7.745 personnes qui ont gagné l’Italie au cours de cette période contre 8.939 qui en ont été empêchées et 49 qui ont été portées disparues.
Près de dix mille Tunisiens dont 498 femmes et 2.000 mineurs seraient arrivés clandestinement sur les côtes italiennes depuis le début de l’année 2022. Et parmi ces candidats à l’émigration 443 personnes ont péri ou disparu. Face à cette recrudescence des départs, surtout l’été lorsque la météo est clémente, les autorités tunisiennes continuent d’intercepter des bateaux.