Au foyer ou au travail, la femme rurale a toujours du mal à gérer son quotidien, se trouvant parfois contrainte de faire des concessions pouvant nuire à sa stabilité sociale et économique. Ainsi, préserver son gagne-pain pour le bonheur de toute sa famille peut, dans la majorité des cas, passer en premier lieu. Travail oblige, avec ses risques et périls.
Sur un total de 390.000 habitants en milieu rural, 197.000 sont des femmes dont la plupart sont privées de leurs droits fondamentaux et ne bénéficient ni de sécurité, ni d’assistance sociale, ni du droit à la retraite, ni à un salaire décent.
Un préjudice moral et physique
Etant un grand réservoir de main-d’œuvre bon marché pour les propriétaires terriens, les femmes sont contraintes d’être au four et au moulin aussi bien au foyer avec les exigences de l’époux et des enfants que dans les champs agricoles où elles subissent les caprices et les diktats de leurs employeurs et où elles sont exposées aux différents risques. Cela sans oublier le fait d’aller chercher l’eau, couper le bois, abreuver les vaches, contrôler les poulaillers, préparer la tabouna et laver le linge.
Ainsi, ces femmes âgées entre 17 et 75 ans se déplacent quotidiennement dans des camionnettes, entassées les unes sur les autres, pour aller effectuer diverses tâches pénibles (sarclage, plantation, récolte, cueillette, moisson, battage, etc.), et ce, pour un salaire de misère (entre 10 et 15D pour une journée de dur labeur de 7h00 à 16h00).
Il va sans dire que ces conditions de transport non sécurisé portent un préjudice moral, mais aussi physique aux femmes dont le travail est sous-évalué. D’ailleurs, on a enregistré au cours des dernières années un grand nombre d’accidents provoqués par des chauffeurs pressés et empruntant des pistes non contrôlées par les agents de la Garde nationale… D’où le nombre de décès de travailleuses agricoles et des blessures handicapantes à vie qui augmentent de jour en jour. Cela face à l’indifférence des employeurs qui se contentent, en général, de payer les premiers soins aux services des urgences, puis vont à la recherche d’autres saisonnières.
Appliquer l’arsenal juridique
Cyrine Jaballah, une ouvrière qui a été fracturée du bras et de la hanche, nous précise que, depuis l’accident, survenu sur la route entre Dhibet et Traza (délégation d’El Ala), et qui était dû à l’excès de vitesse, elle a dû subir deux interventions chirurgicales très coûteuses sans que son employeur daigne l’aider financièrement : «Franchement, il faudrait que l’Etat pense à appliquer tout l’arsenal juridique et la batterie de lois en faveur de la femme, ce qui permettra désormais d’indemniser les travailleuses agricoles. Cela mettra fin au calvaire des accidents de la route devenus très fréquents… Malgré sa grande contribution au secteur agricole et dans la sécurité alimentaire, la femme rurale fait face à beaucoup de discrimination…», déplore avec amertume Cyrine, âgée de 28 ans.
M. Radhouane Fatnassi, membre de la section régionale de la Ligue tunisienne des Droits de l’homme à Kairouan, nous précise que 62% de la main-d’œuvre exerçant dans le secteur agricole sont des femmes et 3.890 sont des hommes : «En outre, 90% de ces femmes n’ont aucune assurance ni sécurité sociale. Seules 10% d’entre elles en bénéficient puisqu’elles travaillent dans des mutuelles et des sociétés de développement agricole…», ajoute-t-il.
N’oublions, par ailleurs, la stratégie nationale 2017-2020 pour l’autonomisation économique et sociale des femmes rurales, afin qu’elles puissent accéder au financement et à la commercialisation de leurs productions, ainsi que le projet qui vise l’amélioration des conditions de transport, en élargissant les zones d’activité autorisées aux moyens de transport privés comme les taxis collectifs.
Espérons la concrétisation de tous les programmes, afin que la femme rurale ait un meilleur avenir pour le bien de tout le pays.