L’aéroport Tunis-Carthage est l’un des pires aéroports au monde. C’est ce que dit un dernier classement massivement relayé par les internautes sur les réseaux sociaux. Le site «Air Help» a publié la liste des meilleurs aéroports pour l’année 2024, l’aéroport tunisien est le dernier du peloton. Quelle est la réalité de ce classement et qui est à l’origine de sa publication ? On vous dit tout.
L’aéroport Tunis-Carthage est l’un des pires aéroports au monde. C’est ce que dit un dernier classement massivement relayé par les internautes sur les réseaux sociaux. En effet, le site «Air Help» a publié la liste des meilleurs aéroports pour l’année 2024, avec en tête l’aéroport international Hamad à Doha, au Qatar. Dans le top 3, l’aéroport de Doha est suivi de Cape Town en Afrique du Sud et de Nagoya Chubu au Japon.
En revanche, l’aéroport Tunis-Carthage a été classé à la 239e et dernière place dans ce classement avec une note de 5,35 sur 10. Ce classement tient compte des services offerts à l’aéroport, s’appuyant sur les témoignages de voyageurs en provenance de 64 pays différents.
En vérité, ce classement ne reflète pas la réalité des choses dans la mesure où plusieurs éléments sont à prendre en considération. Premièrement, ce site n’a pas vocation première à classer les aéroports dans le monde, mais il s’agit plutôt d’une plateforme commerciale de dédommagement des voyageurs en cas de perturbation de vols. Air Help relève de l’Association des défenseurs des droits des passagers (Apra), qui a pour mission de promouvoir et de protéger les droits des passagers. En effet, Air Help est une entreprise spécialisée dans la récupération des indemnités de dédommagement aériennes en Europe. Les services de la société sont destinés à responsabiliser les voyageurs pour qu’ils connaissent et fassent respecter leurs droits.
Le pire des meilleurs ?!
En octobre 2015, la société a publié, pour la première fois, un classement mondial des compagnies aériennes, en fonction de la qualité de leur service, de leur ponctualité et de l’efficacité de leur service client. Depuis, la plateforme publie annuellement ce genre de classement qui ne se base pas sur des indicateurs précis ou sur des inspections d’experts, mais plutôt sur les avis des voyageurs. D’ailleurs, pour réaliser ce classement, 17.550 personnes ont répondu aux questions. 239 aéroports ont été examinés à la loupe dans seulement 69 pays, dont la Tunisie. Donc de fait, ce classement a porté seulement sur les aéroports qui connaissent le plus de trafic à l’échelle mondiale et à en croire ces données, l’aéroport Tunis-Carthage s’avère être le pire des meilleurs, (excusez l’oxymore), et plus importants aéroports dans le monde. A titre d’indication, l’Airports Council International World réalise fréquemment des classements à partir des données recueillies auprès de plus de 2.600 aéroports mondiaux, répartis dans plus de 180 pays et territoires à travers le monde, pour classer les aéroports connaissant les plus grands trafics dans le monde.
Indépendamment des données du classement qui peuvent induire en erreur l’opinion publique, l’aéroport Tunis-Carthage ne jouit pas d’une bonne réputation. En effet, il souffre d’une image entachée par le rendement de la compagnie Tunisair qui, ces dernières années, a nettement reculé, de par la qualité des services proposés, des installations et des équipements.
Toute pression supplémentaire va impacter davantage la qualité des services
Pour les experts, ce n’est pas seulement une question de moyens. La qualité des services dans un aéroport est cruciale pour garantir une expérience positive et fluide au passager. Un aéroport en mauvais état, en termes de qualité de services, peut engendrer de la frustration, des retards et une perception négative chez les voyageurs. Habib Ben Slama, expert en transport aérien et en tourisme, est du même avis. Pour lui, redorer l’image d’un aéroport n’est pas seulement une question de moyens et ne nécessite pas de lourds investissements. Il explique que de simples gestes de bienveillance et d’une bonne gestion, comme l’entretien des installations, la propreté, les services d’accueil et autres permettent d’améliorer progressivement la qualité des services offerts.
