Accueil A la une Face à une classe politique décrédibilisée et discréditée : L’abstention, un mal tunisien

Face à une classe politique décrédibilisée et discréditée : L’abstention, un mal tunisien

Que révèle le taux de participation aux législatives? Il est jugé modeste par tous, sauf par le président de l’Instance supérieure indépendante pour les élections, Nabil Baffoun, qui le qualifie d’acceptable ! Les jeunes Tunisiens ont-ils boycotté ces élections législatives en dépit de leur enjeu politique crucial ? Que cache ce taux élevé d’abstentionnisme et quelles seront ses répercussions sur toute l’expérience démocratique tunisienne ? Si ces questions reviennent durant cette phase électorale, c’est en raison de l’absence de réponses qui pourraient apporter des éclaircissements sur les habitudes électorales des Tunisiens

Les premiers résultats annoncés par l’Instance électorale le jour même du scrutin législatif donnent à voir que le taux de participation général ne dépassait pas les 41,7% à l’intérieur du pays et 16,4% à l’étranger à la fermeture de tous les bureaux de vote. Un taux de participation jugé faible par les différents observateurs, notamment chez les Tunisiens à l’étranger et chez la catégorie d’âge des jeunes électeurs inscrits. C’est le gouvernorat de l’Ariana qui enregistre le taux de participation le plus élevé avec 47%, contrairement à Kasserine qui enregistre le taux de participation le plus faible avec seulement 28,33%.
En effet, une lecture des données annoncées par l’instance fait observer que le taux de participation aux élections législatives est inférieur à celui enregistré lors du premier tour de la Présidentielle anticipée (près de 50%), mais aussi à celui enregistré lors des Législatives de 2014, lorsque plus de 60% des inscrits ont voté.
Témoignant du rejet des élites actuelles, mais aussi du refus du rendement de toute la classe politique, le taux de participation révèle en tout cas un désintérêt grandissant vis-à-vis de toute la vie politique et du droit au vote. Pour les abstentionnistes, le motif et les explications sont toujours les mêmes : absence de changement et crise de confiance face à une classe politique de plus en plus décrédibilisée et discréditée.
Selon ces statistiques, ce sont 64% d’hommes et 36% de femmes et seulement 9% des jeunes, âgés de 18 à 25 ans, dont 5% d’hommes et 4% de femmes qui sont allés voter dimanche dernier.
Le taux de participation dans le groupe d’âge de 26 à 45 ans était de 33%, dont 20% d’hommes et 13% de femmes, tandis que le groupe d’âge de 45 ans et plus atteignait 57% des électeurs, dont 39% d’hommes et 18 femmes. Ainsi ce sont les hommes âgés de 45 ans ou plus qui étaient les électeurs inscrits les plus nombreux à avoir voter lors de ce scrutin législatif. Contrairement aux femmes âgées entre 18 et 25, représentant la catégorie où l’on trouve le plus d’abstentionnisme à l’échelle nationale.
Nabil Baffoun : « Les politiciens et les sociologues doivent décrypter le message des électeurs ».
En effet, c’est notamment la faible participation des jeunes qui a suscité les interrogations des représentants des médias et des observateurs, car cette catégorie d’âge semble avoir boycotté ces élections, témoignant d’un désintérêt grandissant vis-à-vis des rendez-vous électoraux qui met en péril l’avenir de l’expérience démocratique tunisienne.
Bien qu’elle ait fourni tous les efforts pour inscrire le plus grand nombre de jeunes dans le registre électoral, l’Instance électorale se trouve sur le banc des accusés suite à ce constat amer, celui du taux d’abstention jugé élevé, notamment chez cette catégorie d’âge.
D’ailleurs, un membre de l’Isie, voulant garder l’anonymat,  a tenu le président de l’Instance pour responsable « d’une stratégie qui a conduit à une faible participation en général », selon l’agence TAP.  En tout cas, pour Nabil Baffoun, président de ladite instance, « le travail de l’Instance est une action collective et le taux de participation (41 %) est universellement accepté, mais nous n’y sommes pas habitués en tant que Tunisiens ». Baffoun n’a pas manqué de souligner à l’occasion que les politiciens et les sociologues doivent « décrypter le message des électeurs ».
Belkacem Ayachi, membre de l’Isie, a affirmé de son côté que l’Instance avait fait un effort pour accroître le nombre de jeunes inscrits sur les listes électorales et qu’elle s’attendait à une grande affluence des jeunes.

Grande déception à l’étranger
Si en Tunisie, le taux de participation au scrutin législatif atteint près de 42%, à l’étranger il n’a pas dépassé les 17%, un taux extrêmement faible au vu du coût du scrutin organisé à l’étranger. En effet, selon l’Instance électorale, les élections législatives et qui a atteint quelque 140 millions de dinars, et un électeur tunisien résidant à l’étranger coûte cinq fois plus qu’un électeur à l’intérieur du pays. Le coût d’un membre du bureau de vote à l’étranger est de 100 euros par jour, soit plus de 300 dinars.
Tout ça pour dire, qu’outre l’organisation logistique des scrutins électoraux, un défi de taille attend l’instance électorale : comment parvenir à convaincre les Tunisiens, dont notamment les jeunes et les citoyens à l’étranger, de l’importance de participer aux opérations de vote ?
Un grand chantier sur lequel doit se pencher l’Isie au terme de l’actuel processus électoral pour éviter ces taux d’abstention assez élevés. Mais il faut dire aussi que pour le récent scrutin législatif, c’est l’intérêt des électeurs pour la présidentielle anticipée qui semble avoir éclipsé l’importance de l’enjeu politique des législatives.

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