Il ne faut pas se voiler la face : au vu de ce que le mouvement islamiste n’avait jamais cessé d’entrevoir et de proclamer, il n’y a pas forcément de cohérence, ni de fiabilité dans les arguments avancés chaque fois par ses principaux dirigeants. Encore moins un dénominateur commun qui pourrait les rapprocher de l’Ugtt, ou encore de toute action syndicale…
On dit que le silence est roi, qu’il est d’or, et pourtant on entend, dans un étrange brouhaha, les discours les plus mystifiants, les plus trompeurs. Quand on parle, c’est comme sans savoir ! Et si on sait, c’est surtout sans dire la vérité.
Il y a, en fait, de ces hommes politiques qui ne parviennent pas à prendre ni du recul, ni de la hauteur par rapport à ce qui se passe, notamment face aux différents retournements de situations qui leur font perdre le statut et les privilèges dont ils avaient longuement et excessivement bénéficié. On ne leur reconnaît pas, sinon très peu, dans leur carrière de «militants» un modèle d’engagement politique. La suite, tout comme les dépassements qui ont marqué la décennie noire de l’histoire de la Tunisie, ne leur donne aucunement raison. Et pourtant, ils continuent à persister dans le déni.
Une large majorité de ces hommes avait découvert l’action et le monde politique au lendemain de la révolution. Il y avait assurément beaucoup de raisons qui les poussaient à s’y investir sans retenue. Ils n’ont jamais élevé les débats. Ils n’ont jamais épargné le pays des polémiques…
On a beau nous suggérer qu’il n’y a plus aujourd’hui de paysage politique, mais c’est surtout de grands hommes politiques dont nous manquons cruellement. Il n’y a plus, ou presque, de leaders, de fédérateurs et par conséquent de bon sens, de programme et de vision. De discours ambitieux et donc de destin élevé. Au fil du temps, nous réalisons que l’étiquette ne correspond pas à la réalité. Qui a dit que Rached Ghannouchi, qui avait dominé en long et en large non seulement le paysage politique, mais aussi la direction et la gouvernance de tout le pays pendant plus de 11 ans, allait faire le va et vient à la Brigade antiterroriste d’El Aouina ?
Pas d’excuse au dérapage
Il y a assurément beaucoup de raisons qui font que le président du parti islamiste avance insensiblement aujourd’hui vers un sort, un destin, qu’il croyait inimaginables. Certains politiques, et naturellement parmi eux Ghannouchi, se considéraient plus forts que ce qu’ils ne le sont réellement. Pendant de longues années, que les Tunisiens croyaient interminables, ils se considéraient intouchables, favorisés et protégés. Ils n’avaient de souci que pour leurs propres intérêts et ceux de leurs partis. Ils n’avaient aussi de force et d’arguments que pour tromper les Tunisiens, polémiquer et occuper le devant de la scène. C’est ce qui les rendait, à leurs yeux, forts et attachants, mais au fond faibles et de plus en plus indésirables.
A aucun moment, ils étaient vraiment capables de participer à l’émergence d’une nouvelle ère. Par leurs discours, gestes ou autres attitudes, ils avaient participé au développement d’un certain malaise au sein du paysage politique. Lequel malaise s’est vite répercuté sur le quotidien des Tunisiens. Nous sommes conscients du fait qu’à un certain moment, le contexte politique, économique et social était devenu difficile à gérer, mais cela ne peut constituer une excuse aux dérapages et aux débordements de tous genres. Censés être porteurs d’images et de valeurs pour toute la société tunisienne, ils avaient tout simplement failli à la mission qui leur incombait.
Finalement, ce n’est point appartenir à une ère nouvelle que de rompre avec les mauvais réflexes, les mauvaises habitudes. La plupart de ceux qui ont conduit le pays là où il est aujourd’hui continuent à tenir et à produire des discours illusoires. Les dirigeants d’Ennahdha font les yeux doux à l’Ugtt et pensent pouvoir profiter du désaccord qui oppose les responsables de la centrale syndicale au Président de la République. Ils font semblant d’oublier qu’ils étaient de tout temps l’ennemi numéro un de l’action syndicale, qu’ils avaient recouru à tous les moyens, légitimes ou non, pour infiltrer l’Union des travailleurs et pour la déstabiliser.
En 2012, ils étaient derrière l’attaque perpétrée par les membres des Ligues de la protection de la révolution à la Place Mohamed-Ali et lors de laquelle beaucoup de syndicalistes ont été cruellement et atrocement agressés. En ce temps-là, les Tunisiens savaient pertinemment que ces Ligues, autoproclamées défenseurs de la révolution, agissaient sur ordre et instructions d’Ennahdha et de ses principaux lieutenants.
Il ne faut pas se voiler la face : au vu de ce que le mouvement islamiste n’avait jamais cessé d’entrevoir et de proclamer, il n’y a pas forcément de cohérence, ni de fiabilité dans les arguments avancés chaque fois par ses principaux dirigeants. Encore moins un dénominateur commun qui pourrait les rapprocher de l’Ugtt. En somme, point de thèse plausible, ni de données qui confirment la justesse de l’engagement dans lequel ils s’embarquent aujourd’hui.
Ce n’est qu’une façon bien particulière de faire du surplace. Tout simplement de la récupération politique. Pas plus…