C’est une nouvelle ère qui s’ouvre à Sfax en matière d’accès à l’eau. L’entrée en exploitation de la station de dessalement d’eau de mer marque un tournant pour plus de 900 mille habitants longtemps pénalisés par des coupures répétitives de l’eau du robinet.
En effet, une avancée majeure dans la gestion des ressources en eau a été réalisée avec l’entrée en exploitation de la grande station de dessalement d’eau de mer de Sfax. Cette initiative n’est pas seulement une prouesse technologique, mais une réponse vitale aux défis hydriques auxquels la région est confrontée. La Tunisie, et particulièrement la région de Sfax, fait face à une pénurie d’eau chronique exacerbée par des conditions climatiques changeantes et une demande en eau croissante. Le stress hydrique est devenu une réalité quotidienne pour les habitants, affectant non seulement la consommation domestique, mais aussi l’agriculture et l’industrie. La mise en service de cette station de dessalement marque un tournant dans la stratégie nationale de gestion de l’eau, en offrant une source alternative fiable et durable.
Lors d’une visite de presse organisée par l’ambassade du Japon en Tunisie, nous avons eu l’occasion de suivre de très près l’avancement des travaux des différentes composantes de ce projet d’Etat qui entre dans sa phase finale d’essai.
Financé par un prêt du gouvernement japonais, ce projet bénéficiera à des centaines de milliers de foyers de la ville de Sfax par le biais d’un prêt qui s’élève à 36,676 milliards de yen (environ 800 millions de dinars tunisiens). Ce prêt est remboursable sur 25 ans, dont 7 ans de grâce, avec un taux d’intérêt de 1,7%. Les fonds du prêt ont servi principalement à l’installation d’équipements de dessalement d’eau de mer, à l’acquisition et la pose de conduites de transport de l’eau et des services de consulting, y compris le suivi des travaux de construction.
Dans ce sens, l’ambassadeur du Japon en Tunisie, Takeshi Osuga, a indiqué que les travaux de l’usine de dessalement d’eau de mer à Sfax progressent de manière significative grâce aux efforts de la Société nationale de distribution et d’exploitation des eaux et de ses partenaires, notant que les travaux de la station ont été suspendus pendant deux ans en raison de la Pandémie de Covid-19, mais ils se sont accélérés depuis 2022 pour entrer en exploitation durant cet été.
L’ambassadeur du Japon a déclaré à La Presse que cette station devrait fournir à l’avenir 100.000 mètres cubes d’eau dessalée à environ 900.000 habitants de Sfax, précisant que ce genre de projet s’avère un symbole d’amitié et de développement entre le gouvernement japonais et les parties tunisiennes.
Pour sa part, le directeur central du projet de dessalement de l’eau de mer à Sfax, Mohamed Zaraa, déclaré que la station pompe actuellement 50 000 mètres cubes d’eau dessalée et qu’elle contribuera à réduire le déficit en eau dans la région, notant que les troisième et quatrième unités seront prêtes à la mi-septembre.
Une réponse au stress hydrique !
La région de Sfax compte une grande population vivant pour la plupart dans la ville de Sfax, deuxième plus grande ville de Tunisie. Cependant, en raison de la rareté des ressources en eau dans cette région qui continue à dépendre d’autres régions pour s’approvisionner en eau, notamment des eaux du nord, alors que sa population ne cesse de croître durant ces dernières années, une pénurie d’eau commence à se faire sentir. En 2030, l’écart entre l’offre et la demande devrait atteindre approximativement 150.000 m3/jour. Ainsi, le développement des ressources en eau à travers le dessalement d’eau de mer pour un approvisionnement stable dans la région de Sfax devient une priorité.
La station de dessalement de Sfax utilise des technologies de pointe pour transformer l’eau de mer en eau potable. Grâce à un processus de filtration avancé, cette installation peut produire environ 50 mille mètres cubes d’eau potable par jour et à partir de mi-septembre, cette station sera entièrement opérationnelle avec un volume de production estimé à 100 mille mètres cubes par jour.
