Les médias publics et tout le secteur médiatique connaissent actuellement une crise généralisée marquée notamment par l’absence d’une stratégie de réforme des entreprises médiatiques publiques, une précarité des conditions sociales et économiques des journalistes et un marché publicitaire considérablement réduit et incapable de répondre aux différentes exigences financières.
Le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) a organisé, hier, un atelier pour la préparation au premier congrès national sur les politiques publiques dans le domaine des médias. Il était question de rassembler tous les intervenants et les parties impliquées relevant du secteur afin de discuter d’une manière participative des réalités des médias tunisiens, du secteur médiatique et notamment des politiques publiques portant sur ce sujet.
Le président du Snjt, Neji Bghouri, a dressé un bilan désolant des réalités du secteur médiatique, notamment en ce qui concerne les garanties de la liberté de la presse. « La situation est aujourd’hui préoccupante d’autant plus que certaines entreprises médiatiques veulent s’emparer du secteur et notamment des revenus publicitaires, ce qui met en péril la diversité du paysage médiatique tunisien », a-t-il noté appelant à intégrer le public dans la mise en place des programmations et des choix médiatiques des médias publics vu qu’il contribue à leur financement.
Neji Bghouri qui souligne la nécessité de mettre en place un modèle médiatique puissant, viable et diversifié, pense que les politiques publiques médiatiques doivent prendre en considération trois principaux aspects. Il est nécessaire, selon ses dires, d’assurer un modèle économique viable aux médias tunisiens, de garantir une diversité au sein du paysage médiatique et de promouvoir des contenus médiatiques de qualité. « Sans médias puissants et viables, nous n’aurons pas un modèle médiatique qui donne lieu à un espace public démocratique dans lequel les affaires publiques se discutent, et dans lequel les citoyens s’expriment en toute liberté. Le Tunisien a le droit d’avoir accès à un tel espace et à des produits médiatiques de qualité », a-t-il conclu.
En effet, la question de la viabilité des médias et de leur capacité à s’imposer en tant qu’entreprises médiatiques puissantes était au centre de ce débat, qui intervient pour préparer le prochain congrès sur les politiques publiques médiatiques dont la date n’a pas été encore fixée.
C’est dans ce sens que Sadok Hammami, chercheur et enseignant à l’Institut de presse et des sciences de l’information (Ipsi), a articulé son intervention.
Pour lui, il faut penser à une nouvelle conception pour les médias tunisiens en tant que vecteurs du service public. Hammami a dressé également un bilan négatif du paysage médiatique tunisien, qui souffre, selon ses dires, de plusieurs manquements, dont notamment l’absence d’un système transparent de publicité publique et de mesure d’audience. « Pour se pencher sur la question des politiques publiques médiatiques, il faut prendre en considération l’environnement et l’écosystème en perpétuelle évolution dans lesquels s’activent aujourd’hui les médias tunisiens », a-t-il ajouté, estimant même que les médias tunisiens et tout le secteur médiatique connaissent actuellement une crise généralisée marquée notamment par l’absence d’une stratégie de réforme des entreprises médiatiques publiques, une précarité des conditions sociales et économiques des journalistes et un marché publicitaire considérablement réduit et incapable de répondre aux exigences financières des médias tunisiens, la solution étant donc de revoir leur modèle économique.
Réformer les médias publics
En effet, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité d’accélérer le processus de la réforme des médias publics, dont la situation est loin d’être confortable. D’ailleurs, des représentants de médias publics ont pris part à ce débat, pour étaler leur vision à cet effet. Parmi eux, Nabil Gargabou, président-directeur général de la Snipe-La Presse, qui a fait part d’une situation financière délicate par laquelle passe l’entreprise, appelant à une action étatique urgente pour la sauver. Car d’après lui, en l’absence d’un tel appui financier, l’entreprise serait même menacée de disparition. « Nous gérons nos budgets au jour le jour, on doit appuyer cette entreprise financièrement pour assurer sa viabilité avant même d’évoquer des plans de réformes », a-t-il encore souligné.
La Snipe-La Presse ne fait pas l’exception dans ce paysage médiatique qui souffre d’un modèle économique obsolète ne répondant plus aux exigences de la nouvelle conjoncture économique et de la transition numérique que connaît le monde entier, les différents responsables des médias publics ont appelé à appuyer davantage leurs organes de presse pour assurer la diversité au sein de ce paysage, d’autant plus que la crise financière est généralisée, mais aussi à revoir certaines législations pour améliorer les contenus et la créativité médiatiques.
Ce débat a permis également de revenir sur la question de la formation et de l’enseignement supérieur en liaison avec le secteur médiatique. Et c’est dans ce sens que Sami Oueslati, cadre au Centre africain de perfectionnement des journalistes et communicateurs (Capjc), a appelé à changer la vocation administrative de son organe pour qu’il puisse élargir son activité et assurer de nouveaux revenus.
Même son de cloche chez Hamida Bour, directrice de l’Ipsi qui a également appelé à mettre fin au régime Licence-Master-Doctorat (LMD) et le remplacer par un cycle d’études de quatre ans pour appuyer davantage les compétences des étudiants, futurs journalistes et communicateurs.