Le panarabisme ou le nationalisme arabe, une idée tant défendue par des leaders historiques comme Jamel Abdennasser et Hafez Al-Assad, était voué pourtant à l’échec à coup de divergence et de sabotage. La Syrie, un des symboles de cette idéologie, revient au-devant de la scène et avec son retour, l’espoir de revoir les pays arabes unis et constituer une force à l’échelle internationale renaît.
Le dernier Sommet de la Ligue Arabe confirme cette orientation vers un arabisme moderniste qui sait protéger son identité mais qui s’ouvre sur de nouveaux horizons, autre que l’hégémonie longtemps exercée par l’occident, et notamment les Etats-Unis. Sauf que nous sommes encore loin de ce rêve, et le chemin demeure long et périlleux.
En effet, le retour de la Syrie de Bachar al-Assad au sein de la Ligue arabe a dominé, récemment, l’agenda du sommet de Djeddah. Du reste, douze ans après en avoir été exclu pour sa répression du soulèvement syrien, le président Al-Assad a bien été accueilli chaleureusement par le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman.
Après des années d’isolement, Al-Assad a plaidé pour « une nouvelle phase » dans la coopération arabe devant ses pairs réunis dans la ville de Jeddah. Parmi les invités, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui a accusé certains pays de la région de « fermer les yeux » sur l’invasion russe.
Bachar al-Assad a participé vendredi 19 mai à son premier sommet de la Ligue arabe depuis plus d’une décennie, signant son retour sur la scène diplomatique arabe dont il avait été écarté au début de la guerre en Syrie. Il a également eu de nombreuses discussions bilatérales dont celle avec le Président Kais Saied.
Le chef de l’État s’est dit heureux de cette rencontre historique qui traduit les relations d’amitié entre les deux pays « contrairement à ce qu’avaient prétendu certains en tant qu’amis de la Syrie alors qu’ils ont participé à la souffrance du peuple syrien pendant des années ».
Il s’est félicité de la participation de la Syrie à cette session après son exclusion en 2011, et exprimé l’espoir que le pays recouvre son rayonnement et préserve son unité loin de toute ingérence étrangère.
« La Syrie et la Tunisie font toutes les deux face au courant obscurantiste, parce que ces deux pays partagent une valeur, celle de la pensée, de la conscience et de l’appartenance (…) Le peuple arabe en général n’a pas changé, mais la Tunisie est particulièrement importante parce qu’elle a été utilisée, ou montrée, comme une plate-forme du complot, non seulement contre la Syrie, mais contre la pensée arabe et l’appartenance arabe » a assuré, dans ce sens le président syrien.
La Tunisie, une pièce maîtresse ?
Le Président syrien dit vrai. La Tunisie, origine du printemps arabe, est au centre de l’attention diplomatique. Sans pouvoir économique, ni influence géopolitique, son poids diplomatique demeure indissociable de l’échiquier régional, notamment si on fait rappel au dossier migratoire.
Mais quel rôle peut jouer la Tunisie dans ce qu’on appelle le panarabisme moderniste ? La Tunisie préserve d’excellentes relations avec tous les pays arabes. Sa politique de non-alignement la distingue des autres nations et la propulse au-devant de la scène arabe. D’ailleurs, le Président de la République l’a confirmé durant ce sommet.
« Nous refusons d’être une nouvelle fois victimes d’un nouveau régime mondial dont nous ne participons pas à y mettre en place », a affirmé le Président de la République, Kais Saied.
Lors d’une allocution prononcée, au sommet arabe tenu à Djeddah, en Arabie Saoudite, Saied a ajouté que « le monde est aujourd’hui en train de se reconstituer, mais cela ne doit aucunement se faire aux dépens du monde arabe et des capacités de ses peuples ».
Le chef de l’Etat a, à cette occasion, plaidé pour un régime mondial fondé sur la justice sociale, l’équité, la stabilité et la paix sociale, appelant à œuvrer à éradiquer la pauvreté.
« De grands défis se dressent aujourd’hui devant les pays de la région dont, en premier lieu, la préservation des Etats et des institutions », a-t-il affirmé, mettant en garde contre « des tentatives de fragmenter la région et de comploter contre ses intérêts ».
« La Tunisie, a-t-il poursuivi, est attachée à ses principes, notamment l’indépendance de la décision nationale et la non-ingérence dans les affaires d’autrui, conformément à sa constitution. Le peuple Tunisien est également attaché à sa liberté et sa dignité », a-t-il ajouté.
De même, de par son emplacement géographique la Tunisie peut jouer un rôle important dans cette quête de panarabisme notamment en ce qui concerne les crises et les tensions qui secouent le Maghreb arabe.
Une illusion ?
Le panarabisme, ce mouvement politique et culturel qui promeut l’unité et la solidarité entre les peuples arabes, trouve-t-il une place aujourd’hui dans ce monde en mutation ?
L’idéologie du panarabisme a émergé au début du XXe siècle, à une époque où les peuples arabes étaient sous le joug de l’Empire ottoman. Les nationalistes arabes ont commencé à prôner l’indépendance et l’unité des Arabes, basant leur revendication sur des liens historiques, culturels, linguistiques et religieux communs.
De nos jours, plusieurs éléments ont contribué à la diminution de l’influence du panarabisme. Les identités nationales ont été renforcées dans de nombreux pays arabes, avec une focalisation accrue sur les intérêts et les priorités nationales plutôt que sur une identité arabe commune. Les divisions politiques, religieuses et ethniques ont également joué un rôle dans l’affaiblissement de l’unité arabe.
En tout cas, il est plus réaliste de s’attendre à des formes de coopération régionale sélectives et pragmatiques entre les pays arabes plutôt qu’à un retour du panarabisme dans sa forme traditionnelle.