L’éducation est un sujet politique dans de nombreux pays. Le point de départ de ces débats, souvent houleux, est l’incontournable programme Pisa qui vient de publier les résultats de sa dernière enquête, le 5 décembre 2023.
Notre pays a entamé une «Istichara» au sujet de l’éducation et il a bien fait. Cette consultation sur la réforme du système de l’éducation et de l’enseignement a pour principal objectif de mettre en place une réforme globale du système éducatif national. Réforme qui doit englober l’ensemble des cycles, du préscolaire au supérieur, en passant par la formation professionnelle. Elle a pris fin le 15 décembre et recueilli les propositions et avis de quelque 600 mille participants.
Depuis le début des années 2000, les pays avancés sur le plan économique et technologique ont entrepris de mesurer les apprentissages de leurs élèves par des tests internationaux. Les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde) participent à ces tests appelés Pisa, Pirls ou Timss, réalisés en même temps dans plusieurs dizaines de pays dans les cinq continents. Comme on va le voir, la mesure des apprentissages est essentielle car elle permet de mesurer la performance du système éducatif. L’école vise d’abord à apprendre les connaissances fondamentales aux enfants : le calcul, la lecture, la compréhension des textes, l’écriture… des savoirs fondamentaux sans lesquels il est impossible d’aller plus loin. Les tests cités ci-dessus servent à mesurer combien d’élèves par exemple ont appris à lire et à écrire ; combien savent ou ne savent pas calculer… Si le résultat n’est pas probant, c’est qu’il y a quelque chose de fondamental qui ne va pas.
Actuellement, l’éducation est un sujet politique dans de nombreux pays. Le point de départ de ces débats, souvent houleux, est l’incontournable programme Pisa (Programme for International Student Assessment) qui vient de publier les résultats de sa dernière enquête, le 5 décembre 2023.
Cette enquête internationale sur les compétences des élèves de 15 ans environ, réalisée presque tous les 3 ans par l’Ocde a été effectuée en 2022.
La Tunisie dans tout ça ?
Sur le plan national, autant le dire d’emblée, la Tunisie s’était retirée sur la pointe des pieds de Pisa, compte tenu de ses classements précédents totalement catastrophiques. Si les élèves tunisiens ne figurent donc nulle part, c’est tout simplement parce qu’ils sont hors classement. Pour avoir une idée, dans sa dernière participation à l’enquête Pisa, dont les résultats avaient été publiés le 6 décembre 2016, la Tunisie s’est classée 65e sur les 70 pays candidats. Cancre de la classe, notre pays a préféré se retirer, ne rien voir, plutôt que participer et réformer. Et instaurer ses propres mesures des apprentissages.
Dans les autres pays qui participent régulièrement à ces enquêtes, depuis le 5 décembre, date de la publication donc des résultats, les débats, voire les polémiques, ne se sont pas calmés à ce jour. Le classement ayant révélé une baisse générale du niveau des élèves des pays de l’Ocde, spécialement en maths. Avec une mention spéciale pour la France et l’Allemagne qui subissent un recul plus important que d’autres pays comparables.
Le Programme international de l’Ocde pour le suivi des acquis des élèves, ou encore Pisa, évalue particulièrement les élèves de 15 ans. C’est-à-dire proches de la fin de leur scolarité obligatoire. Le Pisa 2022 évalue la lecture, les sciences et, comme matière principale, les mathématiques. Pour quelle raison ? Pisa considère qu’un élève compétent en mathématiques est en mesure de « raisonner mathématiquement pour résoudre des problèmes complexes de la vie réelle et trouver des solutions en formulant, en employant et en interprétant les mathématiques ».
Singapour, premier de la classe
Un échantillon de 690.000 élèves ont passé l’évaluation en 2022, ce qui représente environ 29 millions d’élèves de 15 ans, scolarisés dans les écoles des 81 pays et économies. Voilà ce qu’il en ressort : Singapour a obtenu des résultats nettement supérieurs à tous les autres candidats en mathématiques avec le score à faire pâlir de jalousie (575 points).
Dans 16 des 81 pays/économies participant au Pisa 2022, plus de 10 % des élèves ont atteint le niveau 5 ou 6, ce qui signifie qu’ils sont très performants. En revanche, moins de 5 % des étudiants ont obtenu de bons résultats dans 42 pays/économies. L’Etat insulaire, Singapour, a obtenu également des résultats nettement supérieurs à tous les autres pays/économies, en lecture (543 points) et en sciences (561 points).
Le Pisa 2022 révèle cependant que la moyenne de l’Ocde a chuté de près de 15 points en mathématiques et d’environ 10 points en lecture par rapport au Pisa 2018. Par contre, les performances moyennes en sciences sont restées stables. Les baisses sans précédent en mathématiques et en lecture témoignent de l’effet de choc du Covid-19 sur la plupart des pays, analysent les auteurs du rapport Pisa. Pour ce qui concerne les tendances des résultats, Pisa révèle donc un déclin sur plusieurs décennies qui a commencé bien avant la pandémie.
La qualité de l’enseignement mise en cause
Quatre pays et économies s’en sortent haut la main sur l’ensemble des matières et résistent à cette tendance de déclin général et à long terme. A l’instar de la Colombie, de Macao (Chine), du Pérou et du Qatar. Leurs résultats se sont améliorés en moyenne dans les trois matières, sciences, mathématiques, lecture, pendant toute la durée de leur participation au programme Pisa.
Egalement il a été prouvé que les élèves socio-économiquement favorisés ont obtenu en mathématiques 93 points de plus que les élèves défavorisés dans les pays de l’Ocde. Les garçons ont devancé les filles de 9 points en mathématiques et les filles ont devancé les garçons en lecture de 24 points en moyenne, toujours dans les pays de l’Ocde. En sciences, la différence de performance entre les garçons et les filles n’est pas significative.
Pour ce qui est des élèves non immigrés, ils ont obtenu 29 points de plus que les élèves immigrés en mathématiques, en moyenne dans les pays de l’Ocde, mais les élèves non immigrés n’ont obtenu que 5 points de plus que les élèves immigrés, une fois pris en compte le statut socioéconomique et la langue parlée à la maison.
Pourquoi ces pays, dont certains sont à la pointe du développement, ont-ils été littéralement secoués par cette baisse de niveau général de leurs élèves ? Voici quelques déductions qui font désormais consensus ; l’éducation est un investissement directement productif. Pour un Etat, consacrer de l’argent, des efforts, de l’énergie, mène toujours vers une amélioration de la situation générale du pays, quel qu’il soit. A une seule condition, l’efficacité des dépenses. Dans les années 1960, en Tunisie, l’objectif était la massification de l’enseignement, sa généralisation. Aujourd’hui, c’est désormais la qualité de l’enseignement qui est en jeu et qui doit être l’objectif. Les réformes à la lumière de la consultation nationale, mais également des résultats Pisa, doivent être minutieusement étudiées, et leur efficacité prouvée, avant de les mettre en place. Ce n’est rien de moins que l’avenir de la nation qui est en jeu.