La violence à l’égard des enfants fait partie des crimes qui continuent à être perpétrés au nom de «la bonne éducation» : une éducation rétrograde, en réalité, agressive et irrespectueuse aussi bien pour l’intégrité morale et corporelle de l’enfant que pour la Loi.
Ce phénomène social fait l’objet de grands débats et de réflexions sur les moyens à même d’y faire face. L’information sur les droits de l’enfant et sur les éventuelles pénalités que risquent d’encourir les réfractaires, la sensibilisation sur l’impact redoutable de la violence sur la santé psychologique et physique de l’enfant, à court, moyen et long terme et l’initiation des tuteurs, soit les parents et les professionnels chargés de l’enfance, constituent les principaux fronts d’un combat, certes de longue haleine, mais qui finira, forcément, par donner ses fruits.
«Il grandira et n’oubliera jamais»
Il faut dire que la 34e célébration de la journée internationale des droits de l’enfant, ayant pour slogan : «à chaque enfant ses pleins droits» qui coïncide avec le mois de l’enfance, a mis les responsables chargés de l’enfance face à un défi majeur : l’impératif d’imposer le respect de l’enfant et de ses droits en tant qu’être humain vulnérable qui nécessite d’être protégé et accompagné dans son parcours de développement. Pour ce, commencer par résoudre les problèmes relatifs à l’enfance et sauver cette dernière du spectre de la violence et de la violation de son intégrité constituent le maillon fort de la Cause. Lors d’une conférence organisée récemment par le ministère de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Personnes agées, une multitude d’actions ont été annoncées dans le but de lutter efficacement contre la violence infligée aux enfants.
En effet, le mois de l’enfance démarre avec une Campagne nationale de communication et de sensibilisation sur la violence à l’égard de l’enfant ayant pour slogan : «il grandit et n’oubliera jamais». Organisée en collaboration avec l’Unicef, pour s’étaler sur toute l’année 2024, cette campagne vise à rompre avec la banalisation de la punition corporelle et de la violence verbale dont les répercussions sont effroyables sur la psychologie de l’enfant.
Il y aura des spots médiatisés, réalisés avec la participation de footballeurs et d’artistes de renom, des activités et manifestations tout au long de l’année dans les espaces de proximité, en l’occurrence les délégations régionales, les espaces culturels, les maisons des jeunes, les lycées ; tout en passant par l’affichage urbain.
Ainsi, le message sera transmis à coup sûr. «Nous ambitionnons de sensibiliser un million d’enfants et deux millions d’adultes», indique M. Samir Ben Mariem, directeur général de l’enfance, à La Presse. Notons que les enfants seront sensibilisés aussi sur la dangerosité de la violence dans le milieu scolaire.
81% des enfants ont subi des actes de violence !
Etre victime de violence tout comme en être l’auteur, voilà ce qui risquerait de nuire à l’enfant, à vie ! La montée de la violence dans le vécu et dans le quotidien des enfants justifie amplement l’inquiétude des spécialistes. L’état des lieux semble alarmant. «Les dernières statistiques montrent que 81% des enfants tunisiens ont subi, en 2022, des actes de violence dont 22,6%, des violences intenses. D’un autre côté, 50% des signalements sur l’enfance sont axés sur la violence», recense Ben Mariem. Toujours selon les mêmes données, poursuit-il, «nous recensons 2981 enfants victimes de violence psychologique, 2877 victimes de violence corporelle, 1242 enfants victimes de violence sexuelle. A l’espace réel s’ajoutent les actes de violence véhiculés dans l’espace virtuel. Ainsi, 44% des adolescents avouent être victimes—sinon—témoins de violence dans le monde numérique.
Aussi, est-il important de lutter contre la cyber-violence, en misant sur la protection des enfants mais aussi en faisant face à la mentalité soutenant la violence comme moyen d’éducation».
Pour une parentalité positive
Nul ne doute du rôle des parents dans l’éducation de leurs progénitures. C’est en sachant maîtriser la situation, établir la communication avec leurs enfants et en évitant tout acte susceptible de semer, chez les adultes de demain, les mauvaises graines de la violence et de l’agressivité, que les parents et les éducateurs parviendront à accomplir leur mission éducative. Pour certains, les principes précités relèvent de l’utopie ! C’est pour cette raison que le ministère de tutelle avait établi, en 2018, le Programme de la parentalité positive : lequel représente une composante fondamentale de la stratégie nationale de l’enfance 2018-2027.
L’expérience avait misé, d’abord, sur quatre régions-pilotes à savoir Tunis, Médenine, Jendouba et Kairouan. «Cette année, nous comptons 27 sites. L’objectif escompté étant d’orienter les parents vers les bonnes pratiques en matière d’éducation en luttant, parallèlement, contre les comportements à risque, de renforcer leurs capacités via des sessions de formation, des travaux de groupes, des journées de débats et d’échange d’information», renchérit le directeur général de l’enfance en insistant sur l’implication des pères dans ce programme.
Signaler pour changer
Par ailleurs, les résultats d’une étude sur le châtiment corporel infligé à l’enfant ne tarderont pas à être avancés. Cette étude a pour assise la perception de bon nombre de Tunisiens de la violence physique comme moyen de punition et d’éducation. Outre l’information, la sensibilisation sur les droits de l’enfant et les répercussions de la violence, les spécialistes orientent les parents et les professionnels de l’enfance vers les méthodes alternatives de punition.
Les Tunisiens doivent prendre conscience de la gravité de la violence à l’égard des enfants, la dénoncer et signaler sans hésitation les éventuels cas en appelant le numéro vert «1809». Ce numéro sera désormais disponible 24h sur 24, sept jours sur sept. Encore faut-il rappeler que le rôle des délégués de l’enfance est capital dans la lutte pour la protection de l’enfant de toute offense. Aussi, le ministère de tutelle étoffera-t-il l’équipe des délégués de l’enfance via quarante nouveaux recrutements.
Pour sa part, l’Observatoire de l’information, de la formation, de la documentation et des études sur la protection des droits de l’enfant s’engage à former des formateurs pour diffuser la culture des droits de l’enfant et animer des séances de sensibilisation sur la lutte contre la violence dans le milieu scolaire, et ce, dans le cadre du mois de l’enfance.