L’Etat est appelé à mettre en place une stratégie différente en matière de promotion de l’huile d’olive sur le marché local. Cela peut se faire en organisant la filière exportation et une autre réservée à la consommation locale avec un volet social.
Le Chef de l’Etat a ouvert, récemment, un autre grand dossier, celui des prix de l’huile d’olive. Kaïs Saïed a exprimé son étonnement et dit ne pas comprendre la hausse vertigineuse des prix de l’huile d’olive, et a donné des instructions fermes pour lutter contre les pratiques spéculatives et monopolistiques.
La Tunisie a toujours été l’un des premiers producteurs et exportateurs de cette huile appréciée et convoitée à l’échelle mondiale. Pourvoyeur de devises, l’or liquide est essentiellement exporté.
De fait, la consommation locale a été fortement pénalisée par des prix hors de portée pour la plupart des bourses moyennes. Quant aux petits revenus, l’huile d’olive est devenue pour eux un produit de luxe.
Recul de la production mondiale
Alors que les huileries tournent à plein régime pour recueillir le précieux liquide, principale richesse agricole de notre pays, les spéculations vont bon train, non seulement en Tunisie, mais également ailleurs.
La sécheresse qui a sévi cet été dans les principaux pays producteurs augure une flambée de prix sur le marché mondial et local. Il est à préciser qu’à l’instar des cours du pétrole, le prix de l’huile de l’olive est fixé par les marchés internationaux, selon l’offre et la demande mondiale.
Et comme les estimations tablent sur une régression de la production mondiale — elle s’établirait à 2,5 millions de tonnes (-26 % par rapport à la saison dernière) —, l’explosion des cours sur le marché mondial paraît inévitable.
En Tunisie, les prix ont pris une tournure inflationniste, dans la mesure où ils augmentent jours après l’autre.
Contacté, l’Observatoire national de l’agriculture fait état d’une hausse de la moyenne du prix de l’huile d’olive de 60,2% l’année dernière, atteignant 17,59 dinars par kilogramme, par rapport à une moyenne d’environ 10,98 dinars la saison précédente, rapporte l’agence TAP.
Selon la même source, les exportations d’huile d’olive, au cours de la saison 2022/2023, ont atteint un volume de 194,6 mille tonnes, enregistrant une baisse de 3,5 % par rapport à la saison 2021/2022. Cependant, la valeur des exportations a augmenté pour atteindre 3422,4 millions de dinars, représentant une augmentation de 54,7 %.
Dans des déclarations médiatiques, le directeur général de l’Office de l’huile d’olive, Hamed Deli, a assuré que, bientôt, le litre de l’huile d’olive sera disponible à des «prix raisonnables» dans les centres régionaux de l’office. De fait, un plan d’action est en cours de préparation avec les intervenants du secteur. «Dans les pressoirs, les prix se situent actuellement entre 21 et 22 dinars», a-t-il cependant précisé.
2,45 litres par habitant et par an !
Une simple consultation des enseignes de la grande distribution permet de voir que ces prix sont largement supérieurs. Le litre est proposé à 20, 25, voire 30 dinars pour certaines marques. Pour expliquer cette situation, l’Observatoire national de l’agriculture rappelle que les prix de l’huile d’olive conditionnée sont libres. L’Office national de l’huile fixe à chaque début de campagne un prix minimum d’achat en vrac selon la qualité. Les prix sur le marché local varient ensuite en fonction de l’offre et de la demande.
Or en Tunisie, la majeure partie de la production nationale est destinée à l’exportation.
De fait, les quantités restantes ne couvrent pas la demande locale, ce qui explique en partie la hausse des prix.
De même, l’analyse de la structure des coûts de production fait apparaître une forte augmentation des frais de culture, de cueillette, de transport, d’extraction, de conditionnement, de main-d’œuvre en général et autres.
L’expert en politique agricole Faouzi Zayani fait remarquer que cette situation marquée par une hausse vertigineuse des prix impacte lourdement le marché local qui demeure toujours faible. Il rappelle que la consommation nationale est estimée à 35.000 tonnes par an, soit 2,45 litres par habitant par an. C’est très peu ! Et d’ajouter que le reste de la production est destinée à l’exportation. «L’Etat est appelé à mettre en place une stratégie différente en matière de promotion de l’huile d’olive sur le marché local. Cela peut se faire en organisant la filière exportation et une autre réservée à la consommation locale avec un volet social», explique-t-il à La Presse.
Production en hausse
Pour cette année, la récolte s’annonce bonne, malgré la forte sécheresse. La production d’olives s’est établie à 1 million de tonnes pour la saison 2023-2024, engendrant une production de 200 mille tonnes d’huile d’olive, en hausse de 11% par rapport à la saison précédente.
En Tunisie, l’huile d’olive (et dérivés) reste l’une des branches stratégiques de l’économie nationale, en raison de ses dimensions économiques et sociales.
Outre, les devises qu’il génère à partir des exportations, ce secteur est pourvoyeur d’emplois et procure plus de 40 millions de journées de travail par an de façon permanente ou occasionnelle et à des effets d’entraînement sur d’autres secteurs productifs.
Les superficies des oliviers couvrent en Tunisie les deux tiers des terres agricoles, soit l’équivalent de 1.6 million d’ha, et comptent 60 millions de pieds d’oliviers.
Ce qui confère à la Tunisie, un rang mondial au niveau des plantations. Malheureusement, l’absence de stratégie pour promouvoir sa consommation à l’échelle locale a poussé les Tunisiens à changer d’habitude, en se rabattant sur des huiles importées moins savoureuses, moins bénéfiques et moins chères aussi.
Montygo
23 novembre 2023 à 07:45
Il n’y a pas que le revenu engendré par l’exportation qui explique la cherté de notre huile d’olive, le coût journalier d’une main d’œuvre (certes temporaire) et l’augmentation vertigineuse de l’utilisation par les agriculteurs des pressoirs au kilo ont une part non négligeable dans le coût de production.
Par ailleurs, et comme pour beaucoup de produits alimentaires, on ajoutera l’engouement que l’on constate dans certains « monopoles de contrôle et de distribution » de pratiquer une spéculation effrénée et une thésaurisation quasi délictuelle de l’offre en fonction de la demande.
Voilà où est le mal. Si les agriculteurs se groupaient en sorte de coopératives ou « groupement d’intérêt » provisoires pour louer des équipements permettant de « secouer » les oliviers pour permettre une collecte rapide tout en réduisant les délais et coûts de main d’œuvre et des « pressoirs mobiles » pour extraire de l’huile d’olive à moindre frais, ils « mettraient à mal » toutes les manigances des speculateurs d’occasion, en fait tous les « magouilleurs » du secteur de l’huile d’olive. L’union fait la force, dit le proverbe, que les agriculteurs en prenne de la graine, si j’ose dire..