LA politique peut-elle avoir un fondement moral ? Il est évident que les relations entre les différents acteurs politiques font aujourd’hui l’objet d’appréciations contradictoires. La crise de confiance et le malaise politique font écho à une déformation sans précédent. Le paysage politique est en train de perdre sa dimension morale. Au centre de la controverse, certaines parties prennent l’initiative de définir à leur manière quel type de valeurs il devrait détenir. Elles oublient toutefois que cela peut être une arme à double tranchant. Une manière aussi de révéler et de renforcer les divisions.
Les concertations sur la formation du gouvernement n’avancent pas. Entre accusations et dénonciations, le mouvement Echâab a suspendu sa participation. Il justifie sa décision par le fait que le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli, a failli à sa mission de gérer les concertations, n’ayant pas réagi favorablement aux propositions avancées par le mouvement. Le Courant démocratique s’est lui aussi retiré des concertations. Son président, Mohamed Abbou, a fait savoir que son parti ne prendra pas part à la future équipe gouvernementale et que les députés du bloc démocratique ne voteront pas en faveur du gouvernement de Habib Jemli. C’est aussi la position que soutient Tahya Tounès et dont le président du bloc parlementaire, Mustapha Ben Ahmed, a catégoriquement démenti les informations selon lesquelles son parti prendra part au prochain gouvernement.
Suspension, retrait et démenti, serait-ce ainsi un signe de crise de confiance ? Dans un paysage ouvert à tous les aléas, l’éthique a-t-elle encore une valeur ? Il semble qu’avec la crise socioéconomique que connaît le pays, tout est évalué en termes d’échec. Un échec dont la responsabilité revient aussi, comme le confirment le Courant démocratique et le mouvement Echâab, à la partie qui a investi Habib Jemli en tant que chef de gouvernement désigné. Cela est visible dans les discours, mais aussi et surtout dans la manière avec laquelle la formation du gouvernement est appréhendée. Il ne fait aucun doute que les identités de nombreuses personnes et leur sentiment d’appartenance sont inextricablement liés à leur représentation, personnelle ou collective, du monde politique. Selon ceux qui ont claqué la porte, le nouveau gouvernement ne peut s’accommoder d’entorses à des principes fondamentaux comme la lutte contre la corruption, le redressement économique, la sérénité sociale, la neutralité de l’administration…
C’est à ce titre qu’ils comptent combattre les pratiques qui sont la négation même de la crédibilité du nouveau gouvernement. Des plus banales aux plus graves.