L’actualité ne semble avoir jamais été autant inondée de fausses informations. De l’hospitalisation au décès, la rumeur a circulé massivement tard dans la nuit d’avant-hier. La fausse nouvelle de la disparition de l’ancien président de la République et de l’Assemblée des représentants du peuple, Mohamed Ennaceur, a induit en erreur de nombreux médias, dont la TAP. Des députés, et même le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, qui a publié un communiqué où il présentait ses condoléances suite au « décès de l’ancien chef d’Etat», n’ont pas pu s’empêcher de tomber dans le piège, sans vérifier la véracité de l’information auprès d’une source fiable.
Entre rumeurs et démentis, Mohamed Ennaceur sort du silence et rassure ses amis et ses proches : «Je suis en bonne santé et je suis en train de prendre mon petit-déjeuner et de manger l’Assida du Mouled avec ma famille. Dieu merci, je vais bien et que Dieu pardonne qui a été à l’origine de cette information».
L’on s’interroge dès lors si certains médias parviennent vraiment à remplir leur rôle d’informateurs, ou s’ils cèdent la place à la rumeur ? Sont-ils des forums de vérité, une source fiable d’information comme ils le soutiennent, ou se laissent-ils entraîner par le puissant effet d’entraînement du flux médiatique, réseaux sociaux confondus, où la rumeur d’origine incertaine fait la loi ?
Ce paradoxe s’explique évidemment, en premier lieu, par la multiplication des fausses nouvelles, favorisée par la communication horizontale. La difficulté est née du développement des réseaux sociaux. La guerre informationnelle a commencé et les médias ont déjà perdu la première bataille. Il est devenu très délicat pour beaucoup d’entre eux de traiter une rumeur amplement diffusée, dont ils ne parviennent pas à établir le fondement. En parler, c’est contribuer à la propager. La taire, c’est se rendre suspect aux yeux de nombreux lecteurs de protéger telle ou telle partie.
A l’heure des médias sociaux, les rumeurs se sont transformées en un message qui a ses propres règles et un mécanisme bien ancré. Elles sont devenues plus faciles à propager. Ce qui a changé aujourd’hui, ce n’est pas la création de la rumeur, mais son processus de transmission.
Les réseaux sociaux ne sont pas toutefois dangereux et, comme leur nom l’indique, ils ont un rôle de sociabilité. Malheureusement, il y a des dérives. Des dérives facilitées par l’absence de modération.
La rumeur a toujours existé, mais aujourd’hui elle est amplifiée à travers les réseaux sociaux et le contexte de défiance vis-à-vis du pouvoir des médias traditionnels. Il est à craindre que certains médias ne fassent pas leur boulot.
Il n’y a pas lieu cependant de faire fausse route. Les médias sont impérativement appelés à respecter les pratiques professionnelles et les devoirs énoncés dans le code de déontologie. La liste ne tient pas en deux mots, elle va loin : vérification des faits, ne publier que les informations dont l’origine est connue, les recouper auprès d’autres sources et les vérifier, entendre les personnes fiables et ne faisant pas l’objet de reproches graves, renoncer aux méthodes déloyales pour obtenir les informations.
En définitive et comme on dit, si la rumeur est le plus ancien média du monde, on assiste ces dernières années à une expansion significative des fausses nouvelles. Ce ne sont qu’une sorte d’arme des faibles…