Accueil A la une Pour un tourisme solidaire : Luttons contre le gaspillage alimentaire dans les hôtels et les restaurants 

Pour un tourisme solidaire : Luttons contre le gaspillage alimentaire dans les hôtels et les restaurants 

 

Alors que le pays accueille des millions de touristes chaque année, les hôtels jouent un rôle crucial. Cependant, cette prospérité touristique cache une autre réalité préoccupante: d’énormes quantités de nourriture sont jetées quotidiennement, contribuant à un gaspillage alimentaire significatif. Pourtant, en combinant sensibilisation, initiatives locales et innovations technologiques, il est possible de réduire considérablement les pertes alimentaires.

Sur les réseaux sociaux, les images et vidéos actant des comportements insouciants et autres incivilités liés au gaspillage alimentaire se multiplient, offrant un spectacle désolant. Ces habitudes qui semblent être ancrées dans l’industrie touristique posent de nombreuses interrogations sur le modèle du all inclusive et des buffets ouverts.

La Tunisie est l’une des principales destinations touristiques de la Méditerranée, ce qui fait du tourisme une source importante de revenus et d’emplois pour le pays, mais cela entraîne également des coûts environnementaux et sociaux, notamment le gaspillage alimentaire. Chaque été, ce sont les mêmes scènes qui se reproduisent : dans les buffets d’hôtels, d’importantes quantités de nourriture s’amoncellent, éclatantes de couleurs et de saveurs exotiques. Mais, derrière cette opulence, se cache une réalité plus sombre. Des plateaux de fruits frais, des plats de couscous aux légumes et des pâtisseries traditionnelles, du pain… restent intacts ou parfois mélangés. Les serveurs, impuissants, voient ces mets savoureux finir à la poubelle. Le contraste entre l’abondance et le gaspillage est saisissant, soulignant la nécessité d’une consommation plus responsable et d’une meilleure gestion des ressources alimentaires.

Une question de culture ?

Selon une étude réalisée en 2018 par l’Institut national de consommation (INC), les hôtels tunisiens produisent en moyenne 0,7 kg de déchets alimentaires par jour et par client, dont 40% de pain. Cela signifie que des milliers de touristes dans les hôtels laissent des tonnes de baguettes et de pain non consommés. Toujours selon ces données, le gaspillage touche également 12% des aliments préparés dans les hôtels et 16% des repas dans les restaurants.

Pour Lotfi Riahi, président de l’Organisation tunisienne pour informer le consommateur (Otic), le gaspillage alimentaire n’est pas propre à la consommation domestique seulement, mais s’accentue dans les hôtels sous l’effet de la formule du all inclusive et de l’Open Buffet. Joint par La Presse, il rappelle que notre pays affiche des taux de gaspillage inquiétants dans les secteurs des restaurants (16%) et des hôtels (13%) et se classe au 3e rang dans la région arabe, après l’Egypte et le Maroc.  

Selon lui, ces comportements dans les hôtels reflètent une culture du gaspillage. «L’absence de culture du recyclage et de conservation alimentaire au sein des foyers tunisiens, ainsi que l’absence d’une stratégie de gestion efficace pour valoriser la production excédentaire et instaurer de bonnes pratiques dans la gestion des buffets figurent parmi les causes qui ont contribué à la persistance de ce phénomène», a-t-il expliqué.

Et d’ajouter que «le concept du all inclusive a considérablement contribué au gaspillage alimentaire dans nos hôtels, 12% des aliments préparés dans les hôtels et 16% des repas dans les restaurants finissent dans la poubelle».

