Le Forum annuel de l’Association des malades du cancer (AMC) a eu lieu le 16 novembre 2019 aux Berges du Lac de Tunis. C’était, pour l’association, une occasion de mettre en lumière la prise en charge du patient tunisien atteint de cancer, le périple qu’il est amené à suivre afin d’accéder aux soins, aux médicaments et à une orientation adaptée à ses besoins. Ayant pour slogan : «Avec attention, amour et sagesse, nous serons votre soutien», la rencontre a permis d’éclairer l’assistance sur le parcours du malade du cancer ; un parcours de combattant contre une maladie maligne, car silencieuse, évolutive et, à défaut d’un dépistage à temps et d’une prise en charge pluridisciplinaire, mortelle.
Ouvrant la rencontre, Mme Raoudha Ben Miled Zarrouk, présidente de l’AMC, a évoqué brièvement l’historique d’une association créée en 2011 et qui, depuis cette date, œuvre sans relâche, pour l’accompagnement, l’information, l’orientation et l’appui tous azimuts des malades atteints de cancer. Elle n’a pas manqué de remercier toutes les personnes qui, grâce à leur appui moral et autre, matériel, continuent d’épauler les malades du cancer via le renforcement des capacités humaines et financières de l’association. Pour Mme Zarrouk, la vie rime avec espoir; deux composantes intrinsèques au processus du rétablissement.
Le Forum a été l’occasion pour l’association de présenter un bilan exhaustif, portant sur neuf années de travail ininterrompu ; un bilan qui a été finalement actualisé et lequel ne peut que servir de document de référence sur les 25% des malades du cancer en Tunisie, lesquels détiennent des dossiers auprès de l’association.
Prenant également place sur le podium, le Dr Rabie Razgallah a présenté, ainsi que la présidente de l’association, un récapitulatif dudit rapport.
3.450 malades suivis par l’AMC
En effet, l’AMC œuvre —et perpétue son engagement— grâce à des ressources financières dont 99% reviennent à des donations de particuliers ; soit 47% sous forme d’argent et 52% sous formes de dons divers. L’AMC prend en charge quelque 3450 malades atteints de cancer dont 79,5% des femmes, 16,7% des hommes et près de 4% d’enfants. «Si l’incidence annuelle du cancer en Tunisie s’élève à 12 mille cas, l’on constate que l’association prend en charge 25% des malades du cancer en Tunisie», souligne l’orateur. Mme Zarrouk rectifie ce constat en précisant qu’elle reçoit couramment des malades en quête de renseignements ou d’orientations, sans pour autant qu’ils aient des dossiers au sein de l’AMC. D’un autre côté, et par principe d’équité et d’humanisme confirmés, l’association n’exclut aucunement des malades du cancer dans le besoin, issus d’autres pays comme l’Algérie, le Maroc, la Guinée, le Mali, la Palestine ou encore la Libye.
Cela dit, et pour ce qui est des patients tunisiens, le rapport montre que 52,7% des malades adhérant à l’association proviennent des régions du nord et du nord-ouest. Cet indicateur traduit le manque d’orientation et de dépistage du cancer dans les régions du centre et du sud.
S’agissant des tranches d’âge des malades, le bilan montre que 60% des malades sont âgés de plus de 40 ans. La moyenne d’âge des enfants est de huit ans.
Certes, l’AMC est réputée pour son appui et son engagement en matière de lutte contre le cancer du sein, vu que ce dernier accapare, à lui seul, 65% des adhérents. Néanmoins, elle accueille toute personne atteinte d’une maladie cancéreuse. Les dossiers des enfants atteints du cancer du cerveau, par exemple, correspondent à 3,6% de l’ensemble des dossiers totaux.
