Dans le cadre de ses travaux, la commission d’enquête parlementaire sur le drame de Amdoun a reçu ce matin une délégation de représentants des familles des victimes. La présidente de la commission Saida Ounissi a pour l’occasion accordé tout le temps nécessaire aux personnes présentes, sans limitation de temps de parole. Ainsi, ces pères, ces mères, frères et sœurs de victimes sont venus témoigner. Un témoignage sincère, sans filtre. Ces gens sont venus parler de ceux qu’ils ont perdus dans le drame. Ils semblait important pour la maman d’Ibrahim, mort à 33 ans dans l’accident, de décrire aux élus le sourire de son fils, l’odeur de son parfum, de ses plats préférés, mais également du fait que depuis peu, il faisait du sport, qu’il était beau.
Émotions
« Le jour de l’accident, je l’ai appelé alors qu’il était en route. Je lui dis de faire très attention et surtout de bien se couvrir car il y avait du vent. Je ne pouvais m’imaginer qu’il pouvait mourir, je ne pouvais imaginer qu’il pouvait partir avant moi. J’ai un seul fils j’aurais dû mourir avant lui », raconte-t-elle avec des mots simples étouffés par des sanglots.
Dans la salle, les députés et les journalistes présents sont émus. Quelques minutes après, c’est une jeune fille d’une vingtaine d’année qui prend la parole et bouleverse l’auditoire. Dans l’accident, elle a perdu sa sœur, Malek (17 ans) , et sa petite sœur elle (8 ans), blessée au dos, et encore sous le choc de ce qu’elle a pu voir. A seulement huit ans, elle a dû voir ce qu’elle ne devait même pas voir à la télévision.
» J’ai vu des vidéos, j’ai vu du sang partout, des corps mutilés et gens qui criaient et j’en suis encore malade, je ne peux même pas aller aux toilettes sans que quelqu’un m’accompagne, raconte la sœur devant les élus. Alors que dire de ma petite sœur de huit ans ».
Complètement abattue par le dècès de sa sœurette, Rahma, ne veut plus aller en cours à la fac. « Après ce que j’ai vu et ce que j’ai vécu, je ne peux plus en vouloir aux jeunes qui veulent quitter le pays », dit-elle.
Colère contre les autorités publiques
Si l’ensemble des représentants des familles s’accordent à dire que rien ne peut au final faire revenir celles et ceux qui sont morts, ils sont nombreux à demander des comptes et continuent à se poser des questions: Pourquoi le chef de l’Etat n’a-t-il pas dépêché des hélicoptères pour évacuer les blessés? Pourquoi, pour de nombreuses familles de blessés les soins ne sont pas gratuits, pourquoi l’assistance psychologique n’a-t-elle pas été à la hauteur du drame et enfin, pourquoi la présidence du gouvernement n’a-t-elle pas pris des dispositions exceptionnelles en faveur des familles des victimes?. Autant de questions qui restent sans réponses et qui empêchent les familles de faire leurs deuils.
« Je suis allé à l’hôpital de Béja, se rappelle tristement Rahma, ma sœur, mourante, a été évacuée par les escaliers, il n’y a même pas un ascenceur adapté! je ne pouvait même pas y croire ».
Le père de Rami Khelifi lui, a déclaré que son fils était probablement le dernier à mourir dans cet accident. « Il est mort d’une hémorragie interne, explique-t-il. Au moment de l’accident il a même contribuer à secourir les blessés ». Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres, il estime que beaucoup aurait pu survivre, si les secours étaient arrivés à temps, et si les soins prodigués aux blessés avaient été faits dans les règles de l’art.
Prenant la parole les uns après les autres, les familles demandent aux députés que justice soit faite, et que tout les responsables soient traduits devant la justice. « J’en veux au propriétaire du bus, pour moi, il est inutile de coller cet accident sur le dos du chauffeur décédé », lance Rahma.
Preuve que l’encadrement psychologique était une pure opération de communication, Meriem, la survivante de huit ans n’a reçu la visite d’une psychologue qu’une seule fois. « La psychologue lui a demandé de faire des dessins, mais elle n’est jamais revenue pour les voir », raconte sa maman.