S’agit-il vraiment d’une question de culture, ou d’autres facteurs entrant en considération ? Samir Meddeb, universitaire et président de l’association Racines et développement durable (RDD), joint par La Presse estime qu’outre les comportements liés aux questions culturelles et sociales, des aspects stratégiques sont à prendre en considération. «En Tunisie, environ 30% des aliments produits sont gaspillés; malheureusement, ce gaspillage touche toute la chaîne de production, allant des fermes agricoles et des usines aux foyers, restaurants et hôtels. La famille tunisienne s’avère être le plus grand gaspilleur, ces mauvaises habitudes s’accentuent dans les hôtels où l’on observe une abondance de nourriture pour un tarif inclus dans les réservations», a-t-il analysé.

Et si nous consommions seulement ce dont nous avons besoin…

Evoquant, effectivement, l’aspect stratégique, Samir Meddeb pense que l’Etat tunisien ne fournit pas assez d’efforts pour faire face à ce qu’il appelle un fléau. «En Tunisie, la recherche scientifique n’est pas parvenue à mesurer avec précision l’impact du gaspillage alimentaire. Mais nous pouvons confirmer que la facture est très lourde sur le plan social, économique et environnemental. Nous sommes en train d’épuiser nos ressources naturelles pour produire des aliments. Or si nous consommons seulement ce dont nous avons besoin, nous pouvons par exemple limiter la crise de l’eau et les pénuries», a-t-il encore expliqué. Les hôtels sont également appelés à encadrer les modes de consommation des touristes, qu’ils soient locaux ou étrangers, en optant pour des modes circulaires et pour des projets et initiatives de recyclage, a-t-il conclu.

Vous l’aurez compris, le gaspillage alimentaire dans les hôtels tunisiens découle de plusieurs facteurs. D’abord, le système du buffet à volonté, très prisé par les touristes, incite à préparer des quantités énormes de nourritures pour satisfaire tous les goûts. De plus, les normes de qualité et d’hygiène strictes imposées par les établissements hôteliers, bien que nécessaires, contribuent à la mise au rebut de produits encore consommables.

Conscients de l’ampleur du problème, certains hôtels ont commencé à adopter des mesures pour réduire le gaspillage alimentaire. Par exemple, un grand groupe hôtelier tunisien a mis en place un programme de gestion des déchets alimentaires, visant à redistribuer les surplus à des associations caritatives locales, mais aussi à recycler la nourriture. Consulté, un responsable de ce groupe affirme que ses différents hôtels s’engagent à lutter contre le gaspillage alimentaire, notamment durant la haute saison. «Cela prend la forme d’un renforcement des capacités du personnel, de sensibilisation des touristes et de recyclage de la nourriture. En effet, le gaspillage alimentaire est un vrai problème. Nous avons pris conscience que beaucoup de nourriture est jetée chaque jour. C’est pourquoi nous avons mis en place des mesures pour limiter ce gaspillage, comme l’optimisation des menus et la collaboration avec des associations pour redistribuer le surplus», a-t-il expliqué, ajoutant que d’autres solutions plus dissuasives telles que la facturation du gaspillage sont envisagées.

L’IA s’invite aussi

Il faut rappeler qu’un atelier qui s’est tenu l’année dernière, à Tunis, dans le cadre du projet Partenariats orientés sur l’innovation touristique (Tiop), avait proposé des solutions pour lutter contre le gaspillage alimentaire dans le secteur touristique. 

Cet atelier avait proposé de mettre en place des programmes innovants dans les hôtels. Ainsi, un système de surveillance par des caméras dotées d’intelligence artificielle pourrait aider à analyser des déchets en temps réel, mais aussi  les comportements et les habitudes de consommation des visiteurs nationaux et internationaux pour les sensibiliser contre le gaspillage.

En effet, la technologie pourrait jouer un rôle clé dans la réduction du gaspillage alimentaire.

Ces solutions portent sur les applications de gestion des stocks alimentaires permettant aux hôtels de mieux planifier et gérer leurs approvisionnements, réduisant ainsi le surplus. Dans d’autres pays, des plateformes et des applications sont utilisées pour permettre aux clients de se procurer des repas non consommés à des prix symboliques.

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