Prise en charge : l’appui précieux d’une ONG
Tout en informant l’assistance sur des chiffres et des indicateurs qui en disent long sur l’évolution de cette maladie, l’orateur établit l’état des lieux de la prise en charge des malades. En effet, le parcours du combattant démarre via l’information sur sa maladie, sa sensibilisation sur une hygiène de vie à même d’atténuer l’évolution de la tumeur et des cellules cancéreuses mais aussi via un bon diagnostic et une prise en charge pluridisciplinaire, car médicale, psychologique et parfois sociale, administrative et juridique. En dépit de l’avancée médicale anti-cancer, la prise en charge des malades dans les institutions étatiques demeure en deçà des exigences. Le facteur temps détermine, dans la majorité des cas, les chances du rétablissement sinon les risques d’une évolution tragique ! «Le rôle de l’AMC consiste, en outre, en la vulgarisation de l’information sur le cancer et la mise à la disposition des malades d’une panoplie d’appuis depuis le diagnostic jusqu’au logement gratuit durant la période thérapeutique, en passant par le soutien juridique, social, financier et psychologique», indique le Dr Razgallah. Ainsi, l’AMC s’active-t-elle, grâce à ses membres mais aussi aux bénévoles mus par le sens de la solidarité, afin de faciliter l’accès des malades aux soins, de raccourcir les délais des rendez-vous auprès des établissements hospitaliers, de les orienter sinon vers le secteur privé pour des consultations gratuites. La cherté des médicaments, le coût du déplacement et toutes les dépenses lourdes pour un malade à faible revenu sont pris en compte par l’association, laquelle ne ménage aucun effort pour soutenir les malades et les aider à lutter contre la maladie qui les ronge.
Conseils, orientations médicales, diététiques, juridiques, sociales, acquisition des médicaments, paiement de loyers, acquisition de matériels médicaux et paramédicaux ; autant d’actions menées, non sans générosité, dans l’optique d’apporter aux malades l’espoir et le courage nécessaires afin de surpasser les obstacles entravant les soins et a la guérison.
Un cas de cancer du sein dépisté chaque semaine !
Le Dr Razgallah indique que l’AMC organise, depuis neuf années, des campagnes et des caravanes de dépistage du cancer du sein d’une manière hebdomadaire, touchant, à chaque fois, pas moins de 200 femmes. «Sur les 200 femmes diagnostiquées, 70 présentent des lésions suspectes et une femme présente un cas de cancer confirmé ; un constat alarmant qui nous pousse à multiplier les efforts en appelant à une meilleure prise en charge des malades», souligne Mme Zarrouk.
Par ailleurs, et toujours en ce qui concerne l’appui aux malades, l’AMC met à leur disposition La Maison Verte. Il s’agit d’un foyer d’une capacité d’accueil de 26 lits, qui offre à pas moins de 40% des malades du cancer pris en charge par l’hôpital Salah Azaïez un logement doté de toutes les commodités nécessaires, à titre gratis.
Acquérir en autonomie
Les malades adhérant à l’AMC, et dépourvus de sources de revenu, bénéficient, en outre, de formations en artisanat et en pâtisserie, couronnées par un diplôme les habilitant à intégrer la vie professionnelle. «Nous leur accordons, également, un petit capital pour les aider à monter des projets selon la formation acquise», renchérit la présidente de l’association.
D’un autre côté, l’AMC se mobilise pour soutenir les institutions étatiques en faisant l’acquisition de matériels médicaux, paramédicaux, de prothèses, de soutiens-gorge spécialisés pour les femmes ayant été soumises à l’ablation du sein, des perruques et autres nécessités relatives aux soins et à la vie quotidienne d’un malade du cancer. Notons qu’un échographe a été acquis par l’association en faveur de l’hôpital Salah Azaïez et dont le coût s’élève à 200 mille dinars.
Nouveaux défis !
Aujourd’hui, et tout en poursuivant son activité, l’AMC vise à réaliser de nouveaux objectifs, de nouveaux défis. Il convient en effet de renforcer l’éducation du patient tunisien afin de prévenir les maladies chroniques, d’une manière générale, et les maladies cancéreuses, en particulier. L’alimentation joue, dans ce sens, un rôle primordial ainsi que l’hygiène de vie d’une manière globale.
Le deuxième défi lancé correspond au soutien des institutions étatiques en matière de soins palliatifs. L’idée étant de donner à ce volet une plus grande importance via la multiplication des formations spécialisées à cet effet et destinées aux professionnels de la santé.
Enfin, l’AMC s’engage dans un projet qui consiste en la digitalisation de ses données ; un projet baptisé «Databox» qui serait finalisé en 2020 et apporterait aux scientifiques et aux spécialistes des données actualisées sur l’incidence du cancer via les cas pris en charge par l’association.
