Encore une affaire qui vient menacer le processus électoral déjà perturbé sur fond de l’arrestation du candidat à la présidentielle Nabil Karoui. Et c’est toujours ce candidat, qualifié au second tour, qui est au cœur de la polémique en raison de la publication de contrats de lobbying avec des parties étrangères. L’actuel processus électoral ne se déroule pas, malheureusement, dans des conditions normales, en raison des tiraillements politiques, des accusations et contre-accusations mais aussi des atteintes à la justice
Dans un climat politique tendu et une atmosphère peu rassurante, une autre affaire éclate pour nous rappeler la sensibilité de l’actuelle période électorale. En effet, la révélation d’un document publié sur le site officiel du département de Justice des États-Unis, qui impliquerait Nabil Karoui dans une affaire de lobbying en relation avec la firme «Dickens & Madson Canada Inc.» du lobbyiste israélien Ari Ben-Menashe, a provoqué une grande polémique politique et médiatique. En tout cas, le juge d’instruction près le pôle financier a pris en charge cette affaire impliquant notamment Nabil Karoui, la présidente de 3ich Tounsi, Olfa Tarres, et le parti Ennahdha.
Retour sur les faits : ce document, dont la publication a été révélée par le site Al Monitor, jeudi, et qui a suscité depuis beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux, comprend un contrat au profit de Karoui d’une valeur d’un million de dollars, soit près de trois millions de dinars, mais signé par un tiers, un certain Mohamed Bouderbala, une personne peu connue.
Le contrat signé le 19 août dernier, trois mois après l’officialisation de la candidature de Karoui, est estimé, en effet, à un million de dollars pour un an. 250.000 dollars ont été payés le 25 septembre, et les 750.000 restants sont dus à la mi-octobre 2019, indique le document du contrat.
Dans ce document, Ben-Menashe s’y engage à faire du lobbying aux Etats-Unis, en Russie, et même dans des organisations onusiennes afin de faire accéder Nabil Karoui à la présidence de la République tunisienne, au terme de l’élection présidentielle. «Nous nous efforcerons d’arranger une rencontre avec l’honorable M. Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine, ainsi que d’obtenir un soutien matériel pour parvenir à la présidence », peut-on lire dans ce document, disponible au grand public sur le site officiel du ministère de la Justice américain dans le cadre d’une directive obligeant les lobbyistes à détailler leurs activités au profit d’étrangers.
Le clan Karoui réagit
L’équipe de campagne électorale du candidat Nabil Karoui a nié tout lien entre ce dernier et l’affaire de la signature d’un contrat avec la société canadienne précitée.
Dans un communiqué, l’équipe a estimé que lier le nom du candidat à la présidentielle à ces documents fait partie «des campagnes vicieuses diffamatoires qui visent Karoui depuis des années».
On ajoute également que Nabil Karoui a décidé de porter plainte contre toutes les personnes qui ont inclus son nom dans «des sujets aussi abominables visant à influencer les électeurs et à enrayer le processus électoral dans le pays». Le communiqué souligne la position claire de Nabil Karoui quant à la cause palestinienne et son engagement à défendre le peuple palestinien frère et à soutenir l’instauration d’un État sur son territoire, avec Al-Qods pour capitale.
La justice saisie
Ghazi Chaouachi, tête de liste du Courant démocratique pour la circonscription de Ben Arous, a annoncé que son parti avait porté plainte contre le candidat à l’élection présidentielle Nabil Karoui et le mouvement Aich Tounsi.
Ghazi Chaouachi a déclaré que «la plainte avait été déposée suite à des soupçons de financement étranger dans la mesure où Nabil Karoui est accusé d’avoir collaboré avec une société canadienne, dirigée par un agent des services de renseignements israélien, dans le but d’améliorer son image et pour faciliter sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine et le président américain Donald Trump».
Le constitutionnaliste Jawhar Ben Mbarek a réagi à son tour à cette affaire, expliquant que cette société est dirigée par Ari Ben Menashe, un ancien agent israélien des services de renseignements, un marchand d’armes, qui occupait le poste de conseiller auprès d’un ancien chef de gouvernement israélien.
Enquête judiciaire ordonnée
Invité sur un plateau télévisé, le président du Parti Tahya Tounes et actuel chef du gouvernement, Youssef Chahed, a annoncé que son parti va porter plainte contre Nabil Karoui pour menaces au processus électoral, appels à une ingérence politique étrangère et usage d’argent politique et de financements douteux.
Idem pour le président du mouvement démocratique Ahmed Nejib Chebbi qui a fortement dénoncé ce qu’il a appelé «une opération pour transgresser le processus électoral», appelant toutes les forces nationales à s’y opposer.
Réagissant à ces plaintes déposée par plusieurs parties, le porte-parole du tribunal de première instance de Tunis, Sofiène Sliti, a annoncé que le juge d’instruction près le pôle financier s’est chargé de cette affaire. Et d’ajouter que le juge d’instruction a chargé la première unité de recherche de la Garde nationale à El Aouina de mener les enquêtes et recherches nécessaires à cet égard.
Il faut rappeler dans ce sens que Sharan Grewel était le premier à avoir fait fuiter l’affaire du lobbying impliquant Nabil Karoui. Dans un tweet publié mercredi dernier, il a effectivement éventé l’affaire qui a déclenché une grande polémique. Sharan Grewel est un chercheur dans un centre de recherche américain s’activant dans le domaine politique. Publiant ses photos avec des leaders du parti Ennahdha, le clan Karoui l’accuse d’être au service des agendas de ce parti.
Le Pôle judiciaire économique et financier saisi
Le Pôle judiciaire économique et financier a saisi vendredi la première brigade centrale de la Garde nationale d’El Aouina en urgence sur fond de la plainte déposée par le Courant démocrate au sujet de documents fuités faisant état de contrats avec des agences de relations publiques et des intermédiaires étrangers impliquant le candidat à la présidentielle Nabil Karoui, le mouvement Ennahdha et l’association «Ich Tounsi».
Le premier substitut du procureur de la République, porte-parole du Pôle judiciaire économique et financier, Sofiène Siliti, a déclaré à l’agence TAP que le Pôle assure la direction de la procédure en coordination avec le ministère public.
Le Courant démocrate, au nom de son secrétaire général Mohamed Abbou, a lancé jeudi une procédure en justice sur un document fuité au sujet d’un contrat publié sur le site du département américain de la justice au sujet de contrats qui auraient été conclus avec des agences de relations publiques et des intermédiaires étrangers impliquant le président du parti «Au cœur de la Tunisie» et candidat à la présidentielle, Nabil Karoui, «Ich Tounsi» et le mouvement Ennahdha.
Le président de l’Isie, Nabil Baffoun, a indiqué dans une déclaration à l’agence TAP avoir été informé des documents publiés, assurant que l’Instance va procéder aux vérifications nécessaires.
L’équipe de la campagne électorale de Nabil Karoui a démenti, quant à elle, tout lien entre Nabil Karoui et les deux parties mentionnées dans un contrat «présumé» signé par Mohamed Bouderbala et la société Dickens and MadsonCanada, Inc. Pour elle, la «campagne de diffamation menée depuis des années contre Nabil Karoui a dépassé la ligne rouge».