Crédit photo : Abdelfattah BELAID
Au vu des derniers rebondissements et du discours rassembleur lancé par la Centrale syndicale, on peut éviter le pire. Car nul ne doute que cette éventuelle confrontation qui se profilait à l’horizon de la scène nationale ne profite en rien, ni à la centrale syndicale, ni au Président de la République et la première victime sera certainement le pays, déjà ébranlé par une crise inédite.
Maintenant que les dés sont jetés et que le Président de la République semble renforcer son projet politique pour la Tunisie et qu’aucun retour en arrière n’est possible, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) est devant le fait accompli. Ses positions exprimées le 1er mai ne font que confirmer ce constat et les déclarations de son secrétaire-général Noureddine Taboubi vont dans ce sens. L’Union syndicale doit composer avec l’actuelle donne politique largement maîtrisée par le projet du 25 juillet en dépit d’une opposition qui s’affaiblit jour après l’autre.
Mais pour l’UGTT, ce n’est pas monter patte blanche, d’autant plus que de grandes divergences l’opposent aux autorités notamment sur le plan social et syndical. Quoi qu’il en soit, ce que nous pouvons retenir des déclarations de Taboubi, c’est que l’Union tend toujours sa main au dialogue et qu’aucun retour à l’avant 25-juillet n’est envisagé.
D’ailleurs, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail a annoncé, lundi 1er mai 2023, que l’organisation syndicale présenterait son initiative au président de la République, en dépit de ses positions réfractaires. Si le contenu de cette initiative n’a pas encore été dévoilé, on sait déjà que les partis politiques ne sont pas pour le moment concernés. Baptisée sous l’appellation « la Tunisie de l’avenir », l’initiative, apprend-t-on, vise notamment à surmonter la crise sociale et économique dans le pays. D’ailleurs, elle marque un rapprochement entre l’UGTT et Carthage au sujet de la levée des subventions et le rôle social de l’État.
C’est dans ce contexte que le porte-parole et secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Sami Tahri, a estimé que la Tunisie a les moyens de sortir de sa crise multidimensionnelle.
Faisant référence à l’initiative de sauvetage que l’UGTT a initiée depuis janvier avec ses partenaires – l’Ordre national des avocats (Onat), la Ligue tunisienne de défense des droits de l’Homme (LTDH) et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) –, il a indiqué que la Tunisie disposait de compétences, de ressources, de programmes et de visions pour sortir le pays de l’ornière en dépit des difficultés.
Et la suite ?
Rappelons que l’UGTT a lancé, en janvier, une initiative de sauvetage avec trois partenaires nationaux : l’Ordre national des avocats, la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et le Forum tunisien des droits économiques et sociaux. Le nouveau Quartet essaye d’avancer en bon ordre en s’appuyant sur trois commissions, chacune chargée d’un volet des réformes : l’une politique, l’autre économique et la troisième sociale.
Mais entretemps, le Président de la République a fait la sourde oreille à cette initiative et ne fait qu’ignorer tous les appels lancés par l’UGTT pour adhérer à cette démarche. Pire encore, le Président de la République a à maintes reprises recadré les responsables de l’UGTT et notamment son implication dans la vie politique, refusant tout dialogue avec ceux qui ont nui au pays.
Quoi qu’il en soit, maintenant cette situation est révolue et il semble que les deux parties s’apprêtent à rouvrir une nouvelle page d’autant plus qu’une telle image conflictuelle ne profite en rien à quiconque.
Contact rompu ?
Sauf qu’actuellement la situation renvoie à la rupture de tout contact entre les deux parties. D’une part, les négociations entre l’Ugtt et le gouvernement sur les revendications sociales sont suspendues et d’autre part, les responsables de la centrale syndicale ont perdu tout contact avec le président de la République.
Cette tension qui a marqué la rupture des pourparlers entre les deux parties a connu son apogée lorsque le chef de l’Etat avait, en février dernier, expulsé la responsable de la plus importante confédération syndicale européenne, Esther Lynch. Une décision interprétée comme un pas de plus dans le bras de fer entre Kaïs Saïed et l’UGTT.
On se rappelle également lorsque Kais Saied s’était rendu à la caserne de l’Aouina où il a fustigé la grève du syndicat de Tunisie autoroutes, pointant du doigt les individus qui s’acharnent à bloquer les routes et les voies ferrées. Le Président de la République avait affirmé que «nul ne peut se prévaloir d’un quelconque motif ou argument pour commettre ces actes. Ces fauteurs ne doivent plus bénéficier de l’impunité».
Il faut dire que les prémices d’une telle rupture étaient palpables depuis plusieurs mois, lorsque les canaux de communication entre Kaïs Saïed et Noureddine Taboubi ont été coupés. Depuis, la centrale syndicale n’a pas cessé de hausser le ton et aurait fait usage de grèves ayant paralysé surtout le transport pour se faire entendre.
Mais au vu des derniers rebondissements et du discours rassembleur lancé par la Centrale syndicale, on peut éviter le pire. Car nul ne doute que cette éventuelle confrontation qui se profilait à l’horizon de la scène nationale ne profite en rien, ni à la centrale syndicale, ni au Président de la République et la première victime sera certainement le pays, déjà ébranlé par une crise inédite.