Le Réseau pour la Justice fiscale en Afrique indique que le cadre fiscal mondial actuel, mis en place par des puissances économiques, exclut les pays en développement et les empêche de tirer profit du système. L’organisation plaide pour une refonte complète afin de permettre une véritable équité financière internationale, appelant les Nations Unies à jouer un rôle central dans cette transformation.
Lors de la quatrième édition de la Conférence africaine sur la dette et le développement (AfCoDD IV), qui s’est tenue à Maputo, la Directrice exécutive du Réseau pour la justice fiscale en Afrique (Tjna), Chenai Mukumba, a lancé un appel retentissant en faveur d’une réforme systémique de l’architecture financière mondiale. Elle a critiqué un système qu’elle qualifie d’«exclusionnaire », arguant qu’il a été conçu par et pour les pays développés, laissant les nations africaines et les autres pays en développement en marge de ses bénéfices.
Un cadre mondial déséquilibré
Le Tjna, organisation panafricaine dédiée à la promotion de la justice fiscale sur le continent, estime que le cadre fiscal global actuel est fondamentalement biaisé. Il repose sur des règles mises en place par des puissances économiques mondiales, telles que les États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (Ocde), qui ont façonné ce système selon leurs propres intérêts.
Selon Mme Mukumba, ces règles sont structurellement orientées pour favoriser les pays développés et marginaliser les économies émergentes. « Il s’agit d’une fondation mise en place par des pays qui pensaient avant tout à leurs propres intérêts », a-t-elle déclaré. Cette exclusion des pays en développement se traduit par un manque de participation dans la conception des politiques fiscales internationales et une incapacité à influencer les décisions qui affectent directement leurs économies.
Pour le Tjna, une réforme de l’architecture fiscale mondiale est non seulement souhaitable, mais urgente. Mme Mukumba a mis en lumière la nécessité d’un « sursaut systémique » pour que le système fiscal mondial devienne inclusif et équitable. Selon elle, cela passe par une transformation profonde des mécanismes qui gouvernent les flux financiers mondiaux et les politiques fiscales internationales. Cette transformation devrait permettre aux pays en développement de mieux lutter contre l’évasion fiscale, un fléau qui prive l’Afrique de milliards de dollars chaque année.
L’un des principaux problèmes identifiés par Mme Mukumba réside dans le rôle prépondérant joué par l’Ocde, une organisation qui, bien qu’elle ait instauré un cadre inclusif permettant à plus de pays en développement de participer aux discussions fiscales, reste dominée par les intérêts des économies avancées. Pour pallier ce déséquilibre, la directrice du Tjna appelle à transférer ces discussions vers une plateforme plus démocratique et participative : les Nations Unies (ONU).
Les Nations Unies : un cadre plus démocratique ?
L’une des propositions phares de Mme Mukumba consiste à repositionner les Nations Unies en tant que plateforme centrale pour la gouvernance fiscale mondiale. Elle reconnaît que l’ONU, bien qu’imparfaite, offre un espace dans lequel les pays en développement peuvent véritablement faire entendre leur voix et participer aux prises de décision. « Comparée à l’Ocde, l’ONU offre un cadre où chaque pays peut s’exprimer en tant que collectif et où la dynamique de pouvoir est moins concentrée entre les mains des pays riches», a affirmé Mme Mukumba. Cette dimension inclusive permettrait, selon elle, de mieux aborder les défis fiscaux et financiers auxquels les pays africains sont confrontés, notamment en matière de lutte contre l’évasion fiscale et de renforcement des capacités fiscales nationales. Le statu quo, selon le Tjna, n’est plus tenable. Le manque de participation active des pays en développement dans la gouvernance fiscale mondiale entraîne des pertes économiques massives pour le continent africain. Chaque année, des milliards de dollars échappent aux administrations fiscales africaines en raison des failles du système mondial actuel, exacerbant les problèmes de financement du développement sur le continent. « Sans une refonte globale, les pays africains continueront de subir les conséquences d’une architecture financière qui perpétue les inégalités entre le Nord et le Sud. Les réformes proposées par l’Ocde, bien qu’inclusives en apparence, ne suffisent pas à garantir une véritable équité dans la répartition des richesses mondiales », a-t-elle encore précisé.
Ainsi, alors que la question de la justice fiscale devient un enjeu crucial pour les pays en développement, la nécessité de transformer l’architecture financière mondiale pour la rendre plus juste, plus inclusive et plus participative est plus pressante que jamais.
Et pour que les pays africains puissent tirer pleinement parti de la mondialisation, cette réforme doit être abordée comme une priorité dans les discussions internationales. Le rôle des Nations Unies dans ce processus pourrait marquer une avancée significative vers une gouvernance fiscale plus démocratique et bénéfique pour tous.