Cela permet non seulement de répondre aux besoins immédiats de la population, mais aussi de planifier pour l’avenir avec une ressource en eau renouvelable et inépuisable pour tout le pays, si on sait que ces eaux produites vont alléger la pression sur les eaux du nord.
Pour les habitants du Grand Sfax, l’impact de cette nouvelle station est immédiat et tangible. A partir du 28 juillet dernier, les foyers ont commencé à avoir accès à une eau de qualité et en quantité suffisante issue de la mer, réduisant ainsi les pénuries récurrentes.
La station de dessalement de Sfax ne se contente pas de résoudre les problèmes immédiats. Elle est également un modèle de gestion durable de l’eau pour d’autres régions confrontées à des défis similaires. La Tunisie, en adoptant cette technologie, montre la voie à suivre pour les pays voisins et au-delà, en démontrant qu’il est possible de surmonter les obstacles hydriques avec des solutions innovantes et durables.
Vers une extension du projet ?
À peine entrée en exploitation, la grande station de dessalement d’eau de mer de Sfax se prépare déjà à une ambitieuse extension. Les autorités locales et nationales envisagent de porter sa capacité de production à 200.000 mètres cubes d’eau potable par jour. Cette initiative n’est pas seulement un développement technique, mais une réponse stratégique aux besoins croissants de la région en eau.
Avec une population en constante augmentation et des secteurs industriels et agricoles en expansion, la demande en eau à Sfax continue à aller crescendo. La capacité actuelle de la station, bien qu’importante, ne suffit pas à combler cette demande sur le long terme. En augmentant la capacité de production à 200.000 mètres cubes par jour, la Tunisie s’assure de disposer des ressources nécessaires pour soutenir son développement économique et social.
L’extension prévue de la station de Sfax ne se limite pas à répondre aux besoins locaux. Elle est également envisagée comme un projet pilote pour fournir de l’eau à d’autres gouvernorats côtiers comme Sousse et Mahdia qui souffrent d’une situation d’accès à l’eau assez préoccupante.
En démontrant la faisabilité et les avantages d’une telle infrastructure à grande échelle, la Tunisie pourrait jouer, en effet, un rôle de leader dans la gestion durable de l’eau dans une région confrontée à des défis climatiques similaires.
Mais nous sommes encore loin de la concrétisation de cette extension, qui s’avère un autre projet en lui-même, tant que les négociations entre les parties tunisienne et japonaise sont toujours en cours pour le décaissement d’un éventuel financement supplémentaire.
Quid de l’aspect énergétique et écologique ?
Le processus de dessalement, principalement réalisé par osmose inverse, est extrêmement énergivore. Cette méthode nécessite de faire passer l’eau de mer à travers des membranes semi-perméables, une opération qui demande une pression élevée et donc une grande quantité d’énergie. Malheureusement, dans la majorité des cas, cette énergie provient de combustibles fossiles.
En conséquence, les stations de dessalement contribuent significativement aux émissions de gaz à effet de serre, aggravant ainsi le problème du réchauffement climatique. Sauf qu’à moyen terme, cette station de Sfax, la plus grande à l’échelle nationale, envisage un raccordement à une station de production d’électricité par le biais du photovoltaïque.
Un autre problème majeur des stations de dessalement est le rejet de saumure, un sous-produit hautement salin résultant de la séparation de l’eau douce. Cette saumure, souvent mélangée à des produits chimiques utilisés dans le processus de traitement de l’eau, est généralement rejetée en mer. Ce rejet peut augmenter la salinité des eaux locales, perturbant les écosystèmes marins et affectant la faune et la flore. Les conséquences peuvent inclure la mort de certaines espèces, la modification des chaînes alimentaires et la détérioration des habitats marins.
Cependant, interrogé à cet effet, un expert en ressources hydriques auprès de la Jica en Tunisie nous a expliqué que cette station érigée à Sfax a pris en considération ces aspects technologiques et a adopté des mesures pour éviter un impact écologique. Il précise dans ce sens que le rejet de la saumure a respecté des normes écologiques pour préserver le littoral à Sfax.