Parti qui domine la scène politique depuis la révolution, Ennahdha se dirige vers un tournant crucial de son histoire.
Les maux du parti Ennahdha ne datent pas d’aujourd’hui, mais remontent à la période préélectorale quand les divergences entre ses dirigeants faisaient la Une des journaux et ne cessaient d’apparaître au grand public et d’être exposées sur les plateaux télévisés. Inutile de rappeler les déclarations «choquantes» de Mohamed Ben Salem lorsqu’il a même accusé des dirigeants d’Ennahdha d’avoir «tissé des liens avec des corrompus». Les différentes démissions au sein de ce parti, à commencer par Abdelhamid Jelassi et à Abdelfateh Mourou en passant par Zied Ladhaari, ne faisaient que dévoiler une crise de nature politique qui ne cesse de s’emparer du parti durant la dernière période.
En effet, les divergences d’hier n’ont pas été dépassées et la tension ne cesse de monter au sein du parti de Rached Ghannouchi d’autant plus qu’Ennahdha est face à un tournant historique : céder sa présidence à une nouvelle figure et tourner la page de Rached Ghannouchi en tant que président du parti, celui qui ne cesse de multiplier les efforts et manœuvres politiques en vue d’assurer une nouvelle légitimité, mais surtout un nouveau mandat. Pourtant cette fois-ci, la résistance est de taille.
En tout cas, les échos et les indiscrétions provenant de Montplaisir font savoir qu’une réunion cruciale du Conseil le choura attendue vers la fin de la semaine prochaine devra trancher la question de l’organisation du congrès du parti mais aussi se prononcer clairement sur les intentions de Rached Ghannouchi qui vise à assurer un nouveau mandat.
Soit pour, soit contre !
Au sein du parti Ennahdha, il existe actuellement deux grandes fractions, ceux qui poussent vers un ultime renouvellement du mandat de Rached Ghannouchi au détriment du règlement interne du parti qui ne le permet pas, et ceux qui s’opposent à un tel scénario qui décrédibiliserait l’image d’un parti présenté comme étant démocratique, prônant la nécessité de mettre en place un renouveau politique et d’ouvrir Ennahdha sur de nouveaux horizons nationaux face aux défis régionaux. D’ailleurs, le groupe de dirigeants du parti autoproclamés «Groupe de l’unité et du renouveau» ne cessent de tirer la sonnette d’alarme contre en éventuel maintien de Rached Ghannouchi à la tête d’Ennahdha. Ces dirigeants, conduits notamment par Abdelkarim Harouni, attirent même l’attention sur l’accumulation de certains «points négatifs» et erreurs commises au cours des dernières années, dont le dysfonctionnement qui a mis à mal la ligne politique, la faiblesse du
«rendement institutionnel » et « le manque de discipline» de certains dirigeants et figures du parti. Ils s’opposent catégoriquement aux plans de Rached Ghannouchi qui constituent une source de tension au sein du parti, comme ils l’expliquent.
Dans le camp opposé, des dirigeants comme Ajmi Lourimi, grand fidèle de Rached Ghannouchi, poussent, pour une raison ou une autre, vers le maintien de celui qu’ils appellent le «leader historique» et la «personnalité exceptionnelle» à la tête du parti jusqu’à nouvel ordre.
Mourou claque définitivement la porte
Et c’est dans ce contexte déjà brouillé et tendu que le dirigeant très médiatisé du parti Abdelfattah Mourou a choisi d’enfoncer le clou. L’ancien vice-président de l’Assemblée des représentants du peuple et un des leaders très connus du mouvement Ennahdha a annoncé, pour la énième fois, son retrait de la vie politique et du mouvement Ennahdha, mais cette fois il paraît que c’est la bonne puisqu’il affirme qu’il est devenu «un simple décor» au sein du parti. Lui qui assure que sa décision émane d’une «remise en question sur ses performances politiques et sa perception de l’étape actuelle» tient à souligner qu’une grande crise s’est emparée de son parti. En effet, ce ténor du mouvement islamiste a multiplié, hier, les apparitions médiatiques avec un seul message: «Ennahdha fait face à de grandes difficultés».
Rappelons dans ce contexte que le président de l’Assemblée des représentants du peuple et le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, avait décidé de dissoudre le bureau exécutif de son parti et de le transformer en bureau chargé d’expédier les affaires, en attendant la formation d’une nouvelle composition. Si pour les canaux officiels du parti, cette décision intervient pour répondre aux «exigences de l’étape», pour certains observateurs, il ne s’agit que d’une manœuvre politique visant à assurer un nouveau mandat à Rached Ghannouchi et à retarder la tenue du congrès prévu cet été.