Il explique dans ce sens que l’aéroport en question, même si des efforts ont été déployés récemment, ne peut plus supporter la densité du trafic annuel. Toute pression supplémentaire va impacter davantage la qualité des services. «Toute restructuration de l’aéroport de Tunis-Carthage est en réalité une solution provisoire, car l’aéroport a atteint sa capacité maximale. Ni les espaces, ni les services, ni les infrastructures de l’aéroport ne sont capables de le transformer en un aéroport moderne, encore moins futuriste. Il n’est donc pas possible de l’agrandir. Comparé aux autres aéroports internationaux, il n’est pas à la hauteur des attentes», a-t-il estimé. Dans ce sens, l’expert a critiqué l’absence d’une vision future compatible avec les tendances touristiques et le manque de connexion de l’aéroport avec les transports multimodaux (plusieurs modes de transports à la fois ), soulignant qu’il est aujourd’hui impossible de planifier la construction d’un aéroport, sans garantir sa liaison avec des moyens de transport multimodaux. Le voyageur doit pouvoir se déplacer rapidement dès son arrivée à l’aéroport, ce qui n’est pas possible à Tunis-Carthage. À cet égard, Ben Salama a mentionné l’expérience française, qui a choisi de passer de l’aéroport d’Orly (au centre de Paris) à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, situé à 60 km de la capitale et relié par des réseaux ferroviaires rapides et des bus.
Vers un agrandissement et une amélioration des services
Autant dire que cet aéroport a atteint effectivement la saturation. Le Terminal 1 de l’aéroport Tunis-Carthage, conçu pour accueillir 4,5 millions de passagers par an, a atteint sa capacité maximale. En 2023, il a traité plus de 6,5 millions de passagers, entraînant encombrements et dégradation des services.
Pour résoudre ce problème, une extension est prévue, portant la capacité de l’aéroport à 13 millions de passagers. Cette expansion comprendra la construction de 80.000 mètres carrés supplémentaires à gauche de l’actuel terminal, formant une nouvelle aérogare dotée de technologies modernes. Le financement du projet proviendra d’un crédit international de l’Oaca, avec la signature des premiers contrats attendue avant la fin de l’année 2024.
Il faut rappeler également qu’à l’ère moderne du transport aérien, l’intégration de la technologie est essentielle pour améliorer l’efficacité, la sécurité et le confort des passagers. Un aéroport qui manque d’aspects technologiques intelligents peut être perçu comme obsolète et inefficace. Or, Tunis-Carthage n’est pas connu pour ses atouts technologiques.
Par exemple, les aéroports modernes utilisent des systèmes de suivi électronique, tels que les étiquettes à radio-identification (Rfid), pour surveiller les bagages en temps réel. L’absence de ces systèmes peut entraîner des pertes de bagages et des retards dans leur récupération, ou même des tentatives de vols. De même, les applications mobiles d’aéroport fournissent des informations en temps réel sur les vols, les portes d’embarquement et les services disponibles. L’absence de ce genre de dispositifs peut compliquer l’expérience des passagers.
Ecrans d’information obsolètes
Les bornes en libre service pour l’enregistrement, l’impression des cartes d’embarquement et la modification des réservations sont également essentielles pour réduire les files d’attente et améliorer l’efficacité du service. Dans certains aéroports, les portes d’embarquement automatisées utilisent la reconnaissance faciale et les codes QR pour faciliter et accélérer l’embarquement des passagers. Dans d’autres, les scanners corporels avancés et les scanners de bagages à rayons X de dernière génération améliorent la sécurité, tout en réduisant les files d’attente.
Sur le plan sécuritaire, les systèmes de vidéosurveillance modernes utilisent l’intelligence artificielle pour détecter des comportements suspects et améliorer la sécurité de manière proactive. A Tunis-Carthage, les écrans d’information obsolètes, les annonces limitées et l’absence de notifications numériques (SMS, e-mails) pour les mises à jour de vol sont des signes de retard technologique, selon les experts en la matière.