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Cinéma palestinien: Des pionniers aux cinéastes de la diaspora

Après la Nakba de 1948, plusieurs cinéastes palestiniens ont trouvé refuge dans des pays voisins comme la Jordanie, la Syrie ou le Liban. D’autres ont choisi de s’installer en Europe ou encore aux États-Unis. Les premiers, confrontés à des problèmes de financement, ont eu des difficultés à produire des films dans les pays d’accueil. En effet, les producteurs préfèrent financer des films leur assurant des revenus importants lors de leur sortie en salles. La cause palestinienne n’est pas un sujet glamour dès lors que ces films abordent le conflit israélo-palestinien en adoptant souvent une démarche documentaire.

Les cinéastes ayant choisi de s’exiler en Occident se sont orientés vers un langage cinématographique axé sur des narrations de genre et donc une approche moins directe où les opérations militaires sont quasi-absentes, par conséquent avec moins de balles et de sang. Un cinéma qui paraît beaucoup plus influent et admis par un large public. Le nombre de réfugiés ayant pris de l’ampleur, l’asile et l’exil sont devenus des éléments majeurs du cinéma de la diaspora palestinienne.

A partit de 1965, le cinéma palestinien, ou encore «le cinéma de la révolution palestinienne», était produit par la Palestine Film Unit sous l’égide de Fatah. La plupart de la production étaient constituées de documentaires sur la lutte de libération palestinienne réalisés par des cinéastes exilés dans les pays arabes. Parmi les films les plus marquants : «Non à la solution défaitiste» «(1968) de Salah Abou Hanoud, Hani Jawharia, Mustapha Abou Ali et Sulafa Jadallah et « De toute mon âme avec mon sang» (1971) et «Il n’existe pas» (1974) de Mustapha Abou Ali. Par ailleurs, ce dernier a travaillé la même année sur le film «Ici et Ailleurs» de Jean-Luc Godard.

Plus de 500 films ont constitué le catalogue du cinéma palestinien. Ces films ont abordé des thèmes liés au combat armé, la résistance, à la vie tragique des réfugiés dans les camps des réfugiés et au droit du retour à la terre palestinienne. Mais, malgré son importance, cette production est passée de mode et a fini par lasser les spectateurs. Depuis les années 1990, le cinéma palestinien a pris un autre tournant et s’est imposé sur la scène internationale avec de nouveaux cinéastes et de nouveaux points de vue.

La Palestine autrement

Parmi les cinéastes ayant pu s’imposer et donner un autre regard à la cause palestinienne, il y a ceux qui ont choisi de s’exiler en Occident où ils ont étudié le cinéma et par la suite réalisé leur projet de film.

Michel Khleifi, originaire de Nazareth, est l’un des premiers réalisateurs de la diaspora ayant produit en tant qui indépendant ses films. C’est à Bruxelles (Belgique) qu’il a fait des études de théâtre puis s’est lancé dans le cinéma. «Mémoire fertile» (1980) est un documentaire sur la Cisjordanie sous occupation israélienne. «Noces en Galilée» (1987) est un témoignage sur l’impossibilité de communiquer entre occupants et occupés sur la terre de Palestine. «Cantiques de pierre» (1990) met en scène les retrouvailles de deux Palestiniens : elle, originaire de Galilée, et lui, de Cisjordanie, que les événements de l’Histoire ont séparé. «Zindeeq» (2009) est en quelque sorte un film autobiographique sur le retour à Nazareth d’un cinéaste doté d’un passeport européen qui doit enterrer son oncle.

Dans ses films, Michel Khleifi adopte une démarche cinématographique où la narration se base sur la dualité des situations et des personnages que tout oppose. Le réalisateur pose un regard croisé sur un conflit complexe où la caméra est au plus près des personnages et leur désir non pas de s’affronter mais de se rapprocher pour vivre ensemble en paix.

Rashid Masharawi, Palestinien de Gaza, résident en Tunisie, s’est fait connaître avec des films comme «Couvre-feu» (1994), portrait d’une famille de la bande de Gaza enfermée dans sa maison à l’heure du couvre-feu imposé par les autorités israéliennes. «Haifa» (1996) décrit la vie d’une famille à l’intérieur d’un camp de réfugiés palestiniens où la confusion règne après la signature des accords d’Oslo en 1993. «Un ticket pour Jérusalem» (2002) à Ramallah, un projectionniste met sur pied un cinéma itinérant pour le bonheur des petits et grands pendant que des tensions montent entre les deux autorités et «L’anniversaire de Leila» (2008) : en attendant de trouver un boulot, un juge travaille comme chauffeur de taxi et assiste, le jour de l’anniversaire de sa fille, à toutes sortes d’imprévus liés à la corruption et à la désorganisation de la société palestinienne. 

Cinéaste itinérant ayant vécu dans plusieurs pays arabes et européens, Rashid Masharawi pose un regard apaisé en apparence voire moqueur sur ce semblant processus de paix où l’occupant impose toujours sa loi face à la nonchalance de l’autorité Palestinienne. Ses films sont des chroniques du quotidien qui montrent au plus près les difficultés des familles palestiniennes à s’adapter à un environnement marqué par l’oppression imposé par l’adversaire.

Le romanesque et le social

Elia Suleiman, réalisateur palestinien né à Nazareth et installé à New York (Etats Unis), se distingue par un style tragi-comique provocateur. Avec son faciès à la Buster Keaton, il incarne lui-même le personnage central de ses films. L’acteur interprète un personnage peu loquace mais qui exprime, avec son visage et son attitude, toute la stupéfaction sur des situations absurdes dans une Palestine occupée. Depuis «Chronique d’une disparition» (1996), «Intervention divine» (2002) représente un tournant dans le cinéma palestinien. Le film raconte une histoire d’amour sous l’occupation entre un homme vivant à Jérusalem et une femme de Ramallah. La situation politique rend leur rencontre difficile en raison des checkpoints. Le film se caractérise par sa rigueur technique et sa poésie. «Le temps qu’il reste» (2009) est une comédie noire sur la cause palestinienne. Sans armes, ni effusion de sang, il réalise un film romanesque où se mêlent l’épique et l’intime.   

Un autre cinéaste majeur, Hany Abu-Assad palestino-néerlandais, s’est distingué avec des films qui tentent de cerner le conflit israélo-palestinien de manière plus frontale en adoptant un style cinématographique axé sur l’action. Dans «Paradise Now» (2005), il donne à voir comment deux jeunes gens décident de perpétrer un attentat à Tel-Aviv. Tandis que dans « Omar» (2013), le héros risque sa vie en franchissant les barrières de séparation pour retrouver la femme qu’il aime. Mais les forces d’occupation l’arrêtent et sa vie prend un autre tournant.    En conclusion, le cinéma palestinien s’est affranchi du style direct utilisé dans les documentaires et les reportages télévisés et a fait preuve d’ouverture sur d’autres formes et pratiques cinématographiques plus évoluées et des récits qui mélangent l’intime et le politique, le romanesque et le social.

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