On ne connaîtra jamais son pays si on ne tente pas d’en faire le tour et dénicher ses sentiers et son potentiel naturel et culturel censé créer la surprise et inciter à s’y investir. Une échappée belle à Kairouan ne suffira certainement pas à la découverte de tous ses secrets.
Située à 30 km de Kairouan, équidistante de Haffouz, de Oueslatia et d’El Ala, Aïn Jloula est un véritable carrefour qui rayonne sur les villages avoisinants dont Ennahala, Zaghdoud, Dfifila et Ganzour, tous situés au milieu de montagnes où l’on aperçoit l’existence de banquettes de pierres qui forment des plis faisant office de petits barrages pour retenir la terre, l’eau, les engrais et les plantes.
L’entrée principale de Aïn Jloula est bordée de cyprès et d’eucalyptus. L’on aperçoit au loin quelques ruisseaux qui s’échappent de sources lointaines. De petites collines accidentées, mais paisibles, présentent un paysage sablonneux. Un peu plus loin, quelques parcelles de terre où des moutons paissent, des logements ruraux et des vallées qui rappellent le Far-West. Ali Abdellaoui, un agriculteur, nous explique que Aïn Jloula est une oasis dominée par des centaines d’hectares d’abricotiers, d’oliviers et d’agrumes : «En outre, cette délégation est entourée de montagnes verdoyantes toute l’année avec, notamment, l’existence d’une dense végétation composée essentiellement de lentisques, de romarin, de marrube, de thym et de câpres…», nous précise M. Abdellaoui.
Des fouilles illicites
A part cela, Aïn Jloula est riche en vestiges romains et byzantins qui s’étendent sur 40 ha et qui sont encore ensevelis. Et faute de gardiennage, certaines mosaïques apparentes dans les années 50 ont disparu. En effet, les chercheurs de trésors continuent, souvent, à procéder à des fouilles illicites des pièces archéologiques rares et précieuses. Ainsi, tous les moyens sont utilisés, dont l’encens pakistanais, le «louben dhkar», le mercure et le coq noir. Et aujourd’hui, on peut admirer les arcades, les baignoires, les pierres tombales et une partie d’un immense amphithéâtre romain.
A quelques encablures de Aïn Jloula, et plus précisément dans la localité de Ennahala, on peut admirer un grand bassin datant de l’époque hafside, qui est entouré de citernes pour stocker les eaux pluviales à des fins agricoles. Là, il existe des oliviers centenaires, des caroubiers, des figuiers et des vignes datant de l’époque hafside, et ce, grâce à un système d’irrigation révolutionnaire caractérisé par des aqueducs et des bassins. Lorsqu’on monte dans le village, on contourne des cols abrupts et pierreux où les sentiers arrivent à peine à se frayer un chemin entre des ghorfas dans des sites défiant l’imagination. Là, les habitants sont très attachés à leur lieu d’habitation ancestral et situé à 60 mètres d’altitude. Et bien que l’Etat ait construit des logements neufs, beaucoup de campagnards préfèrent continuer à vivre dans ces ghorfas, sans portes, ni fenêtres, et ce, pour s’occuper de leurs ruches d’abeilles et de leurs bétails.
Un potentiel éco-touristique riche
C’est pour toutes ces raisons que tous les Kairouanais espèrent que les hommes d’affaires et les investisseurs s’intéressent davantage aux délégations de Aïn Jloula et Oueslatia et développent le tourisme écologique avec l’édification de gîtes ruraux et des campements pour accueillir les touristes et surtout les spéléologues amateurs de grottes souterraines qui abritent des gravures rupestres de grande importance et qui sont à la portée de certains bergers qui ignorent la valeur historique et qui n’hésitent pas à les massacrer.
Espérons que les travaux de réalisation et d’aménagement d’un circuit touristique, qui contribuerait à mieux faire connaître la diversité du patrimoine archéologique de Aïn Jloula et de Oueslatia, ne tarderont pas à commencer, ce qui permettra de développer le tourisme culturel alternatif au tourisme de passage.
En somme, nous garderons de cette journée passée à Aïn Jloula l’inexprimable sentiment d’un miracle, quelque chose qui reste longtemps gravée dans la mémoire, sans que l’on sache au juste si c’est la beauté des sites historiques ou quelque chose de plus subtil encore qui donne envie comme à l’eau de source de revenir s’y abreuver.