
La conférence-débat organisée à Beit el-Hikma à Carthage a mis en lumière les avancées scientifiques récentes, les risques environnementaux croissants et les enjeux de coopération entre la Tunisie, l’Algérie et la Libye autour de cette ressource hydrique stratégique. Parallèlement, l’Observatoire du Sahara et du Sahel a abordé ces thématiques lors de ses travaux tenus à Tunis à la même date.
Le département des sciences de l’académie tunisienne des sciences, des lettres et des arts, Beit el-Hikma, a organisé, ce mercredi 23 avril 2025, une conférence-débat autour du thème «Le système aquifère du Sahara septentrional» à l’initiative du Groupe d’étude des problèmes de l’eau mis en place au sein du département des sciences mathématiques et naturelles de l’académie. Cette conférence coïncide avec la tenue, le même jour, de la 7e Session de l’Assemblée générale de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS).
La thèse et l’anti-thèse
La conférence, présentée par le membre de l’Académie, professeur Mustapha Besbes, expert en gestion des ressources en eau et spécialiste de l’hydrologie des zones arides, a porté sur le Système aquifère du Sahara septentrional (Sass), considéré comme l’un des plus grands aquifères fossiles du monde, et qui est partagé par l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Ce système renferme des réserves d’eau considérables, qui ne sont pas exploitables en totalité et se renouvellent peu, selon l’avis même de l’OSS.
Professeur Besbes a exposé à ce titre les dernières avancées scientifiques concernant le Sass, notamment des modèles mathématiques qu’il a lui-même développés, à même d’améliorer le potentiel exploitable de ce système, de simuler son comportement et de planifier son exploitation durable. Le débat a été introduit par un exposé sur les études et recherches conduites au début des années 2000 par l’OSS sous l’égide des gouvernements de l’Algérie, de la Libye et de la Tunisie et tend à répondre à une question pertinente : peut-on en effet, sans dommage irrémédiable, puiser encore plus dans les réserves du Sass ?
Les simulations réalisées sur le modèle du Sass ont mis en évidence les zones les plus vulnérables et permis de dresser la carte des risques hydrologiques. Par ailleurs, la Tunisie vient de subir l’une des sécheresses les plus sévères de son Histoire, et avec ses réserves considérables, le Sass pourrait se présenter comme une opportunité permettant de traverser des périodes climatiques aussi difficiles. C’est la thèse défendue par un certain nombre de personnalités de la société civile, mais les experts n’y sont pas favorables.
Le Système aquifère du Sahara septentrional s’étend sur plus d’un million de km2; il comprend les deux grands aquifères du Continental intercalaire et du complexe terminal. Au cours des cinquante dernières années, l’exploitation par forages y est passée de 0,5 à 3 milliards de m3/an. Cette exploitation se trouve aujourd’hui confrontée à de nombreux risques : fortes interférences entre pays, dégradation de la qualité des eaux, disparition de l’artésianisme, tarissement des exutoires.
Engagement salutaire
C’est sous l’égide de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) à Tunis qu’un autre évènement a été organisé, dédié aussi aux mêmes thématiques. Il s’agit de la 7e Assemblée générale, tenue à Tunis, en présence des pays membres et des représentants d’institutions régionales et internationales. Des personnalités de haut niveau ont pris part à cette rencontre, soulignant son importance pour relever les défis environnementaux du continent.
Les travaux de l’Assemblée générale ont débuté par l’ouverture officielle, marquée par les allocutions de M. Nabil Ben Khatra, secrétaire exécutif de l’OSS, Alaa Farouk Zaki Al-Sayed, ministre de l’Agriculture et de la restauration des terres de l’Égypte et président de l’OSS, Habib Abid, ministre de l’Environnement de la Tunisie, pays hôte et Mohammed Faraj Alsayd Qineedi, vice-ministre libyen des Ressources en Eau. Ces interventions ont salué le rôle stratégique de l’OSS dans la région et réaffirmé l’engagement politique des États membres pour une coopération régionale renforcée au service de l’environnement et du développement durable, selon un communiqué publié sur le site de l’OSS.
Les membres ont salué la qualité des réalisations de l’OSS en 2020-2024, marquées par une montée en puissance des projets sur le terrain, une diversification des partenariats et une gestion rigoureuse des ressources. En termes d’évaluation de l’avancement des programmes en cours, des progrès notables ont été enregistrés au niveau des initiatives régionales, notamment sur le plan de la gestion durable des terres, l’accès à l’eau, la résilience climatique et la production de connaissances. Les États membres ont souligné l’importance de capitaliser ces acquis à travers des dispositifs de suivi-évaluation renforcés.
Les interventions des représentants des pays membres et les échanges ont permis de dégager des orientations claires pour les prochaines années. L’OSS a été appelé à maintenir son rôle au service des pays africains et de le renforcer face aux défis climatiques, environnementaux et socioéconomiques à travers le renforcement de son rôle de plateforme d’expertise et de dialogue, le soutien à ses États membres dans la mise en œuvre de leurs engagements environnementaux, la contribution active à la résilience des territoires africains, en particulier dans les zones arides et vulnérables.
L’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) est une organisation internationale à vocation africaine, fondée en 1992 et installée à Tunis depuis 2000. Son rôle principal est de créer et de soutenir des partenariats pour relever ensemble les défis liés à la gestion des ressources en eau, ainsi qu’à la mise en œuvre des accords internationaux sur la dégradation des terres, la biodiversité et le changement climatique en Afrique.
Actuellement, l’OSS regroupe 35 pays membres, dont 28 africains et 7 non africains. En plus de ces États, l’Organisation collabore avec 12 entités représentatives d’Afrique de l’Ouest, de l’Est et du Nord, ainsi que plusieurs agences des Nations unies et des Organisations non gouvernementales. Ces collaborations visent à renforcer les efforts communs pour un avenir durable dans la région.